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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Trois facettes de Stravinsky

Stravinsky OrchestrePhilharmoniqueRadioFrance

Mikko Franck et ses musiciens du Philhar de Radio France associent, en de magistrales exécutions, trois œuvres de Stravinsky, singulières dans leur genre, des années 1913, 1922 de 1929 : Capriccio pour piano, l'Octuor pour vents et le Sacre du printemps. Trois visages bien différents d'un compositeur réputé pour ses audacieux alliages de timbres et de rythmes.

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C'est sans doute cette caractéristique qui au-delà de leur différence formelle, unit les pièces choisies. Le Capriccio pour piano et orchestre, créé en 1929 à Paris, Salle Pleyel, par Ernest Ansermet et Stravinsky au piano, cultive l'éclectisme dans son mélange cordes-bois-piano soliste. Tout comme une certaine légèreté dans une extrême concision. Ce qui se vérifie dès le Presto initial, fait de grands accords et d'une rythmique irrégulière jusqu'à une fin comme au ralenti. L'Andante rapsodico, qui paie hommage à Bach dans la démarche solennelle du premier thème confié au piano sur une ligne des bois bien distribuée et un orchestre fondu, bascule soudain dans une forme de déclamation libre, souplement scandée par Mikko Franck. Le tempo initial se mêle peu à peu à cet autre dans des « inflexions presque romantiques... Il faut être Stravinsky pour concilier des inspirations aussi opposées », remarque André Boucourechliev (in ''Igor Stravinsky'', Fayard, 1989). La pianiste Nathalia Milstein adopte une manière bien détachée et sonore. Enchaîné, l'Allegro capriccioso final est un feu d'artifice. Sur un refrain d'apparence populaire et preste, la partie de piano s'avère virtuose. Ce qui n'empêche pas quelques affleurements pseudo romantiques.

Tout autre, l'Octuor pour instruments à vent, de 1923, est un exercice purement intellectuel, et « bien un de ces idéogrammes stravinskiens dont le déchiffrement n'a qu'un sens : la musique, toute la musique et rien que la musique » (ibid.). Là aussi les combinaisons sonores sont d'une étonnante audace et d'une grande variété. Comme il en est à la Sinfonia introductive. Le Tema con variazioni propose un thème de valse à 3 temps contré par des phrases à 4 temps. Les variations brillantes renforcent le caractère abstrait de l’œuvre. Le Finale poursuit cette voie dans ses derniers retranchements, avec cette fois une amusante légèreté. Ce que font ressentir les instrumentistes du Philar : Mathilde Calderini, flûte, Nicolas Baldeyrou, clarinette, bassons de Julien Hardy et d'Hugues Anselmo, trompettes d'Alexandre Baty et de Javier Rossetto, et trombones d'Antoine Ganaye et de Raphaël Lemaire.

Mikko Franck et ses Philar donnent du Sacre du printemps une exécution incandescente. Qui montre aussi combien cette œuvre possède une unité stylistique à travers ses épisodes contrastés et ses empilements d'agrégats sonores si audacieux. On est au-delà de la rugosité sonore primaire. Et aussi dans une approche autre que celle d'une musique pour le ballet. Il s'agit bien ici d'une vision symphonique, de concert et pour le concert. Qui contraste les séquences, sans tomber dans l'excès de déluge sonore. L'Introduction de ''L'adoration de la terre'' est prise lent aux premiers traits des vents, puis très liée au moment où le flux musical s'amplifie à l’ensemble de la petite harmonie. On soulignera la propulsion dynamique (''Les Augures printaniers''), le sentiment d'urgence (''Jeu de rapt''), les ruptures et la décharge rythmique (''Rondes printanières''), l'emballement du tempo (''Jeux des cités rivales''), lequel est poussé à ses limites et mené à train d'enfer (''Danse de la terre''). L'Introduction à la Seconde partie, Mikko Franck la conçoit libre, sans retenir, avec un sous-bassement de bois d'une plasticité exceptionnelle. On pense presque aux ramages de L'Oiseau de feu. Là encore on savoure l'orgie sonore de ''Glorification de l'élue'', tranchée au scalpel. Mais aussi une battue soutenue, mais pas dure (''Action rituelle des ancêtres''), une solidité rythmique sans faille lors des grandes confrontations entre blocs sonores (''Danse sacrale''), ses avalanches successives et ses différences d'intensité, de spatialité aussi. Le rôle du silence encore, libérateur, facilitateur. La coda progresse dans son inéluctable puissance et ses différences d'intensité, toujours d'une extrême clarté. Une grande et belle version, magnifiée par un orchestre au mieux de sa forme.

Et par une prise de son limpide à l'Auditorium de Radio France, qui ménage dans un extrême relief les divers plans, dont la petite harmonie sans spotlighting sur tel ou tel instrument. Il en va de même pour les deux autres pièces : balance soignée entre soliste et orchestre dans le Capriccio et judicieuse répartition des vents de l'Octuor.

Texte de Jean-Pierre Robert    

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Plus d’infos

  • Igor Stravinsky : Capriccio pour piano et orchestre. Octuor pour instruments à vent. La Sacre du printemps
  • Orchestre Philharmonique de Radio France, dir. Mikko Franck
  • 1 CD Alpha : AP 894 (Distribution : Outhere Music France)
  • Durée du CD : 68 min 09 s
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5)

CD disponible sur Amazon



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