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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : hommage au compositeur austro-américain Eric Zeisl

Paris Los Angeles

  • ''Paris <> Los Angeles''
  • Eric Zeisl : Menuchim's Song. Brandeis Sonata pour violon et piano. ''Zigeunerweise'', extrait de la Suite pour violon et piano, op.2:I
  • Darius Milhaud : Deuxième Sonate pour violon et piano
  • Wolfgang Amadé Mozart : Sonate pour piano et violon en mi mineur, K.304
  • Ambroise Aubrun (violon), Steven Vanhauwaert (piano)
  • 1 CD Éditions Hortus : Hortus 189 (Distribution :Harmonia Mundi) www.editionshortus.com
  • Durée du CD : 59 min 33 s
  • Note technique : :etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleue (5/5)

Le titre prosaïque de ce disque cache un propos programmatique plus ambitieux : la célébration d'une amitié musicale entre le compositeur d'origine autrichienne Eric Zeisl et le français Darius Milhaud qui tous deux émigreront aux USA, en Californie, en raison de leurs convictions juives. Et la découverte d'une musique pour le moins passionnante de Zeisl. À travers une judicieuse sélection de pièces pour violon et piano, jouées par deux interprètes convaincus.

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Le violoniste Ambroise Aubrun découvre la musique d'Eric Zeisl (1905-1959) lors de ses études de doctorat à l'Université de Californie. Et constate vite l'admiration éprouvée par Darius Milhaud pour son confrère. Le français fait la connaissance de Zeisl en 1938, alors que celui-ci a fui Vienne du fait des rétorsions nazies contre les juifs et s'est réfugié à Paris. Suite à une recommandation de Milhaud, Zeisl se rend aux États-Unis l'année suivante. Il y sera d'ailleurs rejoint par son ami français en 1940. Eric Zeisl fait partie des musiciens étiquetés comme auteurs de l'Entertate Musik (Musique dégénérée). Sa production est importante, dont des Lieder, deux concertos, quatre opéras, le dernier inachevé, Job, sur un livret de Kafka, d'après le roman de Joseph Roth. Le CD présente trois œuvres. Le Menuchim's Song (1939) est un succédané de l'opéra Job. La pièce est dédiée à Milhaud. On entend encore le premier mouvement de la Suite pour violon et piano op.2:I ''Zigeunerweise'' (gitans) : « un chant écrit pour le violon », note Ambroise Aubrun. Un morceau au lyrisme généreux, d'un jeune musicien de 14 ans, magistralement écrit pour les deux instruments dont une partie de violon puissante. C'est là une première au disque.

Autrement plus imposante, la Brandeis Sonata pour violon et piano date de 1949 et porte le nom de l'Institut éponyme de Californie où Zeisl fut compositeur en résidence. Elle est dédiée à Alexandre Tansman. Le premier mouvement ''Grave'', qui dure autant que les deux autres, s'ouvre sur un martèlement sombre du piano. Un trottinement s'installe aux 2 voix faisant la part belle au violon. Un deuxième thème plus calme mais intense voit les mélismes du violon s'épanouir naturellement. Le piano reprend la main dans une section articulée où le violon est traité dans le medium. Puis le mouvement bascule dans une allègre fluidité, très classique. Car le langage de Zeisl reste tonal, malgré l'héritage de la Seconde École de Vienne, et au moment où un Richard Strauss termine sa carrière. L'Andante ''Religioso'' introduit le chant du violon aux accents hébraïques, dense et sinueux dans le registre aigu. Des ruptures accentuent l'effet déclamatoire. Au Rondo Allegro final, toujours dans la veine hébraïque, on remarque un développement magistralement pensé. Là encore des ruptures corsent le discours comme des changements de tempos façonnent un parcours plaisant.

Le CD est aussi l'occasion d'écouter la Deuxième Sonate pour violon et piano de Darius Milhaud (1892-1974). Dédiée à André Gide, composée en 1917, elle est contemporaine des premiers quatuors et de la trilogie de l'Orestie due au livret de Claudel. Une rare occasion d'apprécier la musique d'un grand auteur français prolifique et dans presque tous les genres, mais par trop méconnu, singulièrement au disque. Les quatre mouvements alternent lent et vif. ''Pastoral'' offre un lyrisme teinté d'une agréable modernité dans le traitement des deux instruments. ''Vif'' possède un humour primesautier et se distingue par sa belle écriture pianisitique jusqu'à une fin apaisée. ''Lent'' évoque une douce rêverie menée par le violon sur une pédale du piano. Il en émane un sentiment de quiétude. ''Très vif'' est un finale brillant et preste, flattant le registre médian du violon et traversé de passages fantasques. Une bien belle œuvre, pourtant de jeunesse. Superbement jouée par Ambroise Aubrun et Steven Vanhauwaert.

La présence de la Sonate pour piano et violon K.304 de Mozart est le fruit d'une vraie fascination de Zeisl pour cette œuvre. En mi mineur, elle est la seule de toutes celles écrites par Mozart en mode mineur. On sait qu'elle date de mai 1778 et a été composée à Paris lors du second séjour de Wolfgang, juste après le décès de sa mère. D'où un parfum de tristesse, perceptible dans le premier de ses deux mouvements : un Allegro qui voit une violence tragique, d'abord contenue, se développer peu à peu plus pathétique. Le Tempo di Menuetto renchérit dans cette veine dramatique, notamment le premier thème d'où émane un sentiment de douleur. La partie centrale l'exprime encore plus intensément quoiqu’avec pudeur, sinon une pointe de tendresse. Les traits en répons ou à l'unisson reprennent plus tragiques encore. Surtout dans l'exécution toute de retenue des deux présents interprètes. Qui auront magnifié le propos d'un programme enrichissant, révélateur d'une fascinante amitié musicale.

L'enregistrement, à l'Université du Nevada de Las Vegas, offre clarté et relief, ménageant un bel équilibre entre les deux instruments.

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Texte de Jean-Pierre Robert

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Steven Vanhauwaert, Mozart, Ambroise Aubrun, Eric Zeisl, Darius Milhaud

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