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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Der Freischütz de Weber

Weber Der Freischutz 

  • Carl Maria von Weber : Der Freischütz, opéra romantique en trois actes. Livret de Johann Friedrich Kind, d'après un conte populaire germanique
  • Dialogues originaux remplacés par des narrations écrites et dirigées par Katharina Wagner et Daniel Weber
  • Andreas Schager (Max), Lise Davidsen (Agathe), Alan Held (Kaspar), Sofia Fomina (Ännchen), Markus Eiche (Ottakar), Christoph Filler (Kilian), Andreas Bauer (Kuno), Franz-Josef Selig (Eremit - vocal)
  • Joanne Marie D'Mello, Kerstin Klein-Koyuncu, Dorothea Sulikowski, Sybille Neumüller (quatre jeunes filles)
  • Corinna Kirchhof (Samiel), Peter Simonischek (Eremit) (rôles parlés)
  • MDR Leipzig Radio Choir, Philipp Ahmann, maître de chœurs
  • Hessische Rundfunk Sinfonie Orchester, Frankfurt, dir. Marek Janowski
  • 2 CDs Pentatone : PTC 5186 788 (Distribution : Outhere Music)
  • Durée des CDs : 77 min 01 s + 38 min 51 s
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5) 

Coïncidence ! Tandis que le Freischütz connaissait il y a peu, à Paris, une nouvelle production scénique au Théâtre des Champs-Elysées, il nous vient également au disque dans une version flambant neuve. Le label Pentatone présente une exécution du chef-d'œuvre opératique de Weber alignant une distribution essentiellement allemande et dirigée par un spécialiste, Marek Janowski. Mais singulièrement adaptée puisque privée de ses dialogues parlés originaux. 

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Der Freischütz (1821) appartient au genre du singspiel, mêlant chant et texte parlé. Ici, les dialogues originaux sont remplacés par des ''narrations'' conçues, entre autres, par Katharina Wagner, l'arrière-petite-fille de l'auteur de Parsifal, et dits par deux acteurs. Afin d'aider nos oreilles modernes à expérimenter la fraîcheur et le pouvoir de l'œuvre, nous assure-t-on. Il s'agit de textes concis reliant les numéros musicaux, ayant aussi pour fonction de les introduire. Et, en fait, d'une sorte de résumé des événements rapportés dans les dialogues, qui nous est narré par deux personnages, Samiel et l'Ermite. Pour inédite qu'elle soit, l'idée est loin d'être dépourvue de sens. Car le fait d'opposer, à travers les narrations, ces deux personnages sans doute clés, personnifiant l'un le mal, l'autre l'appel au pardon et donc le bien, rencontre quelque part l'essence du drame que vivent les héros Max et Agathe : Samiel n'est-il pas l'âme damnée du jeune homme, l'Ermite le protecteur de sa promise. Reste que la trame amputée de la sorte (par exemple pour ce qui est du dialogue de la scène 1 du IIème acte, entre Agathe, Ännchen et Max), perd de son influx dramatique, souvent réduit à sa plus simple expression. C'est un peu comme si on privait La Flûte enchantée de Mozart des dialogues de Schikaneder !

