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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Philippe Jaroussky chante Benedetto Ferrari

Benedetto Ferrari

  • ''Musiche Varie''
  • Benedetto Ferrari : Musiche Varie a voce sola, Libri I, II & III
  • Philippe Jaroussky, contre-ténor
  • Ensemble Artaserse
  • 1 CD La Musica : LMU026 (Distribution : PIAS)
  • Durée du CD : 64 min 13 s
  • Note technique : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleue (5/5) 

Voici une aubaine : la réédition remastérisée du premier CD enregistré en 2002 par Philippe Jaroussky, à l'aube de la formidable carrière que l'on sait. Dans un programme fastueux consacré à une figure méconnue du Seicento, Benedetto Ferrari. Un concentré de musique passionnante et d'art vocal consommé. Que du bonheur.

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Benedetto Ferrari (c.1603-1681), poète, compositeur et interprète de théorbe, a beaucoup écrit, notamment à Venise. On lui doit, en 1637, le premier mélodrame lyrique, Andromeda, à être représenté dans un théâtre public, auquel feront suite bien d'autres titres. Il est surtout l'auteur de musique vocale compilée dans les Musiche varie a voce sola dont il composera trois Livres en 1633, 1637 et 1641, où se révèle « une inspiration d'une modernité et d'une diversité remarquables », souligne Philippe Jaroussky. Bien qu'écrits sur une courte période de temps, on y remarque l'évolution stylistique du musicien depuis le mode du recitar cantando jusqu'à une vocalité plus mélodique, proche du théâtre d'opéra précisément, avec présence d'airs strophiques. Ferrari fait usage en particulier de l'arioso qui cultive une certaine emphase émotionnelle. Les textes de ces pièces sont empruntés à des librettistes alors célèbres, comme Busenello qui écrira aussi pour Monteverdi. Mais la plupart sont de sa plume, singulièrement les airs des Livres II & III. Les thèmes abordés sont l'amour courtois mais tout autant des sujets à visée moralisatrice ou d'ordre religieux.

Le programme mêle des pièces des trois Livres dans un continuum original qui met en valeur la voix de l'interprète. Ainsi de la manière héritée de la forme madrigalesque dans le Livre I, où l'on perçoit l'importance du style déclamé. Comme dans ''Occhi miei che vederste'' (Vous, mes yeux, qui voyez) où certains mots comme ''morire'' sont détachés, enluminés, et ce dans un rythme enjoué. Que Jaroussky adorne d'un souffle infini, sans vibrato, usant de couleurs variées jusque dans le grave. Une variété d'affects et de rythmes se fait jour dans le Livre II, au sein d'une pièce comme ''Cielo sia con tua pace'' (Ô Ciel, accorde ton pardon). Avec le livre III, la généralisation de la forme strophique conduit à une plus grande caractérisation rythmique et à un effet encore plus proche de l'emphase théâtrale (''O monumenti''), frisant l'humour (''M'amò tanto costei'' / Elle m'aima si fort) qui se conclut ainsi « Je veux aimer, rusé, Aujourd'hui l'une, l'autre demain ».

Le mode de la déploration, familier de la période baroque, est particulièrement illustré dans la cantate spirituelle ''Queste pungenti spine'' (Ces épines acérées), tirée du livre II et divisée en quatre parties, chacune se terminant par une sorte de refrain. De structure strophique, l’œuvre est une exhortation à la contemplation des souffrances du Christ afin d'édifier l'âme croyante et la conduire à la repentance. Un tempo lent au début favorise l'éclosion vocale et des ornementations contrastées, qui deviennent plus douces dans la seconde partie dans le délicat balancement de la phrase, pour devenir plus expressive afin d'exprimer les mots plus durs de la douleur (3ème partie). La dernière développe la morale de la pièce.

Au fil de ces morceaux magistraux, la pureté comme angélique du timbre sopraniste du jeune Philippe Jaroussky fait merveille. On y perçoit d'évidence la vraie joie de chanter. Ainsi de l'agilité dans l'ornementation, telle une vocalise sans fin sur les derniers mots de l'aria ''Udite, amanti'' (Écoutez, amants). Les couleurs mordorées dans le médium et quelques belles incursions dans le grave, en des inflexions osées mais sans exagération ni hyperbole, démontrent combien tout est ici subtilité et pudeur. Pour ce qui est de l'expression, on admire le naturel de la déclamation au soutien d'une longue phrase, dans l'aria ''Chi non sà come amor'' (Qui ne sait comment amour). Aussi bien que la vivacité d'esprit de ''Lingua di donna'' (Langue de femme) et partout un sens dramatique certain, qui s'est combien affirmé depuis lors. Il est magnifiquement entouré par les quatre musiciennes d'Artaserse, Christine Plubeau (viole de gambe), Claire Antonini (théorbe), Nanja Breedijk (harpe baroque) et Yoko Nakamura (clavecin et orgue). Quatre voix qui sertissent celle du contre-ténor dans une rare fusion poétique et musicale.

L'enregistrement (2002) à la Chapelle Jésus Enfant de l’Église Sainte Clotilde à Paris, offrant une excellente proximité voix-instruments, a été remastérisé en 2017 avec soin. Il en ressort encore plus resplendissant.

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Texte de Jean-Pierre Robert  

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