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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Fauré et ses poètes

Faure et ses poetes

  • Gabriel Fauré : Choix de mélodies sur des poèmes de Victor Hugo, Charles Baudelaire, Théophile Gautier, Louis Pomey, Marc Monnier, Sully Prudhomme, Romain Bussine, Paul de Choudens, Armand Silvestre, Charles-Marie Leconte de Lisle, Auguste Villiers de l'Isle-Adam, Paul Verlaine, Jean Richepin, Molière, Albert Samain, Catulle Mendès, Jean Dominique (pseud. de Marie Closset), Henri de Régnier
  • Marc Mauillon (ténor), Anne le Bozec (piano)
  • 1 CD Harmonia Mundi : HMM 902636 (Distribution : PIAS)
  • Durée du CD : 74 min 11 s
  • Note technique : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleue (5/5) 

Excellente initiative que de célébrer les poètes mis en musique par Fauré dans ses mélodies. Témoin du renouveau poétique français dans la dernière partie du XIXème siècle et au début du XXème. Marc Mauillon et sa pianiste Anne le Bozec optent pour un parcours chronologique d'une trentaine de titres, puisés parmi les mélodies isolées. Un passionnant cheminement où littérature et musique ne font qu'un, surtout dans les magistrales lectures de ce duo.

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Dans son imposant corpus de mélodies, qui s'étale de 1861 à 1921, Gabriel Fauré a choisi de mettre en musique les poètes de son temps. Le meilleur du musicien, selon Ravel pour qui « la déclamation fauréenne parvient à surprendre la musique fugace du français ». La grande diversité de ces poètes et le choix de ceux-ci au fil du temps traduisent une évolution dans son langage que les deux interprètes décrivent comme « un enchantement », au même titre que « l'éloquence de la musique et son union sensuelle au texte ». Le jeune Fauré se tourne d'abord vers Victor Hugo et Les chants du crépuscule (1835). Son premier opus sera ''Le Papillon et la fleur'', de style romance et d'une belle vivacité rythmique (1861). Puis ce sera Baudelaire et Les fleurs du mal, représentées ici par ''Chant d'automne'', où se fait jour un changement vers un style plus expérimental. Là où la complexe prosodie baudelairienne ne laisse a priori que peu d'espace à une mise en musique, Fauré en restitue le caractère sombre dans la basse du piano. Chez Théophile Gautier, il trouve des textes aptes à mettre en valeur le chant de la dédicataire Pauline Viardot : ''La chanson du pêcheur'' op.4/1, déjà visitée par Berlioz dans Les Nuits d'été, exhale la mélancolie dans la manière presque d'une aria d'opéra. ''Tristesse'', sur un style de valse lente, introduit un saisissant contraste.

La rencontre avec la célèbre cantatrice conduit Fauré à s'intéresser aux poètes qui fréquentent son cercle amical, comme Romain Bussine. Dans ''Après un rêve'' op.7/1 (1877), on est séduit par la magie d'une ligne vocale sinueuse sur un accompagnement chaleureux du piano. Un des premiers chefs-d’œuvre de Fauré. De Sully Prudhomme, il met en musique ''Au bord de l'eau'', une merveille d'harmonie sur un texte marqué par la répétition de verbes : passer, glisser, s'enlacer, s'adorer, etc. De ''Les Berceaux'' émane un fort sentiment de tristesse du chant sur un accompagnement pianistique ondoyant. Admirée par Ravel qui y voyait « une chose étonnante et profonde », on y trouve déjà les inflexions typiques de Fauré. Puisées cher Leconte de Lisle, ce sont ''Les roses d'Ispahan'' op.39/4 (1884) et son délicat exotisme, ou ''La Rose'' (1890) où le contre-chant du piano enlace la voix. Fauré s'intéresse aussi à des poètes moins en vue, comme Armand Silvestre. ''Secret'', « l'un des plus beaux Lieder de Fauré... d'une émotion poignante », selon Ravel, exhale quelque flamme intérieure d'une douce poétique dans un tempo lent sur des accords plaqués du piano. ''Aurore'' (1884) apporte douceur vocale et fluidité pianistique. On compte aussi Villiers de L'Isle-Adam avec ici le mystérieux ''Nocturne'' op.43/2 (1886), dont le chant se loge dans le bas du registre de ténor, le baryton Martin avant l'heure.

