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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : le concert Ravel de Michel Dalberto

MauriceRavel

  • Maurice Ravel : Valses nobles et sentimentales. Sonatine. Gaspard de la nuit. Miroirs (extraits)
  • Michel Dalberto, piano
  • 1 CD Aparté : AP 225 (Distribution : PIAS)
  • Durée du CD : 69 min
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5)

Ce CD est le dernier volet d'une tétralogie pianistique consacrée par Michel Dalberto à la musique française. Après Fauré, Franck et Debussy, voici donc Ravel. Un album capté en concert, comme les précédents, pour préserver la spontanéité du geste. Et des interprétations forgées à l'expérience d'une vie dévolue à l'art du piano : loin de l'effet d'estrade, jouant d'un spectre sonore cohérent, ce qui n'empêche pas des contrastes d'ambitus assumés, et ce grâce à un toucher d'un vrai naturel, même dans les passages exposés.

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Elles s'inscrivent surtout dans une filiation. Celle de Vlado Perlemuter qui avait travaillé avec l'auteur du Boléro, un pianiste que celui-ci appréciait particulièrement. Michel Dalberto relate dans la plaquette du disque comment s'est construite son expérience de la musique de piano de Ravel dans la classe de Perlemuter au Conservatoire de Paris. Et de rappeler quelques principes fondamentaux aux yeux de ce maître. Ainsi de la différence d'approche par rapport à la musique de piano de Debussy, et de l'inadéquation du terme d’impressionnisme, chez l'un comme chez l'autre d'ailleurs ; celui de ''Pointillisme '' paraissant plus adapté concernant Ravel. Et encore de « la jouissance qu'un pianiste peut ressentir en travaillant et jouant les œuvres de Ravel ». Cela transparaît à l'écoute des quelques pièces essentielles du répertoire pour piano seul jouées ici.

La Sonatine (1903-1905) est « une œuvre d'une simplicité trompeuse », précise-t-il. ''Modéré'', qui ne veut pas dire lent mais qu'il ne faut pas jouer trop rapide, cache des élans presque passionnés dans une accélération soudaine, presque véhémente ici. ''Mouvement de menuet'' est empli de poésie évanescente jusqu'à cette péroraison d'effusion contenue, où « l'effet de ralenti doit venir de la nuance et de la sonorité plus que d'un véritable changement de mouvement », indique Marguerite Long ( in ''Au piano avec Maurice Ravel'', Julliard). ''Animé'' creuse un fort contraste dans l'affolement des notes dans l'aigu du clavier, qui sait se ranger, mais repart de plus belle. De Miroirs, Dalberto joue trois des cinq morceaux. ''Oiseaux tristes'' instille l'étrangeté, le mystère presque étouffant de pages qui « offrent à l'auditeur une quantité d'éléments sensoriels raffinés pour qu'il en dispose selon sa propre imagination » (ibid.). La conclusion est ici en effet d'une poignante tristesse. Avec ''Alborada del gracioso'', c'est la fantasmagorie d'une Espagne plus vraie que nature, étincelante, par l'alliance du rythme et de l'harmonie. La partie médiane est une évocation amoureuse d'une force descriptive inouïe : un théâtre haut en couleurs. La coda voit fuser des traits irrésistibles sous les doigts du pianiste français. Enfin ''Vallée des cloches'' laisse entendre une volée légère de tintements, bien détachés par Dalberto qui installe un paysage choisi à travers cette écriture combien savante mêlant les plans. La coda apaisée tresse une secrète poétique qui va s'effaçant. On aurait bien aimé entendre les deux autres pièces.

On sait Gaspard de la nuit, trois poèmes pour piano d'après Aloysius Bertrand (1908), être des morceaux de haute virtuosité. Au-delà d'une technique astreignante, il est plus délicat d'en restituer l'étrange poétique. Pour ''Ondine'', Dalberto compose une guirlande enchantée de ce qui est musique fluide où l'on perçoit le clapotis incessant de l'eau, sa transparence aussi. Le réchauffement dans le médium, que Ravel retarde à plaisir, apparaît, lorsqu'il se produit, comme un aboutissement logique. La difficulté, souligne Dalberto, est d'obtenir de la mécanique du piano « un vrai et beau pianissimo », particulièrement dans les ultimes notes. ''Le Gibet'' combine les défis : variété des timbres sous une apparente uniformité, clarté des plans et surtout cette répétition obstinée et lancinante de sonorité de cloche en contrepoint. Car il y a tant à exprimer dans ce qui est, selon Marguerite Long, « esquisse sonore et lumineuse, que le lointain estompe ». Une étonnante fresque entre les mains de Michel Dalberto. ''Scarbo'' est peut-être la pièce la plus difficile des trois. Pas selon Perlemuter, rapporte Dalberto qui en convient. Certes, le pianisme se veut grandiose, bardé de notes piquées en saccades, de ruptures, de rythmique implacable. Mais c'est là encore un exemple du ''pointillisme'' relevé par le français, dans des évocations fugaces. La composante démonstrative n'est jamais mise en avant chez Dalberto. Qui se plaît à détacher cette note appuyée au dernier passage conduisant à la conclusion percussive d'un piano sonnant comme tout un orchestre.

Les Valses nobles et sentimentales (1911), suite de huit valses miniatures, offrent une déclinaison très subtile de ce que sont chez Ravel les indications de tempo. Elles trouvent ici une interprétation on ne peut plus habitée, qui respecte ce que Madame Long définit comme une « écriture dépouillée et stylisée » recelant « des ambiguïtés et des déplacements d'accent d'un charme souverain ». ''Modéré'' est pris bien martelé et d'une puissance soutenue. ''Assez lent'' est tout de retenue, musardant, truffé de touches de mélancolie presque touchante. ''Modéré'' est souriant, façon « boîte à musique » dans son tricoté de notes, alors que le rythme à trois temps paraît presque gommé. ''Assez animé'' figure un joyeux babil. ''Presque lent'' ou la valse lente, se veut nostalgique mais aucunement triste. ''Assez vif'' fait contraste par un ton détendu et affirmatif. Dans ''Moins vif'', le rythme se fait viennois et se développe en un tourbillon qui retrouve le climat de la première valse. Enfin ''Lent'' forme une majestueuse conclusion, intitulée d'ailleurs ''Épilogue''. Le jeu de Michel Dalberto y est d'une suprême poésie dans ce qui est évocation à peine dessinée de quelque valse oubliée ou un souvenir de valse.  

La prise de son live à l'Auditorium de la Fondation Louis Vuitton à Paris offre une image d'une belle immédiateté qui restitue le ressenti du concert, le piano placé au centre droit. Le spectre sonore est judicieusement dosé avec d'imposants climax dans l'expression forte.

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Texte de Jean-Pierre Robert

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