Skip to main content
PUBLICITÉ
  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : sonates et trio de Saint-Saëns

Saint Saens

  • Camille Saint-Saëns : Sonate N°1 pour violon et piano op.75. Sonate N°1  pour violoncelle et piano op.32. Trio pour violon, violoncelle et piano N°2 op.92
  • Renaud Capuçon (violon), Edgar Moreau (violoncelle), Bertrand Chamayou (piano)
  • 1 CD Erato : 090295167103 (Distribution : Warner Classics)
  • Durée du CD : 75 min 51 s
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5)

Les voilà réunis au disque, en attendant le concert : le violoniste Renaud Capuçon, le celliste Edgar Moreau et le pianiste Bertrand Chamayou. Et dans un domaine où on ne les attendait peut-être pas, celui de la musique de chambre de Saint-Saëns. Pour être moins fréquenté que d'autres chez l'auteur de Samson et Dalila, il n'en est pas moins intéressant. Les deux sonates et le trio joués ici en apportent la meilleure démonstration.

LA SUITE APRÈS LA PUB

Camille Saint-Saëns compose sa Sonate pour violon et piano N°1 en ré mineur, op.75 en 1885, un an avant sa Symphonie pour orgue. Sa célébrité n'a pas besoin du fait qu'un de ses thèmes sera consacré par Proust comme la fameuse ''petite phrase'' de la ''Sonate de Vinteuil'' dans A la recherche du temps perdu. Elle est plutôt à trouver dans un généreux jaillissement unissant strict classicisme et effusion romantique. Au long d'une curieuse construction en deux mouvements, chacun divisé en deux parties. Un débit fébrile marque l'Allegro agitato de son thème légèrement emporté au violon, contrebalancé dans un second très lyrique, toujours énoncé au violon – la ''petite phrase''. L'Adagio, joué enchaîné, s'ouvre par une phrase très ornée du violon dans le médium de l'instrument et le discours progresse très élégiaque. La deuxième partie est d'abord distribuée à un Allegretto moderato, en fait un scherzo joliment balancé avec d'amusants unissons des deux voix. Le trio s'avère plus lyrique par la ligne sinueuse du violon sur un délicat accompagnement du piano. Une transition mène au finale Allegro moto, fiévreux au violon qui joue une sorte de mouvement perpétuel jusqu'au plus aigu du registre, pour aborder ensuite des passages plus cantabile. La course reprend et le thème de Swann réapparaît, de plus en plus frénétique. Renaud Capuçon et Bertrand Chamayou adoptent une vision toute de retenue, contenant l'effusion romantique.  

La Sonate pour violoncelle et piano N°1 en ut mineur op.22 date de 1872 et présente un ton de gravité certain, comme il en est du contemporain et plus connu Concerto pour violoncelle et orchestre op.33. Ce qui est mis en exergue dès les premières pages de l'Allegro dont la véhémence s'exprime dans le registre grave des deux instruments. Tout aussi sombre, le développement semble offrir quelque apaisement, ce que traduit le jeu de Moreau empreint de discrétion. Mais il s'y produit des différences nettes de dynamique, singulièrement dans la partie de piano. Là où Saint-Saëns voyait comme une improvisation, de celles dont il se livrait à l'orgue de l’Église Saint-Augustin, l'Andante tranquillo sostenuto, en forme de choral, modère l'effusion à travers une intéressante palette. Notamment dans le jeu staccato du piano à l'appui d'une partie de violoncelle presque élégiaque. On remarque là encore la retenue observée par les présents interprètes, piano fluide de Chamayou et toucher souple de Moreau. L'Allegro moderato final imprime une pulsation marquée, initiée par le piano sur de longues phrases caressées du violoncelle. Moreau s'y avère magistral tandis que son collègue brode délicatement. Un réchauffement au médian du mouvement frôle le tragique, retrouvant le climat agité du début de l’œuvre, lequel ne se dément pas jusqu'aux dernières pages.

Le Trio pour violon, violoncelle et piano N°2 en mi mineur op.92, de 1892, est construit en 5 mouvements disposés en arche : deux Allegros à l'extrême et deux mouvements de facture plus légère entourent un Andante central. Le ton est en général plutôt enjoué. Le premier Allegro passionné se caractérise par la tension que communique un thème dramatique : accords du piano, cordes assurant la mélodie. La partie de piano s'avère très exigeante, rapide, presque au galop puis plus fluide. Le développement maintient la tension dans un intéressant travail motivique ouvragé par chacun des trois protagonistes. L'Allegretto fait contraste par son esprit de badinage romantique à la française, lequel s'assombrit dans des accords massifs. L'Andante con moto, cœur de la pièce, chante dans son esprit appassionato, offrant au clavier un rôle prédominant. Le ''Grazioso'', sorte de scherzo, est tout de bonne humeur dans son allure de valse. Le dernier mouvement célèbre la veine romantique et montre une souveraine maîtrise d'écriture, en particulier dans une fugue lancée par le violon et reprise par le piano et le violoncelle. La coda montre pareil achèvement jusqu'à une fin prestissimo ébouriffante. C'est bien le terme qui convient à l'exécution de nos trois musiciens. Dont la verve, l'extraordinaire maîtrise instrumentale et surtout la parfaite fusion des voix démontrent que cette pièce peut aussi bien être confiée à une formation ad hoc de solistes qu'à un trio constitué, comme naguère le Trio Wanderer dans leur version de deux Trios (Harmonia Mundi).

Ils sont captés au Studio de la Cité de la musique et de la danse de Soissons dans une atmosphère très intimiste, comme chez soi, dans son propre salon de musique. La balance entre les trois voix est finement jugée, le piano non proéminent. Il en va de même du placement des deux instrumentistes dans les sonates, même si le violon est quelque peu favorisé dans celle pour violon et piano.

Texte de Jean-Pierre Robert

LA SUITE APRÈS LA PUB

CD et MP3 disponibles sur Amazon



Autres articles sur ON-mag ou le Web pouvant vous intéresser


Saint-Saëns, Bertrand Chamayou, Edgar Moreau, Renaud Capuçon

PUBLICITÉ