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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : François Dumont joue les Ballades et Impromptus de Chopin

Chopin Dumont

François Dumont revient à Chopin, un compositeur qui lui est cher, pour un CD consacré aux Ballades et aux Impromptus. Deux genres en apparence bien distincts qu'on oppose à tort. Car il y a là « deux versants » qui « se rejoignent pourtant en leur cœur, de par leur essence romantique, leur nature lyrique et le terreau fondamental d'improvisation, inséparable de la puissante inspiration qui les a faits naître », remarque-t-il.

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En rapprochant ces huit pièces, François Dumont souhaite ouvrir de multiples perspectives et faire saillir « une vocalité pianistique singulière, reconnaissable dès les premières notes ». Des Quatre Ballades, il ne souligne pas le caractère narratif, car d'ailleurs si on a cru, après Alfred Cortot, faire référence à des poèmes d'Adam Mickiewicz, c'est sans compter sur l'aversion de Chopin pour tout ce qui est recherche d'un substrat littéraire dans ses œuvres. Il entend plutôt se référer à l'origine de ce type de morceau qui est essentiellement vocal, en raison d'une écriture proche d'une berceuse et reposant sur deux thèmes à chaque fois. Ainsi de la Ballade N°1 op.23 en Sol mineur (1836) où deux motifs s'affrontent, le second dans un tempo de valse. Son exécution est ici empreinte d'une belle énergie dans des gammes étincelantes jusqu'à la coda presque orageuse. Dans la Ballade N°2 op.38 en Fa majeur (1840), le pianiste joue les contrastes de ce qui est alternance d'un motif idyllique et de rafales tempétueuses. On touche du doigt ici le modernisme de Chopin à travers une succession de modulations à la limite de la dissonance. Avec la Ballade N°3 en La bémol majeur op.47, de 1841, se noue un dialogue amoureux évoquant un sentiment de bonheur presque candide. Du second thème lyrique, proche de la barcarolle, Dumont restitue avec délicatesse le caractère ondoyant du dessin, se défiant de tout sentimentalisme. Le discours sonne presque orchestral jusqu'à sa conclusion triomphante. Enfin la Ballade N°4 op.57 en Fa mineur (1843) est plus introvertie, son écriture complexe oscillant entre des variations et un rondo-sonate. Sans doute la plus riche des quatre, c'est aussi la plus émouvante sous les doigts de l'interprète qui tresse le 2ème thème tel un rêve éveillé, avec un sentiment d'abandon. Là où le style de Chopin prend un tour nouveau, où les frontières se dissipent entre les genres, du nocturne, de la barcarolle et donc de la ballade ''vocale'', par un subtil jeu de transitions entre lyrisme et violence, entre calme et agitation, Dumont instaure un ton presque impressionniste, mais qui ne renie pas la passion dévorante.

Les Impromptus de Chopin sont-ils seulement des improvisations, comme le suggère l'étymologie du terme ? Des morceaux destinés plus au salon qu'à l'estrade, sans autre prétention que d'émerveiller les belles écouteuses ? Nul doute plus que cela. Leur forme tripartite A-B-A ne doit pas occulter le fait que pour charmeur qu'il est, leur contenu est extrêmement structuré. De manière significative, François Dumont choisit de jouer en premier ce qui est considéré comme le quatrième, intitulé Fantaisie– Impromptu, op.66, posth, en Ut dièse mineur, écrit en 1855, mais demeuré longtemps inédit, jusqu'à ce que le pianiste Arthur Rubinstein, qui en possédait le manuscrit, le fasse éditer en 1962. Dumont en fluidifie le débit rapide, d'où émerge un motif chantant, s'épanchant sans fard ni pathos comme un morceau presque opératique. L'Impromptu N°1 op.29 en La bémol majeur (1837) qui, selon Cortot, évoque « un ruissellement d'eaux vives... un murmure de la brise dans le matin naissant », est d'une indicible fraîcheur avant de s'envoler en confidences. L'Impromptu N°2 op.36 en Fa dièse majeur, si proche d'un nocturne, s'abandonne en une cantilène assurée dans ses douces modulations, interrompue par une montée en puissance, avant une coda rêveuse. Quant à l'Impromptu N°3 op.51 en Sol bémol majeur (1843), marqué Vivace giusto, c'est avec Dumont une sorte de discours émanant du cœur avec ses élans frôlant l'extase. Ne forçant nullement le trait, le pianiste s'en tient à un ton mesuré, notamment dans la partie médiane Sostenuto, où la main gauche soutient le chant mélancolique comme un solo de violoncelle.

Au pianiste, qui modestement s'interroge sur le sens qu'il y a encore à enregistrer ce répertoire « alors que tant de glorieuses références discographiques habitent nos esprits et nos mémoires », la réponse est affirmative à l'écoute de ce disque. À la question encore de savoir si graver ces œuvres au disque ôterait quelque liberté au processus créateur, il oppose que « leur fréquentation assidue au concert », produit « une lente maturation, une décantation interprétative ». De fait, ses interprétations ont l'avantage d'une longue maturation tant elles sont profondément réfléchies, et le mérite de la sincérité. Elles sont d'une extrême lisibilité, d'une grande rigueur, sans sollicitation, avec un art certain du dosage de la dynamique et surtout le sens du chant inhérent à toutes ces pièces.

Le Steinway, capté dans la Salle Molière de Lyon, est saisi de près, non sans quelque dureté dans le registre aigu lorsque fortissimo.

Texte de Jean-Pierre Robert 

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Plus d’infos

  • Frédéric Chopin : Ballades N°1 op.23, N°2 op.38, N°3 op.47, N°4 op.57. Impromptu op. posth. 66 '' Fantaisie-Impromptu'. Impromptus N°1 op.29, N°2 op.36, N°3 op.51
  • François Dumont, piano
  • 1 CD la Música : LMU 030 (Distribution :[INTEGRAL])
  • Durée du CD : 56 min
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile grise (4/5) 

CD disponible sur Amazon 



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