CD : le piano de Heitor Villa-Lobos
- Heitor Villa-Lobos : Danças caracteristicas africanas. Bachianas Brasileiras N°4. Ciclo Brasileiro Nos2 & 3. Choros N°1 tipico (transcription : Odmar Amaral Gurgel). Carnaval das Criancas Brasileiras. Cirandas N°8
- Flavio Varani, piano
- 1 CD Azur Classical /Collection du Festival International Albert-Roussel : AZC175 (Distribution : Socadisc)
- Durée du CD : 56 min 21 s
- Note technique : (4/5)
Au sein de la foisonnante production du compositeur Heitor Villa-Lobos, la musique pour piano occupe une place particulière. Le pianiste brésilien Flavio Varani en propose un intéressant florilège avec des pièces écrites entre 1914 et 1941. Un disque du Centre International Albert-Roussel qui s’enorgueillit de bien des remises au jour de compositions de ses contemporains enfouies dans l'oubli.
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Dans sa musique, quel qu'en soit le genre, Heitor Villa-Lobos (1887-1959) mêle influences des classiques, de JS Bach en particulier, et traditions populaires de son Brésil natal. Ces dernières puisées sur le terrain comme ethnologue et auprès des instances musicales de Rio de Janeiro. Il se perfectionne en France où il côtoie des musiciens comme Florent Schmitt et Paul Paray et des interprètes tels Arthur Rubinstein qui fera beaucoup pour sa renommée, et surtout Magda Tagliaferro avec laquelle il se perfectionne. Il a confié au piano de nombreuses pièces souvent courtes, d'une immédiate séduction de par leur manière descriptive et leur charge émotionnelle vraie. Ainsi écrit-il en 1914 ses Danças caracteristicas africanas censées décrire les trois âges de l'humanité africaine. ''Farrapós'', la danse des jeunes, offre un rythme obsédant. ''Kankukús'', la danse des vieillards, n'est pas si sage, avec ses relents de ragtime. Et ''Kankikís'', la danse des enfants, est basée sur une toccata frénétique avec succession de notes piquées et une rythmique qui fait penser aux pièces sacrales de Stravinsky. Le Carnaval das Criancas Brasileiras, des années 1919/1920, est une suite de huit pièces brèves illustrant le monde de l'enfance. Elles sont de veine primesautière et espiègles où l'on observe des influences ethniques et une étonnante proximité avec la musique française contemporaine pour piano. On pense ainsi à Debussy (la vive N°2, la déliée N°4, la fluide N°6 où il est question d'un ''Mignon masqué''). Mais aussi à l'univers enchanté de Ravel, dans le petit conte gracieux de Pierrette (N°3) ou le morceau N°7 qui fait penser à Ma mère l'Oye et ses '''Entretiens de la Belle et de la Bête''. On admire dans ces morceaux un art exquis de la fantaisie et surtout la magistrale écriture pianistique, notamment dans le registre aigu du clavier. La dernière pièce, la plus développée, l'est pour quatre mains.
Le cycle des Choros, une quinzaine d’œuvres de ce nom composées entre 1920 et 1929, reste une des créations emblématiques de Villa-Lobos, par le singulier mélange de rythmes et de mélodies populaires brésiliennes et indiennes. Le Choros N°1 (1920), à l'origine pour guitare et dédié à l'ami Ernesto Nazareth, est joué ici dans la transcription pour piano due à Odmar Amaral Gurgel. C'est un rondo déhanché, inspiré de la danse du Matchiche de la ville de Rio. Le Ciclo Brasileiro, de 1936/1937, est l'un des sommets du piano de Villa-Lobos, quelque peu imprégné de romantisme européen, revu et corrigé selon les modes sud-américains, déployant de riches sonorités presque orchestrales. Le N°2 ''Impressoes Seresteiras'' fait presque penser à Chopin pour ce qui reste pourtant une musique tirée de celle des faubourgs de Rio. La N°3 ''Festa no Sertao'' est un brillant rondo-toccata exploitant l'entier clavier dans un rythme endiablé.
Tout comme dans les neuf œuvres du même nom, écrites pour des formations instrumentales et vocales différentes, les Bachianas Brasileiras N°4 offrent une synthèse entre musiques du Cantor et du folklore brésilien. Est donné l'original pour piano d'une pièce rendue célèbre dans sa version orchestrale. Ses quatre parties déclinent un ''Preludio'' introductif solennel empruntant aussi bien à Bach qu'à la modinha, une chanson populaire brésilienne du XVIIème, puis un ''Coral'' avec répétition obsessionnelle d'un accord de si bémol, comme dans ''Le gibet'' de Gaspard de la nuit de Ravel. Vient ensuite une ''Aria'' qui repend une chanson d'amour brésilienne dans un mode référencé à Bach, mâtiné de rythmes brésiliens. Enfin une ''Dança (Miudinho)'' est une conclusion allègre dans une forme de mouvement perpétuel, nanti d'une écriture virtuose où l'on croise encore une mélodie populaire.
Flavio Varani est nul doute l'interprète choisi de ces pièces. Le pianiste brésilien, originaire de São Paulo, a consacré une large part de sa carrière à faire connaître la musique de son compatriote. Les atouts pour ce faire ne manquent pas. N'a-t-il pas été formé, entre autres, auprès de la légendaire franco-brésilienne Magda Tagliaferro chez qui il étudie dans les années 1960 à Paris, où il rencontre Villa-Lobos et joue devant lui, Salle Wagram, une pièce écrite pour elle. Dans toutes ces pièces, il déploie une technique joliment percussive que renforce la sonorité particulière de l'instrument joué, un piano Yamaha au timbre clair avec un registre grave discret. On admire une science innée du rythme comme un art accompli de mélodiste.
La prise de son, au Conservatoire de Musique et de Danse de Châtenay-Malabry, en 2017, dans une acoustique un peu sèche, offre une image large : l'instrument est saisi dans toute l'ampleur de ses divers registres.
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Texte de Jean-Pierre Robert
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Heitor Villa-Lobos, Flavio Varani