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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

DVD d'opéra : Titon et l'Aurore de Mondonville

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C'est à William Christie et à sa passion pour l'opéra baroque français que l'on doit la redécouverte de la Pastorale héroïque Titon et l'Aurore, captée live à l'Opéra Comique en février 2021, hélas en l'absence de public, pandémie oblige. Une pépite qui nous ramène au temps de Louis XV pour saluer les efforts de Madame de Pompadour quant à la remise au goût du jour d'une pièce mythologique dont elle confiera la mise en musique à un musicien en vogue à Paris, Mondonville. La présente production restitue l'atmosphère bucolique d'une œuvre musicalement avenante, tandis que la régie, due à un metteur en scène marionnettiste, nous conduit aux pays des merveilles.

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Si la création de Titon et l'Aurore en 1753 s'inscrit au plus fort de la fameuse querelle des bouffons opposant les tenants de la stricte tradition en matière d'opéra français aux thuriféraires de l'opéra buffa et de ses excès, « la cohabitation des genres, une première sur la scène française, fait fi à la fois de l'opera seria italien et de l'opéra-comique parisien », relève Agnès Terriers. Les partisans de l'art français, sous la houlette de Mme de Pompadour « prennent Mondonville et son Titon pour fers de lance et vont assurer le triomphe de l’œuvre ». La ''pastorale'' de Mondonville traite des amours contrariés du berger Titon, en réalité frère du grec Priam, et de l'Aurore, déesse de la lumière. Ce que le dieu Éole entend ne pas voir prospérer, qui veut conquérir la belle, alors que Palès, déesse des bergers, se verrait bien épouser le beau berger. Après que ces deux-là eussent vidé leur querelle d'ego, que Titon ait eu à subir un vieillissement spectaculairement rapide, les deux protagonistes sont réunis, lieto fine oblige, grâce à un deus ex machina qui n'est autre que le coquin Amour. Car les bons sont justement récompensés. Avant cela, un prologue aura présenté Prométhée et ses flambantes manières en guise d'hommage louangeur à un royal berger, Louis XV, de la part de sa favorite dévouée, Mme de Pompadour.

La musique réalise une synthèse des modes français et italien dans une « œuvre assez équilibrée pour avoir satisfait les deux camps », souligne Christie, et « caractéristique du style Louis XV » par sa virtuosité d'écriture, « admirable d'invention » associant « le bucolique et l'arcadien ». L'élégance française, à travers notamment de nombreuses danses, est rehaussée d'« épices italiennes », telle des harmonies audacieuses et des tempos exagérés. Comme on en trouve dans la direction du grand chef baroque : une battue rapide (Ouverture, ''Air léger'' formant entracte entre le I et le II, ou encore ''Ritournelle'' ouvrant l'acte III, prise à une allure ultra preste). Mais qui sait aussi être suave, presque langoureuse (''Airs'' de ballet, 1er air de Titon, air de Palès). Pour défendre ce morceau de notre patrimoine national, il peut compter sur les qualités instrumentales de ses Arts Florissants, dont des bassons bien sonnants conférant ce halo si particulier enveloppant la symphonie, et de discrètes percussions aigrelettes.

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Acte II, Reinoud van Mechelen (Titon), Emmanuelle de Negri (Palès), 3 nymphes ©Stefan Brion

Tout cela emporte un cast choisi, très à l'aise dans cet idiome. La douceur du timbre comme de l'émission permettent à Reinoud van Mechelen de composer un intéressant portrait de Titon, sans jamais forcer le ton ou être tenté de surjouer un personnage un brin fataliste, mais résolu dans sa constance vis-à-vis de l'objet aimé. Il trouve son apogée à l' ''Accompagnato'' de l'acte III, où sur la mélodie d'une flûte plaintive, Titon voit son propre vieillissement prématuré – effet magistralement rendu par la régie. Gwendoline Blondeel, pur produit de l'Académie de La Monnaie de Bruxelles, offre de L'Aurore un soprano bien placé, doté de douces coloratures, que ce soit dans son Ier air ou à l'acte III, là où la jeune femme se compare à une tourterelle douce et fidèle. L’Éole de Marc Mauillon, dans son accoutrement fantasque, chevelu et barbe fournie, frôle la perfection par une diction digne de ses illustres collègues Van Dam ou Naouri. On admire la manière dont il use du registre grave de son timbre de baryton Martin. Un Pelléas en devenir ! La Palès d'Emmanuelle de Negri fait office de rageuse rivale avec un chant lui aussi immaculé et une composition savoureuse, à peine exagérée. Le duo avec Mauillon (III/1) est un des grands moments du spectacle. Julie Roset est un Amour joyeux tout en délicatesse, pomponné façon Louis XV. Seul Renato Dolcini, Prométhée au Prologue, joue dangereusement avec la justesse. Les chœurs des Arts Flo, souvent appelés à seconder les marionnettistes, jouent et chantent à ravir sous la houlette du Maître.

