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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Christophe Rousset ressuscite Acis et Galatée de Lully

Lully AcisEtGalatee

Pour son septième opus des œuvres lyriques de Lully, Christophe Rousset a choisi la dernière de celles-ci, la pastorale héroïque Acis et Galatée. Avec la même empathie, la même verve que pour les opéras précédents, dont Alceste ou Isis. Entouré d'une distribution prestigieuse, il nous offre une nouvelle fois une totale réussite, qui remet en lumière cette pièce peu connue et mérite notre admiration.

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Créée au Château d'Anet en 1687, en l’honneur de Monseigneur, le Grand Dauphin, fils de Louis XIV, et pour le divertir, la pastorale Acis et Galatée s'adresse d'abord au royal personnage, puisqu'au Prologue, Diane y convoque l'Abondance et Comus pour fêter l'illustre hôte. L'opéra proprement dit, inspiré du Livre XIII des Métamorphoses d'Ovide, met en scène les amours de la nymphe Galatée et du berger Acis, quelque part sur les rivages de Sicile, non loin du Mont Etna, idylle contrariée par le jaloux cyclope Polyphème qui pour se venger d'être éconduit par la dame, précipite un rocher sur son rival. Neptune appelé à la rescousse par l'inconsolable Galatée, ressuscite le beau berger et le métamorphose en fleuve pour l'unir pour toujours à Galatée : « vivez désormais pour ne mourir jamais » prédit le dieu au cher homme. À part Apollon au prologue et le dieu des mers à la fin de l'opéra, pas d'autres divinités ne viennent encombrer cette pièce à trois personnages principaux, seulement flanqués de quelques seconds. 

De belles inventions en marquent le cours. Comme des duos expressifs distribués par exemple à deux ténors aigus, Acis et Télème (I/2). Et bien sûr ceux confiés aux deux protagonistes. C'est par un tel ensemble qu'ils débutent leurs échanges, lequel après que Galatée eût émergé des flots marins sur le rivage sicilien et découvrant Acis, s'avère fort animé, façon ''je t'aime, moi non plus'' (I/4). Un autre, au début de l'acte II, est touchant car la nymphe succombe assez vite aux empressements du berger « jouissez de mon trouble et de votre victoire », lâche-t-elle (II/1). Le chant est fait d'un récitatif discret que prolonge parfois un air, dont celui que chante Galatée au IIème acte sur une chaconne. Rousset favorise chez ses chanteurs un ton exempt d'affectation, ce qui rend cette musique directement abordable. Priorité est donnée au texte, dépourvu d'emphase ou de préciosité. Sa manière de diriger les voix confine à une véritable direction d'acteurs tant les échanges se veulent engagés, comme d'ailleurs les interventions du chœur. Cela sonne vrai.

La distribution le vit intensément. Qui aligne des artistes familiers de l'idiome français du XVIIème. Cyril Auvity, Acis mais aussi Apollon du prologue, brille par un timbre lustré, une superbe projection et un style consommé, en particulier quant aux ornementations du langage lullien. La diction est d'une constante simplicité, élégante, jamais affectée. La Galatée d'Ambroisine Bré communique une émotion vraie, que ce soit dans l'air-chaconne du II/5, si bien soutenu par le ripieno, parmi les meilleures inspirations de Lully, ou dans le grand monologue du dernier acte, sommet de l’œuvre, musique de plus en plus oppressante : plus qu'un lamento sur la perte de l'être aimé, une sublime déclaration d'amour, entrecoupée soudain d'accès de fureur contre l'injustice du destin. Parmi les autres voix de ténors aigus, typiques du vocabulaire lullien, Robert Getchell, Télème, dispense un timbre plus flûté que celui de son collègue Auvity et plus grave aussi, tel un contralto féminin, ou Enguerrand de Hys, le prêtre de Junon, un beau métal assuré. Quant au Polyphème d'Edwin Crossley-Mercer, il offre un clair baryton basse et une diction dramatisée mais contenue dans des proportions raisonnables, chez ce vrai-faux amant, même si la musique semble parfois frôler l'excès à son propos, voire le cocasse. Les autres rôles sont parfaitement tenus, dont le fin soprano de Deborah Cachet, Aminte, ou celui plus corsé de Bénédicte Tauran, Scylla. La basse Philippe Estèphe, Neptune, possède la bonté dans la voix. Et le Chœur de chambre de Namur se distingue par sa diction sans emphase et une qualité de chant exemplaire.

L’œuvre confie à l'orchestre une place importante, au fil de danses bien senties, Menuets alertes, Marches et autres Airs majestueux, et ce dès le prologue. Rousset est ici chez lui. Comme déjà loué dans d'autres albums lyriques de Lully, et en dernier lieu Le Ballet royal de la naissance de Vénus, sa vision est d'un grand raffinement sonore dans le ripieno des cordes, parfois agrémenté d'un ''concert de flûtes'' avec accompagnement d'une cloche d'argent. Le continuo l'est tout autant, constitué de 5 parties, dont le clavecin du chef-claveciniste lui-même. La battue offre cette spontanéité qui asservit la rythmique au naturel du discours. Elle possède, cette fois, un parfum d'intimisme, conférant à cette histoire simple et métaphorique le vrai même de la vie. Elle peut parfois forcer le trait aux fins de caractérisation, du personnage de Polyphème par exemple, dont les entrées sont martelées avec ajout d'un flûte virevoltante (III/5), par un étonnant contraste. Cette magistrale prestation trouve son épitomé à la vaste Passacaille finale qui clôt en apothéose une œuvre attachante et une réalisation en tous points mémorable.

La qualité de la prise de son ajoute à son prestige. L'enregistrement au Conservatoire Jean-Baptiste Lully de Puteaux (!) offre intimisme, relief et extrême présence. L'équilibre entre voix, agréablement placées tout comme les chœurs, et orchestre est proche de l'idéal. 

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Texte de Jean-Pierre Robert

Plus d’infos

  • Jean-Baptiste Lully : Acis et Galatée. Pastorale héroïque en un Prologue et trois actes. Livret de Jean Galbert de Campistron
  • Cyril Auvity (Acis/Apollon), Ambroisine Bré (Galatée/Diane), Edwin Crossley-Mercer (Polyphème), Deborah Cachet (Aminte/Une dryade/Une naïade), Bénédicte Tauran (Scylla/Une Naïade/ l'Abondance), Robert Getchell (Télème/Comus), Enguerrand de Hys (Tircis/ le Prêtre de Junon), Philippe Estèphe (Neptune/Un sylvain)
  • Chœur de chambre de Namur, Thibault Lenaerts, chef de chœur
  • Les Talens Lyriques, clavecin et dir. Christophe Rousset
  • 2 CDs Aparté : AP 269 (Distribution : [Integral])
  • Durée des CDs : 51 min + 60 min
  • Note technique : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleue (5/5) 

CD disponible sur Amazon



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