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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : quelques Propos recueillis de Jacques Lenot

Jacques Lenot Propos Recueillis

La nouvelle proposition discographique d’œuvres de Jacques Lenot est consacrée, sous le titre ''Propos recueillis'', à l'adaptation pour petit ensemble de 12 musiciens d'une série de 12 pièces précédemment écrites pour voix et piano, piano seul puis violon et piano, entre 2007 et 2012.

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Rien n'est jamais figé ni définitif chez le prolifique Jacques Lenot (*1945). Pour preuve ce programme constitué de l'enregistrement du recyclage, publié en 2015, de plusieurs œuvres de musique de chambre antérieures, transposées pour un petit ensemble constitué de cinq cordes et de sept vents : 12 musiciens pour 12 ''Propos recueillis''. À partir de là, les choses sont plus complexes qu'il y paraît. Car des 12 pièces, six se veulent totalement inédites. Il s'agit des six premiers ''Propos'', issus des Six Else Lasker-Schüler Lieder pour voix de mezzo et piano, composés peu après la création en 2007 au Grand Théâtre de Genève de son opéra J'étais dans la maison et j'attendais que la pluie vienne. Les six autres sont tirés, respectivement, de Trois pièces pour piano (2011) et de l’œuvre intitulée Heimlich zur Nacht (Secrètement à la nuit) pour violon et piano (2011). Ces deux dernières œuvres figurent sur un précédent CD titré La Lettre au voyageur, dans l'interprétation de Dana Ciocarlie et de Nicolas Dautricourt. On a donc affaire à un travail d'orchestration dans un cas et de transcription dans les deux autres. Comme Lenot l'indique lui-même, se référant à la phrase de Marcel Proust : « la réalité ne se forme que dans la mémoire ».

Quoi qu'il en soit, on retrouve l'écriture complexe de l'auteur, proche de l'abstraction du langage, à travers des morceaux de courte durée, bribes ou phrases plus développées se télescopant. Générant des sonorités inattendues : caractère strident des cordes, étranges interjections des vents. Ce qui produit aussi « une musique d'espace et de lumière dont le déroulement comporte un aspect imperturbable, inexorable », souligne Thomas van Haeperen. Cette culture de la très petite forme prend un tour nouveau ici en raison de l'association, dans un ensemble lui-même restreint, des cordes, bois et cuivres. L'orchestration, pour cet ensemble orignal mêlant cordes et vents, des Six Else Lasker-Schüler Lieder, eux-mêmes écrits à partir du recueil ''Mon piano bleu'' de la poétesse allemande (1869-1945), réserve une succession de moments extrêmement contrastés dans leurs climats, calme ou agité, et par l'usage du mode répétitif. Les combinaisons instrumentales, différentes selon les pièces, apportent des couleurs nouvelles à celles vocales d'origine. Ainsi de la clarinette sur un tapis de cordes dans la 3ème mélodie, ''Das Wunderlied'' (Le chant des merveilles), ou du cor et du basson dans la N°4 ''Gedenktag'' (Commémoration).

La transcription pour ce même ensemble cordes-vents des Trois pièces pour piano offre de pareilles formules abstraites. Ainsi des solos de violon stridents évoquant comme des cris d'oiseaux, ou de curieux alliages mêlant bois et contrebasse, à la première pièce (''Mais l'ombre de la nuit''). La seconde ''Lumière d'août'' se complaît dans des traits comme tamisés et dans le registre pppp. Quant à l'adaptation des Lieder Heimlich zur Nacht, on y trouve, de manière peut-être amplifiée par le passage du duo violon-piano à 12 instruments hétéroclites, le dialogue presque haché de ''Nur dich'' (Toi seul), la déclinaison lancinante d'une même cellule, ici entre violon et trompette, de ''Ankunft'' (Arrivée), et de nouveau pour ces deux mêmes instruments associés à des cordes au son presque imperceptible, l'atmosphère énigmatique du dernier morceau ''Heimweh'' (Mal du pays), évoquant autant de souvenirs enfouis.

L'ensemble belge Sturm und Klang, fondé en 2000 par Thomas van Haeperen, ici composé de 12 musiciens dont certains jouent de plusieurs instruments, comme Philippe Saucez (clarinettes en mi bémol, en si bémol, en La, clarinette basse en si bémol et cor de basset) ou Kristien Ceuppens (hautbois, hautbois d'amour et cor anglais), offrent des exécutions nul doute idoines. Et proches de la pensée du compositeur, soucieux de voir ses œuvres jouées par des interprètes choisis par lui, comme il en est du Quatuor Tana pour ses quatuors à cordes. L'enregistrement, dans une salle bruxelloise, préserve l'intimisme, pour ne pas dire l'ésotérisme de ces pièces.

Texte de Jean-Pierre Robert     

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