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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : le piano de Ferruccio Busoni

Busoni LEnigme

  • ''L’énigme''
  • Ferruccio Busoni : Élégies BV 249 (''Nach der Wendung'', Berceuse''). Indianisches Tagebuch, BV 267. Fantasia nach JS. Bach, BV 253. Fantasia Contrappuntistica, BV 256
  • Steven Vanhauwaert, piano
  • 1 CD Éditions Hortus : Hortus 191 (Distribution : UVM) Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
  • Durée du CD : 65 min 34 s
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile grise (4/5) 

Plus connu pour ses légendaires qualités de pianiste virtuose, Ferruccio Busoni est aussi un compositeur qui mérite l'intérêt. En particulier s'agissant de sa musique de piano. Steven Vanhauwaert en propose une sélection significative, tirée de ses dernières œuvres. Révélateur.

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Maître incontesté du piano, successeur de Liszt ès virtuosité, homme très cultivé, théoricien de la musique et personnalité singulière, Ferruccio Busoni (1866-1924) est un compositeur atypique, méconnu, mis à part peut-être son opéra inachevé Doktor Faust, donné naguère à Salzbourg, Lyon et au Châtelet à Paris. Se défiant des diverses écoles de son époque, il vise à instaurer une nouvelle esthétique. Son langage harmonique singulier fait fi des règles strictes régissant les tonalités et préconise l'abandon des structures traditionnelles. Mais il s'appuie fermement sur le contrepoint. Il en transparaît souvent un sentiment d'improvisation. Alfred Brendel, un de ses plus constants et ardents défenseurs, loue « un esprit universel », chez qui « le côté faustien de son intellect qui lui rend familière la mélancolie de la solitude, est contrebalancé par une supériorité sereine, une noble ironie et un abandon total au mystère éthéré de tout ce qui est gracieux » (in ''Réflexions faites'', Buchet Chastel, 1979). Plus qu'une ''Énigme'', sa musique confiée au piano ouvre des perspectives autres, où une extrême virtuosité recouvre en fait « une réconciliation entre le classique et le romantique, le constructeur et l'improvisateur, le révolutionnaire et l'aristocrate, l'esthète et le mystique, le magicien et le comédien » (ibid.)

Les Élégies, BV 249, de 1908, sont un exemple du style visionnaire de Busoni. Comme le montrent les deux pièces choisies ici. La N°I ''Recueillement'' instaure un climat de mystère par des harmonies comme suspendues. La N°VII ''Berceuse'' est plutôt une ballade dans un univers merveilleux presque charmeur grâce à l'usage de la pédale pour prolonger des sons qui envoûtent. On a relevé que le traitement de la pédale est d'ailleurs une des manifestations les plus spécifiques de l'art de Busoni. Le caractère lancinant de la fin du morceau revient à l'idée de berceuse. La Fantaisie d'après JS. Bach, BV 253, de 1909, est un vibrant hommage au Cantor auquel il vouait un véritable culte. À travers plusieurs de ses chorals, ce qui construit les diverses séquences de la pièce. Le langage saisit fidèlement la pensée de Bach, quoique ''arrangée'' avec sa propre palette harmonique, notamment dans l'extrême grave du piano. L’œuvre intitulée Indianisches Tagebuch I (Livre journalier indien), des années 1913/1914, est un ensemble de quatre morceaux inspirés de chansons indigènes nord américaines, mélange de manière folklorique et de langage très busonien, paradoxalement moins ''moderne'' que les autres pièces de piano contemporaines. ''Allegro affetuoso, un poco agitato'' offre une écriture en apparence lisse, vite traversée d'arêtes vives. ''Vivace'' est lesté de notes piquées de plus en plus rapides dans un discours étrange. ''Andante'' est liquide et avenant. Enfin ''Maestoso ma Andando'', autre hommage à Bach, voit l'étrangeté modeler le débit vers de grands accords flattant l'extrême grave du piano.

Une des œuvres les plus emblématiques de Busoni est sans conteste la Fantasia Contrappuntistica, BV 256, de 1910. Issue d'un travail d'édition de L'Art de la fugue de Bach, il s'agit de la fameuse quadruple fugue du Contrapunctus XIV. Elle est constituée ici de 12 pièces enchaînées, dont une pièce initiale ''Preludio corale''. « Monumentale fusion de la thèse et de l'antithèse, du contrepoint et de la fantaisie, de Bach et de Busoni », relève Alfred Brendel qui remarque encore : « un raffinement insoupçonné du son pianistique s'y allie à une indépendance baroque vis-à-vis des timbres ». Ce ''Preludio corale'' offre une écriture rampante où les registres semblent très indépendants, grave hiératique, main droite flottant dans l'aigu, moyennant le traitement si particulier de la pédale. Les ''Fuga I, II & III'' voient se succéder les harmonies les plus étranges, les techniques les plus avant-gardistes. On sait la ''Fuga III (sur le nom de B A C H)'', être un parangon d'extrême difficulté d'exécution. Un passage ''Intermezzo'' semble détendre l'atmosphère. Les ''Variazione I, II & III'' poussent le processus vers des tonalités incertaines avec des ruptures de rythme et de dynamique. Des trouvailles d'écriture étonnantes en renouvellent l'intérêt. La ''Cadenza'' reprend un cours ''plus classique'' pour installer la ''Fuga IV'' bardée d'envolées particulièrement insolites dans les extrêmes, dont des grondements dans le grave. ''Corale'' et ''Stretta'' concluent majestueusement une œuvre décidément hors norme.

Le jeune pianiste belge Steven Vanhauwaert vainc ce maelström haut la main, dépassant les pures exigences techniques, grâce à une rare maîtrise de l'ambitus requis comme des innombrables nuances, et un jeu de couleurs sans cesse renouvelé. Il démontre ce que dit encore Brendel : « le jeu pianistique de Busoni illustre le triomphe de la réflexion sur la virtuosité ». Il s'en dégage effectivement ici encore un sentiment d'improvisation. Car selon Busoni, cité par Brendel, « la musique est un théâtre de la surprise, de l'invention et de l'improvisation apparente ». Il en va de même de la qualité superlative de l'interprétation des autres morceaux de ce programme vraiment révélateur de l'art du piano chez Busoni.

L'enregistrement, dans une église en Belgique, procure un son très proche, presque chambriste, sans doute en accord avec la conception intimiste de l'interprète. On savoure la belle résonance du Steinway Grand D. Une prise de son qui semble également défier l'étiquette de pure virtuosité souvent accolée à la musique de piano de Busoni.

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Texte de Jean-Pierre Robert 

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