Skip to main content
PUBLICITÉ
  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : la divine découverte des quatuors de Carlo Monza

OperaInMusica Monza

Voici une première au disque combinant rareté et séduction : l'étonnante découverte de la musique de chambre de Carlo Monza, figure importante de l'école milanaise de la fin du XVIIIème. Ses six quatuors à cordes, sous les archets sveltes et inspirés de Fabio Biondi et de ses comparses d'Europa Galante, sont pur ravissement d'un bout à l'autre. Un réjouissant album !

LA SUITE APRÈS LA PUB

Compositeur milanais extrêmement fécond, Carlo Monza (1735-1801) a laissé un nombre substantiel d'opéras et de pièces de musique sacrée. Son goût pour le théâtre se ressent aussi dans ses compositions chambristes, singulièrement ses quatuors à cordes. Sa « musique est caractéristique de la fin du XVIIIème siècle, avec des thèmes charmants, des humeurs variées et un ton galant », souligne Fabio Biondi. On ajoutera que ce ''charme'' et cette ''galanterie'' sont si sincères qu'ils battent en brèche ce que ces termes peuvent avoir de péjoratif. Les six Quatuors op.2, écrits en 1782, sont de petits chefs-d’œuvre d'écriture raffinée, ciselée et de ton enjoué, faisant souvent penser à Mozart. Ils assimilent surtout une manière vocale, avec même des passages de récitatif confiés au violon I ou à l'alto. Chacun est désigné par un titre et souvent les divers mouvements en possèdent également un, ce qui installe une vraie dramaturgie. Qu'ils prennent la forme d'une suite de saynètes (''La forge de Vulcain'') ou de climats (''Divertissement nocturne'') ou encore d'un conflit de sentiments (''Les amants rivaux''), tous semblent mus par le rythme d'un texte invisible contant une courte histoire édifiante. Il s'agit, certes, de musiques à programme. Mais on aurait tort de leur refuser ce qui est positif dans ce type d’appellation.

Quelques exemples. Le premier Quatuor ''Gli amanti rivali'' en Do majeur, aligne successivement, au long de ses cinq parties, un exposé instaurant le climat de compétition entre les deux prétendants à l'amour d'une même belle. Puis un bref récitatif ''si sfidano'' (ils défient) permet d'introduire la section Allegro ''il duello'', terrible combat avec force moulinets, se soldant par le toucher à mort de l'un des protagonistes au son d'un pizzicato sec et définitif. Le Largo en dépeint alors l'agonie en un decrescendo ppp d'un violon I gémissant. Le finale voit le désespoir de la femme amante, mais dans un inattendu tempo vif dont on ne sait s'il traduit le soulagement pour elle de ne plus avoir à choisir. Le Quatuor N°2 en Ré majeur est encore plus théâtral. Ne s'intitule-t-il pas ''Opera in musica'' ? Mettant en scène les personnages d'une joute opératique imaginaire : installation de ceux-ci dans un Allegro digne, de par sa vivacité, du jeune Mozart, et finissant quasi pétaradant comme si chacune de ces ''stars'' cherchait à se faire valoir. Un récitatif du violon I, comme celui précédant une aria d'opéra, conduit à un Rondo andante figurant ladite aria, là encore d'une facture si classique qu'on croit percevoir la main de Mozart. Après un nouvel intermède récitatif façon de courte sérénade, le quatuor termine sur un allegro très allant, on ne peut plus ''théâtral''. En un mot : un bijou de finesse d'écriture pour le quatuor et surtout d'esprit.

Toutes ces œuvres, finalement bien plus élaborées qu'il y paraît, regorgent de traits inventifs. Telle encore cette ''temporale'' (tempête), figure incontournable de la musique de théâtre italienne, ici insérée dans le Quatuor N°6 ''La chasse''. Ou les divers épisodes du Quatuor N°5 ''Il guiocatore'' (le joueur), combinant à la fois un mouvement de danse Minuetto et deux saynètes opératiques : ''la tristesse de la perte'', évoquant une déploration insinuante ponctuée d'accords secs, comme si un personnage se frappait la poitrine, puis ''le joueur repenti'', marqué Affetuoso, tout de paix retrouvée et d'optimisme. Ou encore les phases habitant le Quatuor N°5 ''Divertimento notturno'', tour à tour luminescent et contemplatif, jusqu'à un finale d'une vraie légèreté dans un mode de marche à peine saccadée, qui peut faire penser à tel air d'ironie cavalière ''Non più andrai'' du Figaro de Mozart.

Fabio Biondi et ses partenaires de l'ensemble Europa Galante, Andrea Rognoni, violon II, Stefano Marcocchi, alto, Alessandro Andriani, violoncelle, se font une fête de ces œuvres à la fois divertissantes et emplies de clins d’œil à la littérature, à la musique elle-même. On sent un évident plaisir de donner vie à ces pages qu'ils parent d'une souple rigueur toute mozartienne, notamment à la partie de premier violon combien essentielle de meneur de jeu, mais aussi à celle d'alto, très sollicitée.

L'enregistrement dans un palais italien, est d'un parfait naturel, les 4 voix bien différentiées, rendant pleine justice à l'écriture finalement très élaborée de Monza.

LA SUITE APRÈS LA PUB

Texte de Jean-Pierre Robert

Plus d’infos

  • ''Opera in musica''
  • Carlo Monza : Six quatuors à cordes op.2, en Do majeur ''Gli amanti rivali'', en Ré majeur ''Opera in musica'', en Fa majeur ''La fucina di vulcano'', en Si bémol majeur ''Il giucatore'', en Sol mineur ''Divertimento notturno'' & en Mi bémol majeur ''La caccia''
  • Europa Galante : Fabio Biondi, Andrea Rognoni (violon), Stefano Marcocchi (alto), Alessandro Andriani (violoncelle)
  • 1 CD Naïve : V 7541 (Distribution : Believe Group)
  • Durée du CD : 60 min 11 s
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5)

CD disponible sur Amazon 



Autres articles sur ON-mag ou le Web pouvant vous intéresser


Europa Galante, Fabio Biondi, Carlo Monza, Andrea Rognoni, Stefano Marcocchi, Alessandro Andriani

PUBLICITÉ