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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : le trio et les sonates pour alto de Brahms

Brahms

  • Johannes Brahms : Trio en la mineur op.114 (version pour alto, violoncelle et piano). Sonates op.120, N°1 en fa mineur & N°2 en  mi bémol majeur (versions pour alto)
  • Miguel Da Silva (alto), Xavier Phillips (violoncelle), François-Frédéric Guy (piano)
  • 1 CD Alpha : Alpha 648 (Distribution : Outhere Music)
  • Durée du CD : 70 min 54 s
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rouge (5/5) 

Ce CD offre la particularité de présenter trois œuvres de musique de chambre tardives de Brahms conçues à l'origine pour la clarinette et transposées par le musicien lui-même pour l'alto. L'altiste Miguel Da Silva, à l'initiative de ce pertinent et logique projet, en livre des exécutions d'une rare perfection, entouré de solistes tout aussi prestigieux, Xavier Phillips au violoncelle et François-Frédéric Guy au piano.

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On sait que Brahms découvrit sur le tard les vertus de la clarinette suite à sa rencontre avec le virtuose Richard von Mühlfeld. Il conçut ainsi quatre œuvres magistrales qui mirent un point final à un corpus de musique de chambre impressionnant : le Quintette pour clarinette et cordes, le Trio op.114 et les deux sonates op.120. Soucieux de prolonger l'audience de ces trois dernières pièces, il en conçut une version confiée à l'alto. À propos du Trio, Miguel Da Silva remarque « comme toutes les œuvres de Brahms, ce trio est vocal, mélodique. Or l'alto est peut-être l'instrument du quatuor le plus proche de la voix humaine ». De fait, sa couleur chaude et voilée, sa sensualité souvent, permettent une expression certes bien différente de ce que produit la clarinette, mais non moins envoûtante. Est cultivé un registre autre, plus intimiste et chaleureux.

Ainsi du Trio en la mineur op.114 écrit en 1891, qui dans cette instrumentation uniquement de cordes, prend une tournure plus intériorisée. Curieusement, l'alto tient le rôle le plus aigu, et effectivement sa partie est écrite souvent dans le registre le plus haut de l'instrument, ce qui conduit le violoncelle à un positionnement légèrement différent, plus soliste ici qu'accompagnateur dans la version avec clarinette. Cela saute aux yeux dès le premier mouvement Allegro dont l'austérité thématique est renforcée dans le dialogue entre l'alto et le violoncelle. La rêverie expressive que constitue l'Adagio prend une couleur plus ambrée. Comme le souligne le celliste Xavier Phillips, « cette version avec alto m'oblige à une autre écoute : nos deux instruments à cordes doivent ''respirer'' ensemble, ajuster leurs articulations ». L'Andante grazioso, sorte de menuet avec trio, est là aussi baigné de couleurs moins éclatantes qu'avec la clarinette. Et le finale Allegro paraît encore plus sévère. L'audace de l'inspiration brahmsienne en ressort plus forte, eu égard à « l'extraordinaire modernité des combinaisons de rythmes et de timbres », note le pianiste. En tout cas, la triade Da Silva-Phillips-Guy dispense un jeu d'une vraie perspicacité à l'aune de leur évidente complicité.

La fertilité de l'inspiration du dernier Brahms se révèle dans les deux sonates op.120 composées en 1894, ses deux dernières partitions chambristes. Ces œuvres tournées vers l'intérieur ressortissent à une sorte de journal intime. Le passage de la clarinette à l'alto renforce ces caractéristiques car la tonalité si chantante de celui-ci confère plus d'austérité à leur trame mélancolique et méditative. Il en va ainsi de la Sonate en fa mineur op.120 N°1 dont l'Allegro appassionato initial très concentré s'avère encore plus introspectif que tumultueux, malgré ses traits élancés. L'Andante conte une rêverie mélancolique d'un lyrisme raffiné et l'Allegretto grazioso, scherzo presque pastoral de son génial balancement tantôt doux tantôt scandé, offre les stigmates d'une résignation. Le Vivace final, rondo libre et rhapsodique, reste joliment modulant. La Sonate op.120 N°2 en mi bémol majeur se pare avec l'alto de résonances souvent mystérieuses, proches de la voix humaine, au fil de ses trois mouvements : un Allegro amabile d'un beau travail thématique, un Allegro appassionato en forme de scherzo impétueux dans ses rythmes ascendants-descendants qui trouvent avec l'alto une saveur discrètement suave, et un finale sur le schéma thème et variations. La beauté du thème se prête à une déclinaison aisée en cinq variations dont le dernière offre une mini cadence de l'alto. Miguel Da Silva et François-Frédéric Guy apportent à ces pièces une rigueur et une souplesse qui en renouvellent toutes les richesses. 

Les enregistrements, dans la salle de musique de chambre de l'Arsenal de Metz, bénéficient d'une acoustique aérée et en même temps justement intimiste, avec un parfait équilibre des trois voix dans le Trio et une vraie fusion alto-piano pour ce qui est des sonates.

Texte de Jean-Pierre Robert  

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