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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Halka, l'opéra national polonais

Moniuszko Halka

Stanislaw Moniuszko est le compositeur phare de la première moitié du XIXème siècle en Pologne et son opéra Halka une œuvre essentielle de l’école nationale polonaise. Trop peu connue en France, elle est donnée ici par la troupe de l'Opéra de Poznań dans une interprétation vibrante qui en révèle les immenses vertus musicales.

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Compositeur, chef d'orchestre et pédagogue, Stanislaw Moniuszko (1819-1872) a parfait sa formation musicale à Berlin avant de s'installer à Vilnius et plus tard à Varsovie. On lui doit plusieurs opéras dont Halka reste le plus populaire. Ce qui lui vaudra le titre de père de l'opéra national polonais. Créé en 1848 à Vilnius dans une version en deux actes, il sera remanié dix ans plus tard en quatre actes et donné avec succès à Varsovie le 1er janvier 1858. Au point que son auteur se voit confier dans la foulée le poste de premier chef au Théâtre Wielki. Le livret du jeune écrivain Wlodzimierz Wolski conte une histoire assez simple : la jeune paysanne Halka aime le jeune noble Janusz, dont elle a eu un enfant. Mais l'indifférent lui préfère Zofia, la fille du Sénéchal Stolnik. Au désespoir, Halka tente de mettre le feu à la chapelle où ont lieu les noces, mais se ravise et se jette d'un rocher dans la rivière, sous les yeux horrifiés de Jontek, qui l'a toujours aimée profondément et l'avait prévenue des dangers d'un amour illusoire entre une fille du peuple et un membre de la noblesse. Certes, un tel sujet n'a rien d'héroïque ni de patriotique au sens où on l'entend généralement d'un opéra ''national'', et pourtant il s'attache à toucher une fibre populaire essentielle, celle des tensions engendrées par les différences sociales. Le personnage d'Halka est un antihéros et l'intérêt dramatique de sa tragique destinée trouve sa résonance dans le pathétique de sa situation d'injustice dont elle est la victime. En cela la portée du message est immense. Et l'on peut dire qu'au-delà de son encrage dans la culture polonaise, Halka rejoint une tradition que connaît alors l'opéra en Europe.

Si le livret traite le sujet de manière réaliste et conventionnelle, la musique de Moniuszko le transfigure par sa science de la couleur et un indéniable souffle puisé dans son contexte populaire. D'abord illustrés au fil de danses : polonaise, mazurka ou dumka. La fameuse ''Danse des montagnes'' du IIIème acte, déploie une vivacité communicative par ses accents folkloriques naturels, même si ce folklore est réinventé. Le pathétisme des situations, le musicien le restitue aussi grâce à la finesse de l'invention mélodique et une orchestration subtile qui connaît par endroits des passages chambristes. Le contexte appelle les cors ou la cornemuse. Quant aux chœurs des villageois, ils ont une sûre teinte couleur locale, sans mièvrerie aucune. Le triangle des personnages principaux, distribués à une soprano, un ténor (Jontek) et un baryton (Janusz), est traité dans une manière qui ne renie pas une influence italienne dans les divers airs. Les ensembles sont tout aussi magistraux. Ainsi des échanges entre Halka et Jontek, en particulier le Duettino du dernier acte, qui tracent avec exactitude la force de deux caractères opposés, résolu chez l'une, pas assez persuasif chez l'autre pour la détourner de ses ambitions et peut-être la reconquérir.  

La présente exécution est portée par la direction enflammée de Gabriel Chmura (1946-2020), dont cette production est une des dernières qu'il ait dirigées à Poznań. Ce chef polonais, lauréat de plusieurs concours de direction d'orchestre, celui de Besançon en 1970, puis le Guido Cantelli et le von Karajan l'année suivante, a connu un parcours discret, notamment au disque. Un retour tardif mais apprécié dans son pays natal lui permettra de prendre les rênes de l'Opéra de Poznań. La battue est alerte, dès l'ouverture enlevée, résumé des divers thèmes de l'opéra, et singulièrement dans les musiques de ballet et les Entr'actes. Les ensembles se voient apporter rigueur et souffle, que ce soit les duos et surtout les grands concertatos rehaussés par le chœur. On lui doit aussi de montrer combien cette musique sait être raffinée, singulièrement dans les airs dévolus aux personnages principaux, dont l'accompagnement fait souvent appel à des solos instrumentaux. 

La distribution est vaillante, à défaut d'être exceptionnelle. Il y respire le sérieux d'une troupe qui connaît ces pages sur le bout des doigts. Magdalena Molendowska apporte au personnage titre bien des atours, même si parfois taxée dans le registre aigu. On est ému à l'écoute de la cavatine avec chœurs au IIIème acte où Halka narre son histoire dans une sorte de transe hypnotique, se comparant à une colombe dont les ailes d'innocence ont été brisées par un débauché. La tragique folie de Lucia de Lammermoor n'est pas loin. Et de cette autre cavatine de l'acte IV avec solo de violoncelle où la jeune femme trahie exprime son désespoir dans un chant désormais apaisé tandis que retentissent des mesures de l'orgue dans le chapelle voisine. Ce morceau est suivi d'une cantilène dans un calme saisissant, au son prémonitoire de mort de la harpe et un orchestre assagi précédant le suicide final. Dominik Sutowicz, Jontek, offre un ténor héroïque dans un rôle tendu, expression de ses vains efforts pour détourner Halka d'un destin inaccessible. Une partie qui trouve son acmé lyrique dans l'air du dernier acte ''Les sapins bruissent au sommet de la montagne'', romance tout empreinte de nostalgie, un des sommets de l’œuvre selon le chef. Le personnage de Janusz est défendu avec aplomb par Łukasz Goliński, d'un beau métal de baryton-basse. Les autres rôles plus épisodiques sont bien tenus et on saluera la prestation des chœurs maison, d'une vraie conviction.

L'enregistrement live à l'Opéra de Poznań saisit l'orchestre dans toute son ampleur. Les voix sont captées dans une ambiance réverbérante, placées souvent à droite du spectre sonore.

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Texte de Jean-Pierre Robert

Plus d’infos

  • Stanislaw Moniuszko : Halka, opéra en quatre actes. Livret de Wlodzimierz Wolski
  • Magdalena Molendowska (Halka), Dominik Sutowicz (Jontek), Łukasz Goliński (Janusz), Rafal Korpik (Stolnik), Magdalena Wilczyńska-Goś (Zofia), Damian Konieczek (Dziemba), Piotr Friebe (Highlander), Batlomiej Szczeszek (Piper/Ier invité), Piotr Maciejowski (IIéme invité), Andrzej Ogórkiewicz (IIIème invité/IVème invité)
  • Poznań Opera Chorus, Mariusz Otto, maître de chœurs
  • Poznań Opera Orchestra, dir. Gabriel Chmura
  • 2 CDs Naxos : 8.660485-86  (Distribution : Outhere Music)
  • Durée des CDS : 60 min 35 s + 56 min 35 s
  • Note technique : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile grise (4/5) 

CD et MP3 disponibles sur Amazon 



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Stanislaw Moniuszko, Magdalena Molendowska, Dominik Sutowicz, Łukasz Goliński, Rafal Korpik, Magdalena Wilczyńska-Goś, Damian Konieczek, Piotr Friebe, Poznań Opera Chorus, Mariusz Otto, Poznań Opera Orchestra, Gabriel Chmura

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