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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : l'Amour conjugal, opéra de Giovanni Simone Mayr

L Amor Conjugale

La pièce ''Léonore, ou l'amour conjugal'' de l'écrivain et dramaturge français Jean-Nicolas Bouilly n'a pas seulement inspiré Beethoven pour son Fidelio, mais aussi Giovanni Simone Mayr qui, la même année, offre son opéra L'Amor conjugale. David Stern à la tête des forces d'Opera Fuoco en livre une version en tous points attachante, permettant d'apprécier une œuvre singulière de cette période charnière du début du XIXème siècle. À découvrir.

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Giovanni Simone Mayr (1763-1845) est un musicien d'origine allemande né près d'Ingolstadt en Bavière. Il s'installe en Italie dès 1786 et fonde le conservatoire de Bergame où un certain Gaetano Donizetti sera son élève. Il est l'auteur d'une multitude d'opéras, de musique sacrée et de cantates profanes comme de nombreuses symphonies et de pièces de musique de chambre. La trame de son ''dramma sentimentale'' L'Amor conjugale est emprunté à Jean-Nicolas Bouilly et sa pièce ''Léonore, ou l'amour conjugal'', créée en 1798 à Paris. La postérité retiendra qu'il voit le jour la même année 1805 que la création de Fidelio de Beethoven, inspiré du même sujet. La manière de traiter l'intrigue subit cependant quelques différences par rapport à celui-ci. Ainsi en est-il de l'absence du personnage de Jacquino, amoureux de la fille du geôlier, ce qui évite l'écueil des scènes ambiguës de la première partie de l'opéra de Beethoven. De même et surtout le chœur (des prisonniers, des villageois) est absent chez Mayr, les didascalies ne mentionnant ces derniers que de manière allusive dans les indications précédant la scène finale. Mais surtout, l’œuvre ne possède pas la portée universelle qu'elle a avec Beethoven, se concentrant ici sur un drame essentiellement intime, celui de l'amour entre un prisonnier, Amorveno (Florestan), et son épouse Zeliska (Leonore), venue le délivrer de la vindicte d'un tyran, Moroski (Pizzaro). Les passages plus légers, comme les dialogues entre Peters, le geôlier, et sa fille Floreska, de même que l'air dit ''de l'or'', entonné par celui-ci, tranchent avec une intrigue essentiellement tragique, ce qui fait de L'Amor conjugale un opéra semi seria ou de demi-caractère. Il est logé en un acte de près de deux heures, découpé en une vingtaine de scènes, à l'intérieur desquelles on discerne deux parties, la seconde uniquement dans le cachot où est retenu le prisonnier. L'épilogue, qui voit la réunion de Zeliska et d'Amorveno, est abrupte et convenue, insistant de manière conventionnelle sur la déconfiture du vilain Moroski.

La dramaturgie d'une grande fluidité est faite de récitatifs serrés, d'airs substantiels et d'ensembles tout aussi concis, duos, trios, quatuor et même un sextuor à la scène finale. Musicalement, on perçoit l'influence de Haydn, plus que de Mozart d'ailleurs, et de la musique vocale italienne comme celle de Cimarosa. Ce mélange des styles qui fait tout le piment de l'opéra, annonce l'avènement du bel canto. Et l'on a pu dire que cette œuvre était charnière entre deux époques musicales au tournant des XVIIIème et XIXème siècles. L'instrumentation fait un usage sensible des vents, les bois en particulier, comme aussi des contrebasses. Elle permet de créer des climats bien différents selon les moments de l'intrigue, de joie comme les espérances de Floreska, éprise du nouvel arrivant Malvino/Zeliska venu(e) aider à la prison en se déguisant en homme, ou de drame profond, telle l'introduction à la scène des souterrains où gît le prisonnier Amorveno, laquelle pourtant est traversée de traits singuliers des bois éclairant une page tragique, signe prémonitoire d'espérance. Les récitatifs sont écrits sur le mode secco, c'est-à-dire accompagnés d'une sorte de continuo. Ils ont été particulièrement travaillés dans la présente exécution, avec violoncelle et contrebasse combinés au clavecin, ce qui permet, selon David Stern « une plus grande palette de couleurs » et ainsi de retrouver les pratiques de l'époque. Cette touche d'authenticité caractérise plus généralement cette exécution. La direction alerte apporte une indéniable vie à une pièce qui ouvre de nouvelles perspectives sans renier les acquis de l'opéra italien du Settecento, mariage subtil entre baroque et romantisme naissant.      

L'écriture vocale se distingue par une déclamation lyrique intense qui allie la clarté de Gluck, la faconde italienne, outre une dose de réalisme inédite. La manière est riche de vocalises, voire de traits périlleux, singulièrement pour ce qui est des deux protagonistes principaux. L'équipe réunie par David Stern au sein de l'atelier lyrique Opera Fuoco, assume le challenge avec brio. D'autant plus que cette musique leur est sans doute peu familière. Chantal Santon-Jeffery, formée à l'école du baroque, offre du personnage de Zeliska/Malvino un portrait complet d'un beau cantabile dans la première aria ''Cher objet de ma flamme'' et surtout à la grande scena XI, correspondant au fameux air ''Abscheulicher'' de Fidelio, et qui enchaîne un récitatif accompagné, une aria en deux parties, lente puis vive décrivant alors une sorte de délire amoureux, avant une fin glorieuse avec écarts de tessiture impressionnants. Plus tard, la ''Romanza'', lorsque Zeliska chante pour se faire reconnaître par le prisonnier, révèle une poignante mélancolie, rehaussée par un solo de cor. Le ténor Andrès Agudelo assure avec panache le rôle tendu d'Amorveno, dont les traits les plus héroïques le taxent quelque peu. Péché véniel dans une composition d'un beau relief, notamment dans la longue scena du cachot et ses trois parties, récitatif, aria nantie de solos de hautbois et de violon pour décrire l'émotion d'un cœur éperdu de douleur, enfin passage accompagnato où l'élan retombe. À leurs côtés, on signale le Peters d'Olivier Gourdy, beau timbre de basse claire, le Moroski d'Adrien Fournaison, baryton-basse de caractère évitant le côté histrion du méchant, et la Floreska de Natalie Pérez, qui de son timbre plus corsé que celui de la prima soprano, brille par sa vivacité, comme dans son air d'entrée où la voix dialogue avec la flûte.  

L'enregistrement à l'Opéra de Massy est équilibré quant au rapport voix-orchestre et d'un beau relief.

Texte de Jean-Pierre Robert 

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Plus d’infos

  • Giovanni Simone Mayr : L'Amor conjugale. Dramma sentimentale en un acte. Livret de Gaetano Rossi
  • Chantal Santon-Jeffery (Zeliska/Malvino), Andrés Agudelo (Amorveno), Natalie Pérez (Floreska), Olivier Gourdy (Peters), Adrien Fournaison (Moroski), Bastien Rimondi (Ardelao)
  • Opera Fuoco, dir. David Stern
  • 2 CDs Aparté : AP267 (distribution : [PIAS])
  • Durée des CDs : 51 min + 50 min
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rouge (5/5) 

Écouter des extraits

CD et MP3 disponibles sur Amazon 



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