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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Les Essentiels ON-Mag – Les Symphonies 4 & 5 de Beethoven par Harnoncourt

Symphonies Beethoven Harnoncourt

La rubrique CD s’ouvre chaque vendredi à des disques déjà parus que la revue considère comme indispensables pour leur qualité musicale et technique.

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  • Ludwig van Beethoven : Symphonie N°4 op.60. Symphonie N°5 op.67
  • Concentus Musicus Wien, dir. Nikolaus Harnoncourt
  • 1 CD Sony classical : 88875136452 (Distribution : Sony Music Entertainment)
  • Durée du CD : 76 min 29 s
  • Parution : mars 2016
  • Note technique : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleue (5/5) 

Nikolaus Harnoncourt avait commis le projet de réenregistrer l'ensemble des symphonies de Beethoven avec son Concentus Musicus Wien. Il n'aura pu le mener à son terme. Voilà sans doute deux exemples d'un travail approchant de près le ''dernier mot'', offrant la fraîcheur et la spontanéité du concert, les deux symphonies ayant été captées live au Musikverein de Wien en mai 2015. Indispensable ! 

Rarement aura-t-on entendu autant creuser l'écart dynamique - des forte retentissants, des pianissimos comme caressés, des crescendos fièrement montés -, autant pousser la rythmique aussi loin, faisant ressentir la pulsation même. Alors que le marquage de mesure n'a que peu à voir avec une rigueur métronomique, rappelle le chef. Et autant vu scruter le texte dans ses moindres recoins : de chaque mouvement, de chaque phrase, de chaque accent, pour en libérer le sens premier. Ajouté à cela, la patine des instruments du Concentus Musicus livrant des exécutions plus que magistrales, loin d'être ''old fashioned''. On tient là des versions de référence dans le domaine de l'exécution sur instruments d'époque.

La Quatrième Symphonie op.60 débute par une introduction adagio très lente, évoquant une sorte de chaos initial, comme celui de La Création de Haydn, précise le maître. Le surgissement du tutti en apparaît encore plus éclatant. Avec l'Allegro vivace commence cette « droite ligne qui va jusqu'à la fin de l'œuvre ». L'aspect dansant souvent mis en avant, par Simon Rattle en particulier, cède le pas ici à une scansion qui peut frôler le martèlement. Les derniers accords seront secs, abrupts. L'Adagio est pris à un rythme soutenu. Comme le Scherzo est mené à vive allure avec un impulse progressant sans rémission. Le Trio offre quelque rusticité que la sonorité perçante du hautbois viennois pare d'une agréable note claire. Et la reprise est, s'il est possible, encore plus véhémente. Muni d'une articulation très appuyée, l'Allegro ma non troppo final marque la différence avec bien des interprétations, non pas tant en termes de tempo que d'articulation. Harnoncourt libère une énergie interne contagieuse, le développement se faisant de plus en plus rapide jusqu'à une série d'accords répétés très secs, quasi frénétiques. À la coda, la montée en puissance est proprement irrésistible, les tuttis mêlés jusqu'à marquer comme un point d'arrêt, et les accords terminaux sont là encore abrupts. Harnoncourt s'est expliqué sur cette manière d'asséner les accords conclusifs.

Il en va ainsi de ceux terminant la Cinquième Symphonie op.67. Harnoncourt prévient quant au début de l'œuvre : c'est ici bien autre chose que « ta ta ta taa... », qui « n'est pas un thème ». Une entame preste et brillante, formidablement articulée là encore, pour le Con brio, chaque silence déclenchant une nouvelle salve. Que le chef tire avec une rare vitalité. Cela bombarde de partout lors du tutti central. Et soudain la mélopée du hautbois solo semble donner le signal du répit. Une pause de courte durée car la péroraison se vit comme une série de décharges où les vents ont leur part dans ce rythme fou. L'Andante con moto est « comme une prière... un désamour qui passe », caractérisé par l'alternance de forte assénés et de phrases s'enroulant aux cordes pour laisser les bois distiller leur petite musique sereine. Les cors de l'Allegro suivant tranchent sur un début de discours pianissimo et cela progresse solidement, les traits de violoncelles, placés à gauche de l'échiquier en contrepoint des altos, ferraillant fort. Aux passages ppp fait écho la déclamation des cors. Harnoncourt joue la reprise ici par souci d'architecture, « comme un flash back de cinéma », dit-il. La transition piano est fascinante : pizzicatos des cordes aiguës, interrogations des instruments graves, contrepoint des cors jusqu'à l'attaca intervenant après un bref crescendo pour ouvrir le finale. Celui-ci est glorieux, c'est peu de le dire, soulevé par une force tellurique qui conjugue une dynamique extrêmement large et un choix de tempos des plus étudiés. La coda se déploie tel un feu dévastateur qu'accentuent des cuivres  resplendissants. Quel souffle ! On a envie de crier, comme les auditeurs de décembre 1808, « Vive l'empereur ! ». Qu'on ne se méprenne pas : il ne s'agit pas d'une lecture ''à la prussienne''. Tout le contraire : rien d'une quelconque forme de pression, mais une vision d'énergie asservie à une idée de grandeur.

Ces interprétations sont servies par un orchestre transcendé dont le raffinement instrumental est un modèle. La sonorité des instruments d'époque apporte une  couleur particulière et une indiscutable aura. Il est intéressant de noter qu'outre le quatuor à cordes classique, Harnoncourt ajoute deux violone, et au chapitre de la petite harmonie, un flageolet. Il est certes pléthore de versions discographiques de ces symphonies. Et pour s'en tenir à celles jouées sur instruments d'époque : Harnoncourt lui-même dans son intégrale avec le Chamber Orchestra of Europe (Teldec), ou John Eliot Gardiner et son Orchestre Révolutionnaire et Romantique (Archiv). Celle-ci pourtant sort du lot et reste indispensable assurément !

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La captation live au Musikverein de Vienne en 2015 propose une image large et aérée. La restitution dynamique use d'un large spectre, dont des pianissimos d'une remarquable présence, en parfaite adéquation avec les nuances imposées par l'interprétation. L'étagement des plans est particulièrement étudié, dont les pupitres des bois.

Texte de Jean-Pierre Robert

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