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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Les Essentiels ON-Mag – Anne Sofie von Otter chante la douce France

Anne Sofie Von Otter

Depuis le confinement, la rubrique CD s’ouvre chaque vendredi à des disques déjà parus que la revue considère comme indispensables pour leur qualité musicale et technique. 

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  • ''Douce France''
  • Mélodies de Reynaldo Hahn, Camille Saint-Saëns, Gabriel Fauré, Maurice Ravel, Claude Debussy, Charles Martin Loeffler
  • Chansons de Barbara, Norbert Glanzberg, Léo Ferré, Francis Lemarque, Mános Hadjidakis, Michel Legrand, Joseph Kosma, Léo Chauliac & Charles Trenet, Georges Moustaki, Reynaldo Hahn, Louiguy & Marguerite Monnot, Jean Lenoir, sur des arrangements de Per Ekdahl, Carl Bagge, Bengan Janson & Margareta Bengtson
  • Anne Sofie von Otter, mezzo-soprano
  • Bengt Forsberg (piano), Antoine Tamestit (alto)
  • Per Ekdahl (percussion), Carl Bagge (piano), Mats Bergström (guitare), Olle Linder (basse), Bengan Janson (accordéon), Margareta Bengtson (voix et harpe), Karl Olanderson (trompette), Magnus Wiklund (trombone), Ulf Forsberg, Anders Jakobsson (violon), Malin Broma (alto), Kati Raitinen (violoncelle)
  • 2 CD Naïve : V 5343 (Distribution : Believe Group)
  • Durée des CDs : 50 min 55 s + 54 min 56 s
  • Parution : octobre 2013
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rouge (5/5)

Cette double anthologie démontre à l'envi que la frontière est finalement bien ténue entre mélodie savante et chanson populaire. Anne Sofie von Otter aime croiser les genres, en musique française notamment, et son habileté à passer d'un répertoire à l'autre est confondante. D'autant que le choix opéré est exhaustif des mille trésors de chacun d'eux. Un album à chérir.

Plusieurs compositeurs du XXe siècle se sont essayés aux deux genres vocaux. Il n'est que de penser à Francis Poulenc, Georges Auric, et surtout à Reynaldo Hahn. À l'inverse, plus d'un grand de la chanson est allé cueillir ses textes en territoires littéraires, Ferré par exemple avec Apollinaire. Le premier CD offre un bouquet de mélodies à la tonalité mélancolique, s'aventurant en territoires peu connus. Telles ces pièces de Charles Martin Loeffler (1861-1935), proches de la manière de Fauré, où la présence de l'alto aux côtés du piano apporte une saveur singulière. Ainsi de cette bien curieuse ''Sérénade'', bercée au son des pizzicatos de l'instrument à corde figurant la mandoline, où il est question, dans les vers de Verlaine, d'une ''chanson cruelle et câline''. Tout n'est que beauté dans les mélodies que Sofie von Otter a choisies chez Reynaldo Hahn, habitées de langueur (''L'Heure exquise'') ou du ton primesautier d'un Charles d'Orléans (''Quand je fus pris au pavillon''). Les Chansons de Bilitis de Debussy, où la diseuse est si proche de Mélisande et de son indicible  nostalgie, la montrent manier l'art des choses dites à demi (''La Flûte de Pan''), traduire l'abandon sensuel et le désir ardent (''La Chevelure''), ou poser l'énigme poétique (''Le Tombeau des Naïades''). La manière de la chanteuse fuit l'effet et la diction est rien moins qu'exemplaire. Comme dans les deux mélodies de Ravel sur le mode antique, dont l'une emprunte à la joliesse du style ancien d'un Clément Marot (''D'Anne jouant de l'espinette''). Ou encore dans les pièces de Saint-Saëns : l'abandon  de ''Si vous n'avez rien à me dire'' (Hugo), la justesse de ton de l'arrangement palpitant de la ''Danse macabre'' pour voix, piano et alto, ce dernier apportant un supplément inquiétant à une interprétation vocale emplie d'esprit sarcastique. Enfin, dans ce seul Fauré, mais de poids, ''Le Secret'', discrète déploration de la séparation, inspirée de Verlaine. L'alchimie du mot et de la musique est suprême et la chanteuse ne cherche pas à s'affranchir des limites du territoire de la mélodie, se refusant à toute forme d'éloquence excessive. Ce qui conserve à ces pièces leur juste caractère intimiste. Leur écriture pianistique est souverainement habitée de poésie par Bengt Forsberg, l'accompagnateur et ami de toujours.

Comme révélé dans son disque ''Love Songs'' de et avec Brad Meldau, Anne Sofie von Otter est tout autant chez elle dans l'univers singulier et plus libre de la chanson populaire. Certes, abordées par une voix formée au ''classique'', ces vignettes évoquent plus la nostalgie, un brin intellectuelle, que la joie simple qu'y instillaient un Trenet ou un Montand. Mais comment résister au charme ensorcelant, à l'art de la demi-teinte, et surtout au ton vrai qu'y met l'interprète. Son ''A Saint-Germain-des-Prés'' de Ferré est une merveille de goût. Elle ennoblit ''Le Pont Mirabeau'' où ici la voix est entourée du violon et de l'accordéon. ''Douce France'', de Trenet, finement agrémentée dans le présent arrangement, offre une nonchalance bien différente de celle de son interprète fétiche, pas moins convaincante. ''Boum'' a de l'esprit, une autre forme de fantaisie. ''La vie en rose'' n'a, bien sûr, pas la gouaille qu'y mettait Piaf, mais von Otter transfigure la chanson avec une rare distinction dans l'élocution, le mot murmuré comme dans la mélodie savante. Là où le touche-à-tout Reynaldo Hahn se laisse aller à une veine plus légère, ''Chanson d'automne'', donnée par la chanteuse entourée de quatre cordes, est élevée au rang de morceau de choix. Les divers arrangements, pour la plupart de Per Ekdahl, sont judicieux et enveloppent la voix d'un halo chaleureux.

Côté technique, les mélodies ressortissent à une image d'un étonnant relief : présence de la voix comme du piano dans une remarquable symbiose. Rarement a-t-on ressenti le sentiment d'être autant dans le partage avec les deux interprètes. Pour ce qui est des chansons, a été adoptée une prise de son façon cross over, dans une ambiance de cabaret ponctuée de la basse, et la voix très présente. 

Texte de Jean-Pierre Robert     

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