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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : quand une famille de musiciens s'unit...

Moreau A family affair 

  • ''Une affaire de famille''
  • Antonín Dvořák : Bagatelles op.47. Chant à la lune (extr. de Rusalka)
  • Erich Wolfgang Korngold : Suite op.23 pour 2 violons, violoncelle et main gauche de piano. Lied de Marietta (extr. de Die tote Stadt)
  • Edgar Moreau (violoncelle), Raphaëlle Moreau, David Moreau (violon), Jérémie Moreau (piano)
  • 1 CD Erato : 0190295241315 (Distribution : Warner Classics)
  • Durée du CD : 65 min 23 s
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5)

Il est sympathique de voir des musiciens d'une même famille jouer de la musique de chambre. Le celliste Edgar Moreau, vedette du label Erato, a réuni sœur et frères et dans un programme original associant deux compositeurs d'Europe centrale, Dvořák et Korngold, ayant écrit pour la formation particulière d'un quatuor de deux violons, violoncelle et piano. L'occasion d'écouter des pièces séduisantes peu connues, interprétées par un team à haute valeur musicale ajoutée.

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Dvořák compose ses Cinq Bagatelles op.47 en 1878, à la demande d'un de ses amis violoncelliste qui disposait chez lui d'un harmonium. D'où le caractère inédit de l'instrumentation de la pièce, pour deux violons, violoncelle et harmonium. Ce dernier est, comme ici, généralement remplacé par le piano. « Suite d'agréables impressions de terroir », selon Guy Erismann, deux des morceaux sont des Allegro scherzando empruntant au folklore populaire tchèque. Dans l'un des deux, sur des pizzicatos du cello, le quatuor s'épanche dans un doux lyrisme et le violon I mène la danse. Un Tempo di Minuetto grazioso tout aussi dansant et élégiaque est teinté de nostalgie. L'Andante con moto offre une écriture en canon entre violon I et violoncelle avec une section médiane plus agitée. Le finale Poco allegro retrouve le climat allègre du début, sur un rythme de polka cette fois, nanti d'épisodes bien contrastés. Une œuvre séduisante dans la veine lyrique chère à Dvořák, magistralement jouée par nos quatre mousquetaires familiaux.

Plus originale encore est la Suite op.23 pour deux violons, violoncelle et main gauche de piano de Korngold. Il l'écrit en 1930 pour le pianiste Paul Wittgenstein, amputé du bras droit durant la Grande Guerre, et à qui l'on doit bien des compositions dont le Concerto pour la main gauche de Ravel. Compositeur prolixe, déjà enfant prodige, faisant l'admiration de Mahler, Strauss ou Puccini, Korngold occupera d'importantes fonctions dans le monde musical à Vienne, puis orientera sa carrière vers le cinéma, sous l'impulsion de Max Reinhardt. Il  deviendra vite la coqueluche d’Hollywood où il s'était installé, faute de pouvoir revenir en Autriche. En cinq mouvements, l’œuvre débute par un ''Prélude et fugue'', le prélude dévolu au seul piano qui improvise une sorte de cadence, marquée ''avec force et détermination''. Un unisson des cordes conduit à la fugue ''calme, sans traîner'', introduite par le cello, passage mêlant chromatisme et dissonances mais traversé d'ébauches de lyrisme. Le rythme se modifie à plusieurs reprises, le discours étant distribué successivement aux divers protagonistes. ''Walser'', marqué ''pas vite, avec charme'', évoque de loin une valse viennoise, car tout est ici légèrement décalé. Le piano mène les opérations jusqu'à ce que le violon I imprime sa marque, effectivement viennoise. Et tout finit dans un climat apaisé. ''Groteske'' est un scherzo très rythmé et se voulant diabolique, virant au presto impétueux. Le violon I tente de se frayer un chemin plus amène dans la frénésie sonore. Le trio, initié par le piano, offre une manière ''moderniste'' mais expressive avec l'entrée des cordes pour une sorte de chant presque tonal. À la reprise affleure un lyrisme qui peut rappeler celui de l'air de Marietta de l'opéra La Ville morte. ''Lied'', marqué ''simple et intime'', qui reprend la matière d'un des Lieder de l'op.22 du musicien, dispense gravité et intensité, ce qui contraste avec le reste de l’œuvre. Le ''Rondo'' final avec variations, où l'on perçoit des relents d'airs populaires, voit un intéressant dialogue entre les cordes arbitré par le piano, chacune des quatre voix prenant le relais, avant une coda sereine.

La famille Moreau, Edgar (cello), Raphaëlle et David (violon) et Jérémie (piano),  partage « la même éducation, la même sensibilité », comme le souligne Edgar. Ils  montrent une belle symbiose au service aussi bien d'une technique de jeu irréprochable que d'une intense musicalité. De cette dernière pièce si particulière, ils décortiquent les sonorités inattendues, les harmoniques presque inquiétantes, les dissonances assumées, les écarts rythmiques bien sentis et une poétique pas moins affirmée. Le pur plaisir de faire de la musique ensemble.

En bonus, et fort judicieusement, trois des membres de la fratrie interprètent deux airs extraits d'un opéra de chaque compositeur, dans de jolies transcriptions. Le ''Chant à la lune'' de Rusalka, au Ier acte de l'opéra éponyme de Dvořák, touchante et mélancolique invocation, voit la ligne vocale confiée au violoncelle dans le registre aigu. Le ''Lied de Marietta'', tiré de l'acte I de La Ville morte de Korngold, offre une rêverie nostalgique qu'enlumine le chant du violon sur un doux bercement du piano.

L'enregistrement, à la Ferme de Villefavard en Limousin, prodigue une image large dans le placement des quatre voix, mais intimiste et fusionnelle.

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Texte de Jean-Pierre Robert  

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Erich Wolfgang Korngold, Anton Dvořák, Edgar Moreau, Raphaëlle Moreau, David Moreau, Jérémie Moreau

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