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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : les Trios ''Les Esprits'' et ''A l'Archiduc'' de Beethoven

Beethoven Trios

  • Ludwig van Beethoven : Trio avec piano, violon et violoncelle N°5 en Ré majeur, op.70 ''Les Esprits''. Trio N°7 en Si bémol majeur, op.97 ''A l'Archiduc''
  • David Grimal (violon), Anne Gastinel (violoncelle), Philippe Cassard (piano)
  • 1 CD La Dolce Volta : LDV76 (Distribution : PIAS)
  • Durée du CD : 66 min 42 s
  • Note technique : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleue (5/5)

En cette année Beethoven meurtrie par une autre actualité détestable et finalement pas tant célébrée au disque, il est réconfortant de voir paraître celui-ci. Il présente deux chefs-d’œuvre de la musique de chambre du Maître dans des interprétations hautement pensées et magistralement exécutées.

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Pour leur premier disque en commun, la triade formée d'Anne Gastinel, David Grimal et Philippe Cassard a choisi les deux trios pour piano et cordes dits ''Des esprits'' et ''A l'Archiduc'' de Beethoven. Choix arbitraire peut-être parmi les sept pièces du cycle intégral. Pas moins pertinent cependant, eu égard à la « complémentarité entre ces deux œuvres de dimension métaphysique », estiment-ils. Sans parler du paramètre d'accroche du public pour deux pièces bien connues, ne serait-ce que par leurs sous-titres. Leur vision se veut sinon novatrice, du moins militante. En ce qu'il y a lieu de revoir, et peut-être de combattre, des clichés tenaces. D'abord, quant à l'écriture verticale et très rythmicienne de Beethoven, qui nécessiterait une débauche de motricité. Ensuite, à la faiblesse de la mélodie chez le Maître. Enfin, à la domination, dans ces trios, du piano sur ses partenaires. Pour s'en tenir à la dernière assertion, il n'est pas si sûr que la partie de piano soit dans ces œuvres si proéminente au point d'écraser violon et violoncelle. Ainsi du Trio N°5 op.70/1 ''Les Esprits''. Le Vivace e con brio voit le premier thème impérieux lancé à l'unisson travaillé brillamment mais sans ostentation ici. L'intrication des trois voix est manifeste au développement, sorte de système de variations à partir du thème, où si le clavier paraît exercer quelque suprématie, le dialogue entre violon et violoncelle n'en est pas moins aussi décisif. L'approche se défend de toute velléité de pulsation excessive. La phrase mélodieuse qui ouvre le Largo assai ed espressivo fait mentir l'autre cliché susmentionné tant elle est jouée avec retenue par les présents interprètes. Il y a même quelque tragique dans le développement qui asservit le lyrisme du thème mélancolique en le décortiquant jusqu'à ses limites expressives dans le registre grave du piano, tandis que les deux cordes assurent une assise presque angoissante. On trouve au Presto final un ersatz de mélodie dans le premier thème, un mouvement durant lequel les trois protagonistes vont se partager tour à tour la vedette.

S'agissant du Trio avec piano N°7  op.97 ''A l'Archiduc'', la nouvelle interprétation proclame « un parti pris de la couleur et de la générosité ». Certes. Et on ajoutera de raffinement instrumental et d'humilité. Un point se fait jour alors. Qu'apporte un trio de solistes (exemple Kempff, Szeryng, Fournier) comparé à un trio constitué (comme le Beaux Arts Trio) ? Nos interprètes répondent par une jolie pirouette, afin de se distinguer des deux cas de figures : la fidélité par rapport à un trio de solistes, la liberté vis-à-vis du trio constitué. Plus prosaïquement, on dira : leur patte à eux. Et elle ne manque pas d'atouts. L'Allegro moderato est pris confortable, qui effectivement ne cherche pas « à agacer les sonorités » (ibid.). D'emblée la chaleur du Ier thème et la manière dont il est ouvragé saute aux yeux et vite perçoit-on un Beethoven non monolithique, avenant plutôt. Cela chante souverainement sans dureté, notamment au piano, et le développement voit chaque instrument être traité avec égalité. L'étonnant passage où les deux cordes jouent en pizzicatos tandis que le piano disserte dans le registre aigu, qui peut paraître un brin ésotérique, est ici magistralement conçu jusqu'à sa résolution tout aussi fantastique. Le Scherzo possède une pointe d'humour comme s'il s'agissait d'un chant populaire. Le trio insinuant connaît une légère accélération, ce qui libère d'autant le climax généreux qui s'ensuit. L'Andante cantabile installe un vrai chant lyrique, initié par le piano puis repris par les deux cordes, que les présents musiciens savent appréhender en gardant la tête froide, sans « fondre » devant la « tendresse intime qui se dégage de cette musique », comme le remarque Cassard. Là encore le processus de variations transfigure le thème, d'abord avec le cello, puis avec le violon, les deux dialoguant enfin sans grandiloquence. Du finale Allegro moderato, en quoi Grimal voit « pratiquement un concerto pour piano », cliché oblige encore, on savoure la fluidité et les courbes généreuses. Chacun joue pour l'autre. L'ultime presto respire la joie de vivre et une légèreté de ton qu'on n'a pas toujours à l'esprit s'agissant de Beethoven.

Effectué à l'Arsenal de Metz, salle de l'Esplanade, l'enregistrement offre une image large dans le placement des trois voix, mais bien fusionnelle et d'un grand relief dans son immédiateté chambriste. L'équilibre piano-cordes est proche de l'idéal.

Texte de Jean-Pierre Robert 

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