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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : la voix de l'instrument dans l'Italie du premier Seicento

La Vaghezza

  • ''Sculpting the fabric''
  • Œuvres instrumentales en forme de sonate, balli, canzoni, sinfonie de Claudio Monteverdi, Tarquinio Merula, Franceso Cavalli, Giovanni Batista Vitali, Giovanni Batista Fontana, Andrea Gabrieli, Dario Castello, Solomone Rossi, Francesco Turini, Andrea Falconieri
  • La Vaghezza
  • 1 CD Ambronay Editions : AMY 313 (Distribution : Outhere Music)
  • Durée du CD : 52 min 50 s
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rouge (5/5)

Pour son premier disque, l'ensemble italien La Vaghezza explore la musique instrumentale du début des années 1600. Une période féconde de « musique faite d'originalité, d'imprévisibilité, d'extravagance, d'expérimentation et de grande liberté ». Au fil de ce parcours en compagnie de compositeurs emblématiques, les cinq interprètes savent constamment capter l'écoute.

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L'extrême diversité de la musique instrumentale au début du Seicento, l'ensemble La Vaghezza a souhaité l'exprimer dans un titre surprenant ''Sculpting the fabric''. Il est emprunté au juriste et biographe anglais Roger North qui parle de la manière dont le son, pour produire son impact, doit être sculpté, taillé au moyen d'ornements. Ce qui en termes d'interprétation renvoie à la marge de liberté laissée aux musiciens à partir du travail sur le texte, au moyen de l'ornementation, souvent proche de l'improvisation. C'est à la sensibilité de l'interprète qu'il revient d'étoffer le peu d'éléments que contient une partition instrumentale de cette époque. Si alors l'art vocal triomphe avec la pratique des madrigaux et la naissance de l'opéra, celui de la production instrumentale se développe tout autant. Il en subit l'influence mais tend à affirmer son autonomie tout en gardant un rapport étroit avec la vocalité. Les pièces instrumentales peuvent ainsi trouver leur origine directement dans une pièce vocale, par le procédé des transpositions ou ''diminutions''. Ainsi en est-il de telle cantate de Gabrieli. Comme du madrigal de Monteverdi ''Cor mio non mori ? E mori'', tiré du IVème Livre des Madrigaux, qui conserve sa poignante beauté dans cette originale réduction instrumentale.

La forme de la sonate est représentée par Giovanni Batista Fontana (1589-1630) et sa Sonata Settima ''per il violin, o cornetto, fagotto... o simile altro istromento'', Ici jouée par deux violons, viole de gambe, théorbe et clavecin. On y remarque l'alternance de passages véhéments et lancinants. De Dario Castello (1621-1658), la Sonata Terza, dite ''Sonate concertate in stilo moderno'', offre à travers plusieurs sections lent-vif-lent une grande expressivité. La Sonate ''Il corsino'' de Francesco Turini (1589-1656) montre combien l'art instrumental subit l'influence du vocal, car cette œuvre a été publiée au sein d'un livre de madrigaux. Le genre de la canzona est illustré par Francesco Cavalli et sa ''Canzona a 3'', tirée des Musiche sacre (1656), offrant un dialogue des deux violons et de la basse continue au long de deux parties successivement vive puis tendre, jusqu'à une péroraison en forme de plainte déchirante, comme on en trouve dans les dramma per musica du musicien.

Les Balli tiennent une place importante. Ainsi de ceux de Tarquinio Merula (1595-1665) dont le style concitato est emprunté à Monteverdi. On entend le bondissant ''Ballo detto Eccardo'' ou le vif ''Ballo detto Gennaro'' ou encore le ''Ballo detto Pollicio'' d'une étourdissante virtuosité. On compte aussi des sinfonie. De Rossi, la Sinfonia Ottava offre un dialogue concertant dans un ton grave. Dans la Sinfonia Nona, après une introduction jouée au théorbe d'une infinie douceur, chacun des deux violons tresse une mélodie intense. On entend également des pièces plus enlevées, telle la ''Bergamasca'' de Vitali (1632-1692), sorte de danse populaire s'animant peu à peu, ou le morceau d'Andrea Falconieri (1585-1656) intitulé ''Folias echa para li Seňora Doňa Tarolila de Carallenos'', d'une vivacité contagieuse.

C'est qu'ici comme dans toutes les pièces de ce singulier programme, les cinq musiciens de La Vaghezza font preuve d'une formidable inventivité dans le phrasé et d'une manière vraiment irrésistible. Cet ensemble italien a été fondé en 2016 et a rejoint dès l'année suivante le programme européen EEEmerging+ piloté par le Centre culturel de rencontre d'Ambronay. Il se veut guidé par le concept esthétique de « vaghezza », c'est-à-dire, non pas de flou et de vague comme le veut une traduction littérale du mot, mais décrivant « une beauté impossible à comprendre ou à saisir », comme l'est une fumée insaisissable. Leur pratique instrumentale est dévouée à l'interprétation de la musique des XVIIème et XVIIIème siècles. La qualité instrumentale est enviable, des deux violonistes Ignacio Ramal et Mayah Kadish, de la celliste Anastasia Baraviera et du théorbe de Gianluca Geremia. Le claveciniste et organiste Marco Crosetto n'est pas en reste question vélocité. Chacun déploie un sens de l'articulation rigoureux et en même temps un jeu d'une totale liberté de ton, rejoignant les paramètres d'imprévisibilité et d'extravagance de ces musiques que tous se plaisent à souligner, à juste titre.

L'enregistrement à la chapelle de Jujurieux offre présence et atmosphère, avec placement naturel des diverses voix, les deux violons de part et d'autre. 

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Texte de Jean-Pierre Robert

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