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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : John Field, l'inventeur du nocturne pour piano

JohnField Nocturnes

Pour son premier disque, le pianiste Florent Albrecht a choisi, non sans audace, de donner les nocturnes de John Field, précurseur d'un genre qui fleurira entre bien d'autres mains, de Chopin au premier chef. Ses exécutions sur pianoforte d'époque sont frappées au coin d'une belle intelligence.

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Le musicien irlandais John Field (1782-1837), élève de Clementi, pianiste virtuose célébré pour son style brillant, grand voyageur à travers l'Europe, de Londres à Moscou et à Naples, mais personnage dilettante, passe pour l'inventeur du genre pianistique du nocturne. Ce type de pièce de piano au lyrisme intime, d'une grande fraîcheur et empli de délicatesse, devient un incontournable du romantisme naissant. Marmontel définira ce « genre de petites pièces caractéristiques » comme « des sortes de rêveries, de méditations, où la présence d'un sentiment tendre, parfois un peu maniéré, est le plus souvent accompagné d'une basse ondulée en arpèges ou en accords brisés, bercement harmonieux qui soutient la phrase mélodique et l'anime par l'imprévu de ses modulations ». Field en écrira 17 entre 1812 et 1835, outre un morceau publié posthume. Leur schéma est en deux parties : une exposition chantante et avenante, puis un développement proposant un éclairage différent, légèrement plus sombre. Le tempo est généralement modéré, marqué Lento, Adagio ou Moderato, plus exceptionnellement Andantino, voire Andante. Souvent d'une grande simplicité, ces pièces se signalent par la vocalité du débit, en autant de cantilènes expressives, presque belcantistes, comme le Nocturne IV en la majeur. Par l'art du récit aussi, la main droite dessinant la mélodie, la gauche tressant un intéressant accompagnement. Ainsi du Nocturne XI en si bémol majeur. On découvre encore leurs originalités harmoniques, comme au Nocturne XIV en ut majeur au fil d'un récit aussi varié qu'empli de surprises. Voire des audaces, tels le développement presque orageux au médian du Quatrième nocturne en la majeur, ou le VIème Nocturne en fa majeur, chopinien avant l'heure, de ses guirlandes expressives à la main droite. On sait que Chopin s'inspirera du maître irlandais, un genre auquel il imprimera son génie pour le porter à des hauteurs enviables.

Il n'en demeure pas moins que Field reste le premier à avoir imposé les innovations techniques instrumentales inhérentes à ce type de pièce pour le clavier. Comme il en est du dernier, le Nocturne XVI en fa majeur qui montre une technicité encore plus élaborée, une complexité plus marquée, singulièrement dans la seconde partie, qui ne perd pas pour autant son cantabile. Si la présente intégrale omet curieusement le Nocturne VII (pour des raisons de timing, ce qui est incompréhensible pour un CD de 65 min), il offre en revanche le Nocturne op. posthume en si bémol majeur, en première au disque. Datant de 1829 et édité à Moscou, son manuscrit a été déniché par Florent Albrecht dans une bibliothèque de Saint-Pétersbourg. Ses effets de notes répétées, comme des tintements de cloches, et ses cheminements dans le registre le plus aigu de l'instrument en font un morceau des plus singuliers.

Florent Albrecht, auquel on doit un sérieux travail de recherche des manuscrits, au-delà de l'édition effectuée par Liszt en 1873, s'est attaché à retrouver le style de jeu le plus proche de celui de Field, car, selon lui, « l'objectif premier est d'essence émotionnelle... impliquant un rubato particulier ». Ce qui implique un style d'interprétation différent de celui requis pour Chopin. Le choix d'un instrument d'époque y contribue : un pianoforte de Carlo de Meglio, à mécanisme viennois, fabriqué en 1826 à Naples. Doté d'aigus très tendus et cristallins et de beaux graves, il possède en outre une belle ductilité. Le jeu est rigoureux et empreint de souplesse. Rien d'étonnant de la part de ce claviériste formé à la fois au piano moderne, au clavecin et au pianoforte auprès de maîtres comme Laurent Cabasso, Kenneth Weiss, Paul Badura-Skoda ou Charles Rosen. Et lauréat de la Fondation Royaumont 2018.

L'enregistrement, au château de Montgeroult, est d'une belle immédiateté, le pianoforte bien centré, sonnant comme dans un salon de musique.

Texte de Jean-Pierre Robert  

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Plus d’infos

  • John Field : Nocturnes pour piano
  • Florent Albrecht, pianoforte
  • 1 CD Hortus Éditions : Hortus 197 (Distribution : UVM)
  • Durée du CD : 65 min 14 s
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5) 

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