Marek Janowski, qui signe là sa seconde version de l'œuvre pour le disque, cette fois à la tête de l'Orchestre symphonique de Hesse-Francfort, propose une interprétation dont l'équilibre est le maître mot, unissant savamment les deux éléments de cet opéra romantique : le populaire et le fantastique. Par des tempos sur le versant retenu, sans jamais sombrer dans l'excès, respectant scrupuleusement les mille nuances qui impriment le sentiment de nature inhérent à cet opéra unique. Ainsi l'Ouverture est-elle grandiose, quoique la valse soit un peu appuyée, les musiques de chasse vivantes et les passages de lyrisme intenses. La scène de la ''Gorge aux loups'', à l'acte II, possède sa charge de mystère puis d'horreur au fil de ses divers épisodes, terreur de Max, efforts de Kaspar pour mettre en scène le rituel satanique de la fonte des balles magiques. Si les différences de climats sont bien là, cordes pianissimos, vagues rageuses de tout un orchestre déchaîné s'amplifiant avec rafales de cuivres jusqu'au sabbat final, cela reste presque retenu, un peu objectivé. On a connu vision plus terrifiante de cette séquence. L'Orchestre de Francfort dispense de belles couleurs, en particulier pour ce qui est des vents et les interventions solos sont de qualité, violoncelle, alto ou basson. Celles des Chœurs MRD de la radio de Leipzig le sont tout autant, même si la prise de son ne les avantage pas toujours. La direction de Janowski est sensible dans l'accompagnement de ses solistes.

Ceux-ci, choisis parmi les chanteurs talentueux du moment, forment un ensemble homogène. Andreas Schager offre au rôle de Max, héros faustien tourmenté, un timbre clair et héroïque. Le gabarit wagnérien, pas trop large cependant, comme l'ont montré ses interprétations de Parsifal à Berlin ou à Bayreuth, est ici un avantage en termes de puissance mais aussi d'aura. De même qu'est appréciable la souplesse de la ligne de chant requise d'une partie dont la composante lyrique est essentielle, comme dans l'air ''Durch die Wälder'' (A travers les forêts) au Ier acte. Lise Davidsen, pour cette captation réalisée avant des débuts fracassants à Bayreuth 2019 en Elisabeth, possède les atouts indispensables pour assumer les diverses facettes du rôle d'Agathe. La berceuse ''Leise leise'' (Doucement, doucement) dispense aussi bien lyrisme que bravoure. Tandis que la cavatine de l'acte III, avec son solo de violoncelle, montre une ligne bien conduite. Le timbre de soprano de type ''nordique'', qui n'est pas sans une certaine dureté, et un organe qu'on sent large avec une réserve de puissance et couronnée d'une quinte aiguë aisée, sont à l'appui d'une vocalité d'une grande sûreté. Il reste que le personnage mériterait à être plus habité en dehors de ses deux airs. Alan Held confère à celui du maléfique Kaspar une retenue bienvenue, loin d'une noirceur de premier degré. Dans ce rôle exigeant agilité, sa voix claire de baryton basse triomphe aisément des passages de presque vocalises acrobatiques. L'Ännchen de Sofia Fomina se signale par un timbre de soprano agréable qui se distingue bien de celui plus corsé de sa consœur. La romance du dernier acte, accompagnée de l'alto solo, est fluide, mais l'ariette de l'acte II mériterait plus de piquant. Franz-Josef Selig pare l'intervention finale de l'Ermite, deus ex machina, des prestiges d'un timbre moiré de basse noble que réchauffent de grandioses harmonies au climax de cet air. Sa contrepartie parlée, l'acteur autrichien Peter Simonischek, habitué des grandes scènes théâtrales dont celle du Jedermann de Salzburg, est de pareille noblesse. Mais son ''compère'' Samiel, incarné ici par l'actrice allemande Corinna Kirchhoff, membre du Berliner Ensemble, verse trop dans une manière histrion, aussi bien dans les narrations que dans le tableau de la Gorge aux loups. Au final, et parmi une discographie imposante, cette nouvelle version se situe à part du fait de son parti dramaturgique.

L'enregistrement, dans la grande salle de concert de la radio de Hesse à Francfort, possède un relief certain et l'équilibre est satisfaisant entre voix et orchestre, les premières non proéminentes. La mise en espace est minimale et la recherche d'atmosphère réduite, notamment lors de la scène de la Gorge aux loups dont les effets d'échos sont discrets. On note un placement de certains protagonistes, des deux narrateurs en particulier, aux extrêmes latéraux du spectre sonore.

Texte de Jean-Pierre Robert

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