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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Jepthé, tragédie de Michel Pignolet de Montéclair

Jephte MP de Monteclair

  • Michel Pignolet de Montéclair : Jephté. Tragédie tirée de l’Écriture sainte en un prologue et cinq actes (version de 1737). Paroles de Simon-Joseph Pellegrin
  • Tassis Christoyannis (Jephté), Chantal Santon-Jeffery (Iphise), Judith van Wanroij (Almasie, La Vérité), Thomas Dolié (Phinée), Zachary Wilder (Ammon), Katia Velletaz (Terpsichore, Vénus, Une Habitante de Maspha, Une Israélite, Élise, Une Bergère), Adriana Kalapszky (Polymnie), Clément Debieuvre (Abdon, Un Hébreu), David Witczak (Apollon, Abner, Un Habitant de Maspha)
  • Purcell Choir
  • Orfeo Orchestra dir. György Vashegyi
  • 2 CDs Glossa : CDG 924008 (Distribution :PIAS)
  • Durée des CDs : 66 min 10 s + 76 min 28 s
  • Note technique : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleue (5/5)

Voici la redécouverte d'un opéra de Pignolet de Montéclair, contemporain de Rameau, et un des ouvrages lyriques les plus joués à l'époque. Elle est due à un chef et un ensemble hongrois, spécialistes de ce répertoire, grâce au matériel musical édité par le Centre de Musique Baroque de Versailles. La captation en est faite par un label espagnol féru d’œuvres peu connues du répertoire baroque. Fructueuse coopération européenne ! Et passionnante réalisation à en juger par la haute qualité de l'interprétation.

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Michel Pignolet de Montéclair (1667-1737) a été un des compositeurs français les plus admirés de son temps. Pédagogue, musicien à l'Orchestre de l'Opéra royal dans la période post Lully, auteur d'une méthode ''Principes de musique divisés en quatre parties'', il a composé des pièces vocales, des cantates et des œuvres instrumentales. Sur un sujet biblique, qui inspirera à Haendel son avant-dernier oratorio, Jephté est une tragédie lyrique créée en 1732. Elle rencontrera un vif succès public et critique, quoique non partagé par Voltaire qui ironiquement dira s'être « ennuyé à l'opéra » demandant « très humblement pardon à l'Ancien Testament ». Méchante réaction lorsqu'on sait que son projet d'opéra biblique avec Rameau, sur le thème de Samson, n'avait pas vu le jour ! Le sujet est le terrible vœu fait au divin par Jephté, le chef des hébreux parti combattre les rebelles ammonites, de sacrifier, s'il revient vainqueur, la première personne rencontrée à son retour. Qui se trouve être sa propre fille Iphise. Ce thème du sacrifice demandé à un puissant, on le retrouve dans d'autres œuvres comme Iphigénie et surtout, à l'opéra, dans l'Idomeneo de Mozart. Une intrigue secondaire, l'amour contrarié d'Ammon, adversaire de Jephté, pour Iphise, permet d'enrichir quelque peu une action somme toute linéaire pour ne pas dire austère, et la faire rebondir au dernier acte : la faute avouée par Iphise provoque la clémence divine. Car contrairement au texte biblique qui voit la réalisation du sacrifice filial, est privilégié un lieto fine, amené assez abruptement à la fin du Vème acte. Le texte, dû à la plume réputée du librettiste de théâtre Simon-Joseph Pellegrin, est d'une belle valeur littéraire, qui évoque en particulier l'épisode célèbre de la séparation des eaux du Jourdain pour laisser passer les troupes de Jephté.

La musique de cette tragédie fait plus penser à Marc-Antoine Charpentier qu'à Lully. Mais sa modernité se signale par rapport à eux et vaudra à Pignolet de Montéclair de s'imposer vis-à-vis d'un autre confrère à la gloire naissante, Jean-Philippe Rameau. La première tragédie lyrique de celui-ci, Hippolyte et Aricie, qui voit le jour l'année suivante en 1733, apparaît comme en réponse à celle de Jephté. On découvre dans cette dernière un langage renouvelé quant à l'ampleur des récits et à la recherche d'expressivité dans les accents des solistes et du chœur. Autres aspects novateurs que le traitement de l'instrumentation, comme l'utilisation de la petite flûte ou des musettes, surtout lorsqu'elles sont mêlées aux bois, ou le choix des percussions. La partie vocale est constituée de récits et d'airs, ces derniers relativement brefs, mais aussi de duos. Dans certains cas, la succession récit-air-duo évoque ce qu'on appellera plus tard une ''scène''. L'intervention du chœur est également notable, souvent en soutien et à la fin des échanges, comme celui entre Jephté et le grand prêtre Phinée au Ier acte.

L'interprétation doit beaucoup à la direction de György Vashegyi qui respecte méticuleusement les nombreuses exigences du compositeur. La battue pacifiée tire de fascinantes sonorités de son Orfeo Orchestra, singulièrement de la petite harmonie. Les passages purement instrumentaux, comme la vaste Chaconne du IIIème acte ou le divertissement pastoral du IVème, sont purs joyaux. La distribution est sans faille. Tassis Christoyannis apporte à la partie de Jephté une grande humanité dans les récits. La voix cuivrée désormais de son baryton exprime l'émotion du père confronté au terrible dilemme entre respect de la parole donnée et amour paternel. Ainsi à l'heure du choix cornélien : ''Mon sacrifice est un devoir : mais hélas ! mon serment n'en est pas moins un crime''. Dans le rôle d'Iphise, un des plus réussis de l’œuvre, Chantal Santon-Jeffery offre un soprano immaculé, comme dans l'air ''Mes yeux, éteignez dans vos larmes'' (acte II), accompagné par la petite flûte, ce qui en renforce la tristesse. En contraste, le récit et l'air de la première scène de l'acte IV offrent une vraie vision élégiaque avec ses deux flûtes concertantes. Et on admire la douce détermination de la jeune femme à se soumettre au trépas, que le dialogue père-fille rend encore plus poignant. La basse Thomas Dolié apporte noblesse au personnage de Phinée, tempérant l'ardeur de ce grand prêtre vengeur. Comme Judith van Wanroij, Almasie, l'épouse de Jephté, déploie des accents de vraie tragédienne au milieu des deux intrigues religieuse et amoureuse. Une mention particulière au Purcell Choir qui nonobstant les difficultés de la langue française, est à la hauteur du challenge. 

L'enregistrement a été effectué dans la Salle de concert Béla Bartók du Müpa de Budapest, vaste complexe culturel inauguré en 2005. L'auditorium, conçu selon le modèle du KKL de Lucerne (1998-2000), a été équipé par le même acousticien, Russell Johnson. C'est dire ses qualités acoustiques. La prise de son par une équipe hongroise, offre une ambiance généreuse sur les chœurs et un équilibre soigné entre orchestre et solistes vocaux, ces derniers non proéminents.

Texte de Jean-Pierre Robert 

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