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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Isabelle Faust illumine Schoenberg

Arnold Schoenberg

  • Arnold Schoenberg : Concerto pour violon et orchestre op.36. Nuit transfigurée, op.4
  • Isabelle Faust, Anne Katharina Schreiber, violon, Antoine Tamestit, Danusha Waskiewicz, alto, Christian Poltera, Jean-Guihen Queyras, violoncelle (Nuit)
  • Orchestre de la Radio suédoise, dir. Daniel Harding (Concerto)
  • 1 CD Harmonia Mundi : HMM902341 (Distribution : PIAS)
  • Durée du CD : 63 min 12 s
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5)

La violoniste Isabelle Faust est décidément à l'aise dans les répertoires les plus divers. Elle propose, cette fois, une double incursion dans l'univers fascinant de Schoenberg. Les deux œuvres réunies sur ce CD, La Nuit transfigurée et le Concerto pour violon sont si différentes qu'on a pu se demander si le même musicien en était l'auteur. Voilà un couplage qui fait sens, sinon idéal, par des interprètes de haute lignée.

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Pour le compositeur Oscar Strasnoy, auteur de la passionnante plaquette du disque, ces deux œuvres « représentent deux pôles d'une vie tiraillée entre Romantisme et Classicisme ». Un monde les sépare et la plus ''moderne'' n'est peut-être pas celle qu'on croit, si on s'en tient à la pure chronologie. Le Concerto de violon op.36, écrit en 1936, est presque plus classique, malgré sa forme de composition dodécaphonique, que Verklärte Nacht, op.4 de 1899. Il y a selon Strasnoy une rigueur classique dans son architecture stricte de forme ternaire. Et une diversité, une brillance évocatrices de la plume d'un musicien jeune d'esprit. Ainsi en est-il du Poco allegro, empli d'une étonnante énergie et muni d'une cadence élaborée, suivie d'une reprise par l'orchestre dans une manière rappelant ses illustres prédécesseurs, jusqu'à une fin presque tonale. À l'Andante grazioso, le violon introduit un chant confident tandis que l'accompagnement orchestral apporte une note plus sombre. Le discours se diversifie sur le mode de la variation, usant de tout le spectre de l'instrument soliste et des techniques les plus complexes. L'échange entre violon et orchestre, souvent à travers des solos de bois, ménage des séquences extrêmement variées. Le finale Allegro offre une dynamique plus soutenue et un tempo ample qui évolue brillamment aux cordes avec interventions des cuivres et des percussions, la caisse claire en particulier. L'entrée du violon n'en est que plus singulière. Sa partie se déploie d'abord joyeuse, nantie de sauts d'intervalles vertigineux, puis s'aventure en terrain plus intimiste lors de la courte cadence et dans le registre pianissimo. La péroraison est marquée par un effet d'explosion de fiers accords jusqu'à un abrupt point d'orgue. Isabelle Faust privilégie rigueur et retenue. Déjouant avec maestria la complexité de l’œuvre pour la mettre à portée d'oreille. Et ne mésestimant pas les « grands gestes romantiques » qu'elle recèle. La sonorité est extrêmement différentiée à ce dernier égard. L'Orchestre de la Radio suédoise entre les mains de Daniel Harding lui confectionne un écrin idoine.

La Nuit transfigurée op.4, composée en 1899, donnée ici dans la version originale pour sextuor à cordes (deux violons, deux altos, deux violoncelles), appartient à la musique à programme. En l’occurrence le poème éponyme de Richard Dehmel narrant le sort d'une femme avouant à son compagnon que l'enfant qu'elle porte n'est pas de lui, et ce dernier acceptant d'en assumer la paternité. Sorte d'opéra sans paroles, ses cinq sections enchaînées épousent les cinq strophes du poème. Elle est d'un romantisme tardif, développant un atonalisme libre. Le premier mouvement, ''Sehr langsam''/Très lent introduit le climat général de la pièce, depuis un lointain pianissimo, jusqu'à une lente montée en puissance décrivant l'angoisse de la femme, traversée de bouffées de calme. ''Breiter''/Plus large marque une nouvelle dramatisation du discours jusqu'à un climax et une étape de faux calme créant l'attente. ''Sehr betont''/Bien sonore, est traversé d'accords appuyés, bien marqués ici, car tout semble basculer dans l'incertain. La section suivante inaugure une phase lyrique, celle où l'homme réconforte la femme et lui parle de la ''chaleur ardente'' qui ''va transfigurer l'enfant de l'étranger''. Elle est jouée ici comme immatérielle et on perçoit comme la voix de l'homme presque douce, en tout cas emphatique. L’œuvre se conclut calmement dans une harmonie retrouvée entre deux êtres qui se sont trouvés : ''S'embrassant, leurs souffrances se mêlent dans les airs'', et tout s'enfonce peu à peu dans un silence lumineux. Ce dernier adjectif est nul doute le mot clé de l'interprétation, techniquement magistrale, par une brochette de musiciens solistes de renom réunis par Isabelle Faust. Elle est surtout pourvue d'une singulière force expressive dans son apparente simplicité, sachant prendre ses distances vis-à-vis d'un romantisme qui serait trop appuyé. Le rendu sonore est somptueux eu égard à la délicatesse du trait comme au dosage soigné de la dynamique.

Les prises de son sont fidèles aux choix interprétatifs. Le sextuor à cordes privilégie une acoustique chambriste avec un magistral équilibre entre les groupes de voix, et en même temps aérée (Teldex Studio Berlin). Le concerto est saisi dans une ambiance plus proche, et en comparaison moins ouverte, de salle de concert (Berwaldhallen, à Stockholm), ménageant une balance violon-orchestre satisfaisante, même si la soliste est avantagée au premier plan.

Texte de Jean-Pierre Robert

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