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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : deux clarinettes d'exception

Double Michel Portal Paul Meyer

  • ''Double''
  • Carl Stamitz : Concerto pour clarinettes N°4 en si bémol majeur
.
  • Georg Philip Telemann : Concerto en ré mineur pour deux Chalumeaux. Sonate en mi mineur
  • Piotr Iliych Tchaikovski : Herbtslied pour clarinette et quatuor à cordes (arrangement pour orchestre à cordes de Toru Takemitsu)
  • Felix Mendelssohn : Konzertstück N°1, op.113. Konzertstück N°2 , op.114
  • Carl Philipp Emanuel Bach : Duo pour clarinettes en do majeur
  • Michel Portal, Paul Meyer, clarinettes
  • Orchestre royal de chambre de Wallonie, dir. Paul Meyer
  • 1 CD Alpha : Alpha 415 (Distribution : Outhere Music) www.outhere-music.com
  • Durée du CD : 65 min 16 s
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rouge (5/5)

La rencontre entre clarinettistes et compositeurs a de longue date fertilisé la musique : ainsi d'Anton Stadler et de Mozart ou de Richard Mühlfeld et de Brahms, et plus récemment de Michel Portal et de Boulez ou de Paul Meyer et de Penderecki. Lorsque ces deux derniers instrumentistes s'unissent, semble-t-il pour la première fois au disque, cela produit aussi de beaux fleurons. Le florilège de pièces réunies sur ce disque est une belle leçon de musique, au plus haut point divertissante : 65 minutes de pur bonheur !

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Le programme est l'expression d'une vraie amitié musicale faite d'admiration partagée. On ne présente plus Michel Portal, champion incontesté de la clarinette. Paul Meyer est un brillant instrumentiste et aussi chef d'orchestre, singulièrement celui de chambre de Mannheim, la ville dont Mozart appréciait tant les clarinettistes. Joli clin d’œil. Les œuvres choisies sont tirées du répertoire de cette formation à l'époque pré-mozartienne. Ainsi de Carl Stamitz (1745-1801), violoniste dudit orchestre. Son Concerto pour clarinette N°4 en si bémol majeur a vraisemblablement été créé à Paris au Concert Spirituel, dans les années 1770, par le clarinettiste virtuose Johann Joseph Beer et lui-même au violon. Il est donné ici pour deux clarinettes. Ses trois mouvements associent un Allegro joyeux et contrasté offrant de savoureux duos solistes et une brève cadence imaginative, un Andante moderato, proche de Mozart de par son style sérénade, avec une jolie cadence en répons, enfin un finale Tempo di Minuetto dansant et léger, ménageant la même conversation raffinée que dans le reste de la pièce. Carl Philipp Emanuel Bach écrit en 1770 son Duo pour clarinettes en do majeur, conçu pour une horloge musicale dit-on. Ses deux volets procurent à des interprètes de chair et de sang matière à briller. A l'Adagio sostenuto, l'intensité des deux timbres permet un dialogue d'une profonde originalité dans le traitement instrumental, l'un complémentant l'autre. Un Allegro bien allant conclut, riche de rebondissements.

Au sein de la pléthore d’œuvres composées par Telemann à Hambourg, les pièces destinées à la clarinette, ou plus exactement à son ancêtre, le chalumeau, tiennent une place particulière. Tel le Concerto en ré mineur pour deux chalumeaux. Ses quatre mouvements suivent le schéma lent-vif-lent-vif. Il s'ouvre par un Largo d'une belle douceur, un brin mélancolique dans l'accompagnement du ripieno. Le jeu des deux solistes dans le grave de l'instrument pousse à la profondeur. L'Allegro qui suit contraste par son ressort, le ripieno mettant en valeur le roucoulement des deux solistes. Un Adagio poursuit un moment de réflexion intense, comme suspendu dans le temps et l'espace. Le finale Vivace conclut brièvement sur une note aimable et gaie. La Sonate en mi mineur, sans basse, de 1727, procure la même sensation charmeuse. Conçue pour 2 flûtes traversières ou 2 violons, elle peut également être jouée avec des clarinettes. Portal et Meyer la donnent en utilisant les mêmes chalumeaux que dans le concerto. Ses quatre mouvements alternent un Largo conçu tel un dialogue confident, un Allegro plus vif, un Affettuoso entraînant l'auditeur dans une sorte de douce rêverie, notamment dans de suaves unissons et des échanges effectivement affectueux. Tandis que le Vivace final relève le propos dans une amusante course poursuite des deux solistes. En guise d'intermède, on a inclus une pièce de Tchaïkovski, Herbstlied pour clarinette et quatuor à cordes (Lied d'automne). Qui est jouée ici dans une transcription pour deux clarinettes et orchestre à cordes, due à Toru Takemitsu. C'est un adagio typiquement dans le style de l'auteur d’Eugène Onéguine, auquel la sonorité mordorée de la clarinette de Paul Meyer apporte une aura de nostalgie à travers tout le spectre de l'instrument, lequel s'épanche comme le ferait un chanteur.

Mendelssohn a écrit ses deux Morceaux de concerts pour clarinette à l'intention de Heinrich Baermann, le clarinettiste de Weber. Encore une rencontre musicale fructueuse. Le Konzertstück N°1 op.113 a été créé par celui-ci et son propre fils Carl. L'Allegro con fuoco est bien allant comme il en est toujours chez Mendelssohn, qui flatte les deux solistes de beaux traits. L'Andante renchérit sur le ton de la cantilène, les solistes évoluant sur un accompagnement en pizzicatos. Enfin, le Presto est opératique et paré de pirouettes des deux compères : un morceau d'une immédiate séduction et d'une virtuosité agréablement maîtrisée. Le Konzertstück N°2 op.114 offre pareille félicité. Un Presto entame cette deuxième partition, démonstratif, magistralement distribué à chacune des deux voix, là encore dans un discours à la façon d'un opéra. L'Andante poursuit le chant entre les deux partenaires. Et tout finit par un Allegretto grazioso pimpant, de la meilleure veine mendelssohnienne, dans de beaux enroulements de traits et une coda éclatante d'esprit.

C'est peu dire que Michel Portal et Paul Meyer communiquent à chaque instant leur passion musicale. Sonorités envoûtantes, couleurs lumineuses, limpidité du trait, rigueur toute en souplesse, grâce à une grande sensibilité, tout ici est de l'ordre du sublime. L'art souverain de deux grands de la clarinette est là : l'immense Portal, homme protée de l'instrument, depuis ses débuts dans le classique jusqu'à sa passion pour les œuvres de ses contemporains les plus avant-gardistes, génial improvisateur, éternel passionné, en somme ; le magistral Meyer, fondateur des Vents français, fin défenseur de ce répertoire, lui aussi tombé dans le pot de la musique de chambre puis d'orchestre, partenaire recherché par ses pairs. Leur réunion, nullement improbable, tient presque du miracle tant leur jeu est tout d'évident naturel, au-delà de l’appellation même de virtuosité. Morceau après morceau, on savoure l'idéale fusion de deux timbres solaires, de deux techniques éprouvées : la musique vraie, sans fard.

D'autant que l'enregistrement, à Mons, offre une prise de son d'un parfait naturel, les deux voix bien différentiées et le rapport solistes-orchestre proche de l'idéal.

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Texte de Jean-Pierre Robert  

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