Faure MarcMauillon AnneLeBozec 
Marc Mauillon & Anne Le Bozec ©DR 

Avec Verlaine, on est au cœur de la poétique fauréenne. Dans Les fêtes galantes, le musicien retient plusieurs poèmes, autant de tableaux de Watteau enluminés par son art suprême de la modulation. Chef-d’œuvre de pudeur musicale comme de pure poésie, ''Clair de lune'' (1887) envoûte l'auditeur comme sans doute ses interprètes dont on admire le tact et la retenue. La sublime ''Mandoline'', avec ses ''donneurs de sérénades'' aux ''belles écouteuses'', combine séduction d'une partie vocale se détachant ou planant sur un piano d'une extraordinaire beauté. Avec ''En sourdine'', la nostalgie se fait poésie, vers ''l'extase langoureuse'', emblème de la mélodie française. À la même époque, Fauré emprunte à Jean Richepin ''Larmes'', marquée par sa facture opératique, car conçue pour un ténor en vue, en apparence primesautière au piano, quoique d'une exécution délicate. Et ''Au cimetière'', plus dépouillée par comparaison. En 1894, Fauré découvre Au jardin de l'infante d'Albert Samain. Il en tire les mélodies ''Soir'' (1894) ou la passion sous l'apparente douceur, et plus tard, en 1902, ''Accompagnement'' op.85/1 qui en épouse au plus près la poétique symboliste : ''ma barque glisse dans le rêve'' et ''mon âme s'effeuille en sanglots''. On trouve encore des pièces inspirées de Catulle Mendès, figure littéraire marquante du début du XXème siècle, ou de la poétesse belge Marie Closset, dite Jean Dominique, dans l'op.92 ''Le Don silencieux'' d'une totale liberté dans la ligne mélodique, un exemple du dernier Fauré.

Toutes ces mélodies, Marc Mauillon les aborde avec le souci d'une vocalité qui « se veut plurielle et volontairement naturaliste ». Une approche qui vise divers types de voix, au demeurant voulue par Fauré, et que lui permet son timbre de ténor voisinant avec le baryton, et comme déjà signalé : le baryton Martin. Car si ce chanteur est un des interprètes de choix du répertoire pré-baroque, depuis qu'il fut lauréat, en 2002, du Premier ''Jardin des voix'' de William Christie, il est tout autant à l'aise dans celui français du XXème, du rôle de Pelléas par exemple. Aussi utilise-t-il aussi bien le timbre clair de ténor et une émission éclatante dans l'aigu, à l'occasion fort généreuse, qu'une couleur plus sombre dans le bas du registre. Tout en gardant dans les deux cas une extrême ductilité de la ligne de chant. L'interprétation est sans fard, l'émotion contenue, le dire toujours empreint de retenue comme d'élégance. Il est le passeur de ces textes et musiques sans afféterie aucune. Lui répond le piano enamouré d'Anne Le Bozec qui déploie une large palette de nuances et complémente une association qui a déjà produit bien des réussites. Pour citer encore le duo, « le répertoire des mélodies fauréennes » résonne « comme une évidence, comme une randonnée côte à côte où les paysages se contemplent en silence ».

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Cette symbiose, on la vérifie aussi bien à la qualité de l'enregistrement effectué à la Ferme de Villefavard. Qui offre une parfaite intégration voix-piano, ce dernier enveloppant celle-là. L'image sonore est on ne peut plus séduisante.

Texte de Jean-Pierre Robert 

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