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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD: le contre-ténor Jakub Orliński chante sa Pologne natale

Farewells

Ce disque est inédit à un double titre : il nous fait entendre des mélodies polonaises, si peu jouées ici, chantées par un contre-ténor, ce qui leur confère une aura toute particulière. Jakub Józef Orliński, jusqu'ici plutôt centré sur le répertoire baroque, et son pianiste Michal Biel nous en offrent un bel éventail. Une expérience à contre-courant de bien des traditions interprétatives.

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La musique polonaise des XIX et XXèmes siècles renferme un panel de mélodies et chansons qui n'ont rien à envier à leurs équivalents allemands ou français. Le programme conçu par les deux amis et complices se focalise sur la thématique des adieux. Choisie à partir du cycle éponyme du compositeur contemporain Henryk Czyż (1923-2003), sur des poèmes de Pouchkine. Il s'agit de trois pièces de veine plutôt tragique auxquelles le choix audacieux de la voix de contre-ténor apporte une couleur nouvelle à travers ce prisme inédit. Si les textes tournent le dos à la modernité pour exhaler un classicisme révolu, elles n'en demeurent pas moins très originales, ne serait-ce que dans leur accompagnement pianistique souvent modulant. Et leur audition en début de programme ne doit pas décourager quant à l'écoute de la suite de l'album. Car les Quatre Sonnets d'amour de Shakespeare op.38 qui suivent, de Tadeusz Baird (1928-1981), musique néoclassique, s'accommodent parfaitement de la couleur singulière du timbre aigu de contre-ténor, puisqu'ils constituent une sorte d'hommage à la musique ancienne. Ils distillent des climats contrastés, entre nostalgie et allégresse, lyrisme passionné ou encore confession jusqu'à l'abandon. Là encore la partie de piano est extrêmement ouvragée.

On connaît de Stanislaw Moniuszko ses opéras Halka ou encore Le manoir hanté. Qui firent de lui le père de l'opéra polonais. C'est sans compter avec les quelque 300 chants avec piano composés tout au long de sa carrière. Une sorte de journal intime et aussi une référence pour ce qui est du genre de la mélodie polonaise. On entend ici deux pièces extraites de ses deux cycles de Chants à la maison, dont l'une coule comme du Schubert. Mieczyslaw Karlowicz (1876-1909) s'inscrit dans cette même tradition. Parmi ses mélodies, écrites durant les années 1895 et 1896, Orliński et Biel en ont choisi une douzaine empruntées aux deux cycles des 6 Chansons op.1 et des 10 Chansons de l'op.3. Ce sont des morceaux intimes où sont chantées la mélancolie, la souffrance, la solitude et la fragilité de l'existence humaine. Ces courtes pièces concises renferment un ton romantique presque décadent fin de siècle. Enfin Karol Szymanowski satisfera aussi au genre de la mélodie, aux côtés de ceux de la musique symphonique ou de l'opéra (Le Roi Roger). Et c'est même là qu'il affirmera le mieux son langage musical. On entend ici quatre des Chansons de Kurpie op.58, célébrant cette contrée de la Mazovie au centre de la Pologne. Et où tradition populaire rejoint modernité du langage. 

Jakub Józef Orliński développe une évidente empathie à l'égard de ces pièces attachantes, qu'il a transposées pour son propre timbre, alors qu'écrites pour voix de ténor, de baryton ou de soprano, ouvrant peut-être de nouvelles perspectives à la mélodie polonaise. Comme le fit il y a peu son collègue Philippe Jaroussky dans le domaine de la mélodie française. À nouveau une bien belle intuition à l'actif du producteur Alain Lanceron. Les intonations peuvent parfois surprendre, mais les couleurs sont toujours d'une étonnante séduction, tour à tour lumineuses ou sombres, presque rauques à l'occasion. Le ton, confident, est finalement captivant à travers ce medium inattendu. Michal Biel, qui indique livrer son premier enregistrement, a aussi adapté l'accompagnement à cet étonnant projet. Une partie souvent tout aussi essentielle que celle de la voix. Son piano est à l'unisson de l'achèvement réalisé par son partenaire, ductile, inspiré, tragique.

La prise de son, dans la salle de concert du complexe de l’École d'Etat de musique de Varsovie, a été particulièrement étudiée pour parfaire un excellent équilibre voix piano.

Texte de Jean-Pierre Robert

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Plus d’infos

  • ''Farewells''
  • Mélodies de Henryk Czyż, Tadeusz Baird, Karol Szymanowski, Pawel Lukaszewski, Mieczyslaw Karlowicz, Stanislaw Moniuszko
  • Jakub Józef Orliński (contre-ténor), Michal Biel (piano)
  • 1 CD Erato : 0190296269714  (Distribution : Warner Music classics)
  • Durée du CD : 57 min 11 s
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5) 

CD disponible sur Amazon



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Jakub Józef Orliński, Michal Biel

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