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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : ''Talisman'' de Karol Beffa et autres compositions

Karol Beffa Talisman

  • ''Talisman''
  • Karol Beffa : Les Ruines circulaires (2002). Talisman (2018). Destroy (2006). Tenebreae (2018). Le Bateau ivre (2017)
  • Sanja Bizjak, Karol Beffa (piano), Patrick Messina (clarinette), Lyodoh Kanedo, Young-Eun Koo, Guillaume Chilemme (violon), Allan Swieton, Léa Hennino (alto), Marlène Rivière, Victor Julien-Laferrière (violoncelle), Gustav Villegas (flûte)
  • Quatuor Renoir
  • Orchestre Philharmonique de Radio France, dir. Pascal Rophé
  • Orchestre National de France, dir. Alain Altinoglu
  • 1 CD Klarthe : K097 (Distribution : PIAS)
  • Durée du CD : 63 min 25 s
  • Note technique : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleue (5/5)

Figure originale de la musique française actuelle, universitaire, pianiste, compositeur, en marge des ''modernes'' qu'il n'aime pas trop, Karol Beffa est déjà à la tête d'un important catalogue. Ce CD offre une sélection significative d'œuvres de chambre et pour orchestre. Et un festin de sonorités séduisantes. 

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Outre ses écrits souvent décapants, ses interprétations pianistiques, en particulier comme improvisateur accompagnant de films muets, le compositeur franco suisse Karol Beffa (*1973) est fort prolixe. Et très présent au disque. Depuis ses huit Premiers prix au sortir du CNSMDP, son catalogue comporte un nombre impressionnant de numéros et ne cesse de s'enrichir dans les genres les plus divers. Sont ici présentées trois œuvres de musique de chambre et deux pièces symphoniques, toutes récentes, écrites entre 2002 et 2018.

Karol Beffa aime à s'inspirer de près ou de loin du monde de la littérature. Ainsi songe-t-il à Jorge Luis Borges pour Les Ruines circulaires, pièce orchestrale en cinq mouvements enchaînés, de 2002, conçue comme « les cinq miniatures d'un album », selon son propre commentaire. D'abord « un univers calme, statique, baigné de brumes mystérieuses », aux furtifs relents debussytes, puis « une musique de sensation... s'amplifiant peu à peu en de larges ondoiements », qui soudain s'anime d'accords appuyés, cédant la place à « une atmosphère trouble, étrange, maléfique », avant une animation finale qui retrouve le climat du début. Le Bateau ivre, de 2017, naît de l'admiration du musicien pour le poème éponyme de Rimbaud. Ce qui est une « sorte de concerto pour orchestre » immerge l'auditeur dans un univers sonore chatoyant conçu comme une métamorphose continue : des « miroitements sonores immobiles » du début, puis une montée en puissance, jusqu'à un embrasement final, fruit d'un crescendo dûment calculé. Le langage, d'abord consonant, s'achemine vers la perte de tout repère tonal. Se vérifie aussi le principe qui préside à la musique de Beffa, admirateur inconditionnel de Ligeti : l'opposition entre deux pôles, le contemplatif (''clouds'') et le dynamique (''cloks''). Le résultat sonore ne manque pas d'attrait, pour ne pas dire de séduction, et la maîtrise de l'appareil orchestral est remarquable dont un recours aux percussions relativement discret, à la différence de bien des compositeurs actuels.

Côté musique de chambre, on entend trois pièces. Destroy (2006), pour piano (ou clavecin) et quatuor à cordes, commande de Radio France, « se situe sans réserve dans la mouvance clocks ». C'est une musique du rythme, de la pulsation, mêlant blues, ragtime, mais aussi funk et autre country. Au mélange des genres s'associe celui des modes musicaux : déhanchements des lignes, longs accords déjantés, nervosité du discours où l'on croise un joli solo de violon ou des façons de danses excitées, le tout pour de cocasses associations, jusqu'au pied de nez final. Beffa aime le canular, le revendique même. Tenebrae (2018), pour flûte, violon, alto et violoncelle, sous titré ''Requiem pour une droite défunte'', illustre successivement les deux aspects que revêt tout requiem : la célébration d'abord, dans une séquence sombre, « thrène à l'obstination lourde, à la litanie pesante », la déploration ensuite, au fil d'une partie plus douloureuse déroulant une mélopée funèbre dans l'intervention obstinée du cello, mais qui aussi « laisse sourdre un sentiment d'espérance », la flûte se chargeant de ce rôle plus gratifiant. Enfin Talisman (2018), autre commande de Radio France, est un quintette pour piano, clarinette, violon, alto et violoncelle, en quatre mouvements. ''Mystérieux'' déroule dans un tempo langui des « harmonies sombres, vénéneuses » dont le climat cherche à s'éclaircir mais retombe dans le blafard du début. ''Contemplatif'', égrène un glas lugubre, lointaine évocation de celui de ''Gibet'' de Gaspard de la nuit de Ravel. ''Secco'' est vif et tout de légèreté, dynamique et ludique. La pièce se termine par un ''Lent'', marquant le retour à l'atmosphère crépusculaire de sa première partie, dans une succession de chuchotements traversés des pépiements de la clarinette.

Les musiciens, ensembles et orchestres ici réunis, nul doute sous l'œil du maître, font de l'excellent travail et leurs exécutions sont assurément idoines. Les enregistrements, dont deux live, sont irréprochables : les morceaux chambristes clairs et d'une belle immédiateté, les pièces symphoniques emplies d'atmosphère.

Texte de Jean-Pierre Robert

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Orchestre Philharmonique de Radio France, Karol Beffa, Quatuor Renoir, Orchestre National de France

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