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Acte III final, Julie Roset (L'Amour), Titon, Gwendoline Blondeel (L'Aurore) ©Stefan Brion 

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La régie de Basil Twist mise sur l'allégorique mâtiné de merveilleux. Ce grâce au recours à des marionnettes dont l'américain est un des spécialistes actuels. Durant le prologue assiste-t-on aux évolutions de personnages imaginaires manipulés pendant les danses, avant qu'une brassée de moutons blancs bien charnus n'investissent le plateau. Ceux-ci, on les retrouvera tout au long de l’œuvre, singulièrement au IIème acte, entourant le berger Titon, alors que plusieurs d'entre eux semblent s'y connaître en rythme musical à en juger par leurs mimiques en mesure. Cela ira jusqu'à la profusion, figure exacerbée d'une brochette d'animaux disposés en hauteur ou virevoltant dans les airs, afin pour la méchante mais imaginative Palès de tenter de séduire le beau berger. Twist n'hésite pas à ouvrir une boîte à malice haute en couleurs franches de tout un nuancier de verts et de bleus, dont émergent des moutons dragueurs à la solde de ladite déesse. Il manie une gestuelle façon ''Grand siècle'' et la décoration est emplie d'effets de symétrie et de surlignement de tel ou tel, comme l'Aurore entourée d'une auréole enluminée qu'on déplace derrière elle au fur et à mesure de ses mouvements. L'arrivée d’Éole, enfoui dans des voiles volant au vent est spectaculaire, comme celle de Palès, tête ceinte de cornes de bélier, flanquée de deux personnages-moutons de la même trempe, façon confidentes, rivées aux paroles de leur maîtresse. Les costumes sont délicatement datés. Quant aux danses, elles sont volontairement sages ou proprement déjantées. Tout cela donne à voir une conception symbolisée de l’œuvre et la recherche d'une esthétique généreuse maniant le clin d’œil amusé. Qui déchiffre simplement l'intrigue sans chercher une quelconque ''relecture''.

La captation filmique le restitue bien, qui propose de bien jolies images dans des plans d'ensemble choisis, et fait un usage modéré des gros plans. La prise de son favorise une acoustique proche et la présence sonore qu'on apprécie tant dans la salle de l'Opéra Comique.   
Texte de Jean-Pierre Robert  

Plus d’infos

  • Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville : Titon et l'Aurore. Pastorale héroïque en un Prologue et trois actes. Livret de Claude-Henri de Fusée, abbé de Voisenon, d'après les livrets de Houdar de la Motte et de l'Abbé de La Marre
  • Reinoud van Mechelen (Titon), Gwendoline Blondeel (L'Aurore), Emmanuelle de Negri (Palès), Marc Mauillon (Éole), Julie Roset (L'Amour), Renato Dolcini (Prométhée), Virginie Thomas, Maud Gnidzaz, Juliette Perret (Nymphes)
  • Les Arts Florissants, dir. William Christie
  • Mise en scène, décors et direction des marionnettes : Basil Twist
  • Video designer : Daniel Brodie
  • Éclairages : Jean Kalman
  • Collaboration artistique à la mise en scène : Constance Larrieu
  • Assistant aux costumes : Alain Blanchot
  • Coach vocal : Benoît Hartoin
  • Filmé au Théâtre de l'Opéra Comique en février 2021
  • Film director : François Roussillon
  • 1 DVD Naxos/Fra prod Cinéma : 2.110693 (Distribution : Outhere Music France)
  • Durée du DVD : 2 H 7 min
  • Note technique : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleue (5/5)

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