CD : Les concertos de clavecin de Bach
- JS Bach : Concertos pour clavecin et cordes N°1, BWV 1052, N 2, BWV 1053, N°4, BWV 1055 & N°7 , BWV 1058
- Francesco Corti, clavecin
- Il Pomo d'Oro
- 1 CD Pentatone : PTC 5186 837 (Distribution : Outhere Music)
- Durée du CD : 64 min 08 s
- Note technique : (5/5)
Ce CD est le premier volume d'une intégrale des sept concertos de clavier de Bach, forgée à une mûre réflexion sur leur mode d'exécution et parée d'une imaginative dose de licence de la part de l'interprète. Francesco Corti en offre une vision d'une fraîcheur vraiment convaincante.
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Les six concertos de clavier BWV 1052-1057, auxquels il faut ajouter le concerto BWV 1058, sont des arrangements de concertos préexistants. Compte tenu de la demande des musiciens, à Leipzig dans les dernières années de la décade 1730, et pour les concerts du Collegium Musicum au fameux Café Zimmermann, Bach adapte des œuvres antérieures, singulièrement des concertos de violon. Ce recyclage était de pratique courante à l'époque. Non qu'il s'agisse d'un servile collage. Le passage d'un instrument à l'autre est le fruit d'une habile adaptation : la partie solo de violon est confiée à la main droite du claveciniste tandis que la main gauche complète la basse de ripieno de cordes. Mais cela n'est pas sans poser des questions en termes d'interprétation car les sources autographes sont incomplètes ou perdues. D'où la nécessité pour l'exécutant de faire des choix. Que ce soit quant à la forme de l'accompagnement de cordes, petite formation chambriste ou ensemble plus large, et à l'épineuse question des tempos et de leur nécessaire flexibilité, pour les mouvements lents en particulier. Francesco Corti opte pour un ensemble de 10 cordes et pour des tempos soutenus dans le cas cité. Il indique, en outre, avoir introduit quelques ornementations au da capo, suivant sa propre inspiration, à l'instar, remarque-t-il, de ce que préconisait déjà un des fils du Cantor, CPE Bach qui les considérait comme indispensables.
Le résultat est tout à fait intéressant. Ainsi du Concerto BWV 1052, dérivé d'un concerto de violon perdu. Il débute par un Allegro vif, très articulé ici, suivi d'un Adagio figurant l'expression d'une plainte au ripieno de cordes, comme dans une aria de cantate, le soliste figurant la voix s'exprimant de manière libre avant de se fondre dans l'accompagnement. L'Allegro final, pris presto par Corti et consorts, révèle sa profonde richesse de texture. Le Concerto BWV 1053, qui provient d'un concerto pour vent de la période de Weimar, se distingue par son Siciliano central, se substituant au mouvement lent, pris à une allure confortable eu égard au parti adopté par l'interprète. Là encore, le ripieno exhale une sorte de plainte en contrepoint de la partie soliste bien dansante. Les deux mouvements extrêmes sont joués très vifs et les cadences ornées sur quelques notes de continuo.
Le Concerto BWV 1055 est le seul à ne pas connaître de prédécesseur avéré. L'Allegro fait se mesurer ripieno et solo dès les premières mesures, quoique le premier conserve une indépendance certaine. Le Larghetto est une sorte de lamentation, comme dans l'œuvre précédente, le ripieno complémentant en expressivité la partie soliste. Dans une progression dramatique, le dialogue est intense. Cet échange se poursuit au finale de manière encore plus révélatrice. Le Concerto BWV 1058 occupe quant à lui une place particulière : au-delà du groupe des six BWV 1052-1057, mais composé avant eux. Il dérive directement du Concerto de violon BWV 1041. La transposition pour clavier est quasiment note pour note avec un travail ouvragé sur la main gauche du soliste. Notamment au poignant Andante, là où le parti de jouer sans lenteur excessive et à un tempo légèrement accentué apporte vie au chant de manière aussi intense que s'il était délivré par le violon. De même que l'Allegro initial sonne vraiment allègre, le finale, en forme de gigue, acquiert dans son tempo preste une pareille étonnante vivacité que le clavecin enrichit de sonorités différentiées aiguës et gaves. La cadence, ornée comme le propose Corti, ne souffre pas non plus du ''transfert'' du violon au clavecin.
Le raffinement est au rendez-vous, aussi bien des cordes immaculées de l’ensemble Il Pomo d'Oro, dont la réputation n'est plus à faire, que du clavecin. Avec les tempos souples et vifs favorisés par Franceso Corti, l'instrument sonne admirablement clair de sa mécanique fluide. Formé auprès de Bob van Asperen, Gustav Leonhardt et Christophe Rousset, ce musicien organiste et claveciniste, continuiste réputé des Musiciens du Louve et dans d'autres ensembles baroques, mène une carrière de soliste remarquée. On attend avec impatience le second volume de ces concertos de clavier de Bach.
L'enregistrement, au Gustav Mahler Hall de Toblach, offre une image aérée et large donnant l'impression d'un ensemble plus fourni qu'il n'est. Et d'un beau relief, avec un équilibre satisfaisant entre clavecin et ripieno, le soliste bien immergé parmi les cordes.
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Texte de Jean-Pierre Robert
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Bach, Francesco Corti, Il Pomo d'Oro