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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : le Quatuor Pražák joue Franck et Dvořák

Prazak Quartet Francois Dumont

Dans leur nouvel album, les Pražák associent Franck et Dvořák, un singulier rapprochement entre deux musiciens que tout sépare mais qui se retrouvent peut-être quant au travail approfondi sur la thématique. À la concentration motivique chez l'un où tout procède d'un même thème, fait écho chez le second une abondante veine mélodique. Ils se rejoignent aussi dans le souci de préserver à la musique son caractère ''national''. Ce qu'illustre la spontanéité du jeu des présents interprètes.

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César Franck compose son Quintette avec piano en Fa mineur en 1878-1879. L’œuvre présente quelques caractéristiques intéressantes. Elle est constituée de trois mouvements et est conçue sur le procédé cyclique cher à l'auteur, qui développe un même thème au long de ces mouvements. Elle fait usage d'un chromatisme souvent exacerbé et de modulations audacieuses dans une écriture unissant plus qu'opposant deux blocs, les cordes et le piano. Et présente enfin un caractère bien français dans sa logique interne. Ce qui se dévoile dès le Molto moderato quasi lento libérant une extrême tension chez les présents interprètes qui contrastent bouffées de lyrisme qu'impose le thème et puissants accelerandos gorgés d'expressivité. Il en émane une vision quasi orchestrale à laquelle le piano racé de François Dumont apporte une note très française, même dans les traits presque rageurs qui émaillent cette séquence, et que fustigera Liszt, surpris, comme d'autres de ses contemporains, par le peu d'intimisme chambriste de la pièce. Le Lento con sentimento débute dans la sérénité, cordes et piano emmenés par le violon I tressant délicatement le thème. Le mouvement progresse dans des douces modulations grâce à un piano d'une belle fluidité et à des cordes aux tons transparents. Plus tard, un réchauffement amène un grand climax qui peu après voit la musique s'effilocher et conduire cette partie à une fin dans la discrétion. Avec l'Allegro non troppo ma con fuoco final, la fièvre remonte chez les cordes tandis que le piano semble commenter par quelques accords simples. Les Pražák et Dumont prennent ce mouvement avec élan tout en se gardant de l'excès. Ils retiennent le déchaînement sourd de la bourrasque. La course, longtemps contenue dans son cheminement, est lâchée avec brio, avant d'être maîtrisée de nouveau et de revenir au ton sombre du début de l’œuvre. La symbiose entre le pianiste français et ses collègues tchèques est totale. Cette exécution ménage spontanéité et refus de brillance pour restituer à l'idiome franckiste à la fois riche et raffiné tout son sens et donner à cette œuvre singulière sa vraie dimension.

Antonin Dvořák écrit en 1895 son quatuor N°14 op.105 en La bémol majeur. Cette ultime pièce livrée aux quatre cordes est frappée au coin de la joie des retrouvailles de l'auteur de sa Bohème natale, après son séjour américain. C’est une musique optimiste, d'une veine mélodique abondante. Bien sûr, les Pražák sont ici chez eux et cela se sent dès les premières mesures. Débuté Adagio, le premier mouvement bascule vite dans un Allegro appassionato joyeux et allant de l'avant. La thématique extrêmement ouvragée et enserrée dans un contrepoint rigoureux. Le scherzo Molto vivace se voit justement conférer par les quatre interprètes tchèques son caractère folklorique, une danse de furiant à trois temps, quoique très stylisée par Dvořák désormais. Très lyrique, le trio a la forme d'une berceuse menée par les violons auxquels répond l'alto. Vient un Lento e molto cantabile. Là encore, l'inspiration du terroir est bien présente dans ce qui s'apparente à une romance. Celle-ci gagne peu à peu en intensité à la partie médiane plus tourmentée, dans des contrées graves et sombres, ce que les Pražák ne soulignent pas outre mesure. Puis un mélodisme plus avenant prend le dessus, empreint tour à tour de sérénité et de dramatisme. Le finale Allegro entamé par le violoncelle jouant un thème en forme d'appel est le théâtre d'une étonnante profusion motivique et d'une grande variété de climats, où l'on retrouve la manière la plus typique de Dvořák. Le développement reste un modèle de travail contrapuntique. Le Quatuor Pražák soigne aussi bien l'articulation, qui n'est pas sèche, que la couleur et surtout le dosage de l'intensité.

La prise de son est plus réussie pour le Quintette, procurant un bel équilibre entre piano et cordes, que s'agissant du Quatuor, saisi dans une acoustique résonante ne flattant pas l'extrême aigu des cordes, quoique la balance entre les voix demeure satisfaisante.

Texte de Jean-Pierre Robert 

Plus d’infos

  • César Franck : Quintette avec piano en Fa mineur
  • Antonin Dvořák : Quatuor à cordes N°14 en La bémol majeur op.105
  • François Dumont, piano (Franck)
  • Pražák Quartet
  • 1 CD Praga Digitals : PRD 250 422 (sous licence Little Tribeca / Distribution : [Integral])
  • Durée du CD : 70 min
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile grise (4/5)

CD disponible sur Amazon

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