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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : le triple concerto de Beethoven revisité

Beethoven Triple Concerto

  • Ludwig van Beethoven : Triple Concerto pour violon, violoncelle et piano op.56. Symphonie N°2 op.36 (arrangement pour trio pour violon, violoncelle et piano)
  • Isabelle Faust (violon), Jean-Guihen Queyras (violoncelle), Alexander Melnikov (piano)
  • Freiburger Barockorchester, dir. Pablo Heras-Casado
  • 1 CD Harmonia Mundi : HMM 902419 (Distribution :[PIAS])
  • Durée du CD : 66 min 12 s
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rouge (5/5)

Dans le cadre de son édition Beethoven 2020/2027, ce dernier millésime devant marquer le 200ème anniversaire de la mort du compositeur, Harmonia Mundi propose un album passionnant puisque regroupant le Triple Concerto et la version pour trio de la Deuxième symphonie. Et dans des exécutions décisives par leurs choix interprétatifs où l'intimisme se mêle à l'approche musicologique avancée.

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Le Triple Concerto op.56 en Ut majeur pour violon, violoncelle et piano occupe une place singulière dans le répertoire, s'agissant du seul à faire concerter les trois instruments. Et même parmi les autres concertos de Beethoven, fait-il un peu cavalier seul. Car ce ''Grand Concerto Concertant pour Pianoforte, Violon et Violoncelle'', selon la page titre, en français, de l'édition originale, évoque plus la symphonie concertante que le concerto proprement dit, sans parler d'une référence au modèle du concerto grosso de la période baroque. Le musicien a écrit une œuvre délibérément flatteuse pour ses trois protagonistes, moins pour ce qui est de l'accompagnement orchestral. Aussi son exécution requiert-elle un trio de solistes de talent. Le choix peut se porter soit sur un ensemble constitué, comme le Trio Stern-Rose-Istomin, naguère, ou le Trio Wanderer actuellement, soit sur la réunion d'artistes de renom, comme les trois fameux russes, Oïstrakh, Rostropovitch, Richter assemblés par Herbert von Karajan (Warner). La présente équipe, issue du roster du label Harmonia Mundi, ressortit à cette dernière catégorie. Avec le chef Pablo Heras-Casado, ils optent pour une interprétation on ne peut plus différente de ce qu'on a coutume d'entendre. D'abord par le fait de jouer sur des instruments d’époque et avec un effectif orchestral de quelque 35 musiciens, ce qui confère une certaine patine et assure une vraie fluidité au flux musical. Ensuite et surtout, eu égard à la volonté d'adopter un ton intimiste, bien éloigné des effluves libérées de la plupart des versions connues. Ce qui frappe dès les premières mesures de l'Allegro initial, ppp, presque murmurées, puis dans un tutti orchestral retenu, ne préjugeant pas d’écarts dynamiques creusés. L'équilibre subtil dans les échanges entre les trois solistes est habilement assuré, passé l'effet de surprise quant à la couleur donnée par le pianoforte joué par Alexander Melnikov. L'entente des voix est proche d'une vraie conversation entre amis, même si le violon d'Isabelle Faust peut sembler ténu par moments. Le Largo, introduit par le magnifique solo de violoncelle de Jean-Guihen Queyras, offre des unissons magiques de celui-ci et du violon, alors que l'orchestre se voit réduit à un rôle discret, quoique certains traits dramatisent le propos. Le basculement dans le finale est magistralement ménagé : ce Rondo alla Pollaca éclate on ne peut plus joyeux, mais nullement tapageur côté direction d'orchestre, même si l'écriture pour les solistes cherche à faire assaut de brillance. Voilà une interprétation refusant l'étalage de virtuosité qui chercherait à voir comparer cette œuvre au Concerto pour violon ou aux derniers concertos de piano, et qui dans une discrétion salutaire, privilégie le chant plus que la démonstration de talents. Une version qui transfigure le caractère hybride de cette partition.    

Autre surprise de ce disque, l'arrangement pour trio de piano, violon et violoncelle de la Symphonie N°2 op.36. Il serait de la main de Beethoven, en 1806, à moins que ce ne soit de celle de l'ami Ferdinand Ries. Car ce type de réduction se pratiquait couramment à l'époque. Il offre la quintessence d'une symphonie par trop négligée parmi les neuf de son auteur, où d'aucuns ont cru voir du ''Mozart augmenté''. Il est en tout cas très proche de l'original, auquel il offre une belle transparence et un indéniable ton allègre au long de ses quatre mouvements. Ce qui est largement dû à l'exécution alerte qu'en donne la triade Faust-Queyras-Melnikov. Le premier mouvement fait se succéder un Adagio de belle ampleur et un Allegro con brio presque fébrile. Le Larghetto s'avère simple et serein dans les unissons des deux cordes, arbitrés par le pianoforte, ce qui n'exclut pas d'énergiques sursauts et met en exergue une riche palette expressive. Le Scherzo dansant créé un bel effet de contraste et le finale fluide résume toutes les tensions de l’œuvre, évitant en tout cas tout côté bavard, outre une pointe d'humour dont on sait Beethoven peu avare. La transposition fonctionne parfaitement jusqu'à la coda et ses effets inattendus, presque affolés ici. On n'est pas loin de la faconde, presque en forme de scène d'opéra, que confère à ce mouvement de la symphonie Sir Simon Rattle à la tête des Berliner Philharmoniker. 

Comme dans le Triple Concerto, l'équipe Faust-Queyras-Melnikov démontre combien est innée l'entente entre leurs voix, au bénéfice d'une musicalité jamais prise en défaut et dégagée de tout pathos. Ils renouvellent la réussite de leur trilogie Schumann associant les concertos et les trios.

Les captations au Teldex Studio de Berlin offrent un équilibre soigné dans le concerto, les solistes disposés en avant mais sans excès dans un environnement orchestral vaste mais bien proportionné. Quant au trio, la balance frôle l'idéal.

Texte de Jean-Pierre Robert  

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