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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : François-Xavier Roth transfigure la Symphonie fantastique

Symphonie Fantastique Les Siecles

  • Hector Berlioz : Symphonie fantastique, Épisode de la vie d'un artiste, op.14. Ouverture Les Francs-juges, op.3
  • Les Siècles, dir. François-Xavier Roth
  • 1 CD Harmonia Mundi : HMM 902644 (Distribution : PIAS)
  • Durée du CD : 65 min 49 s
  • Note technique : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleue (5/5)

Il est tant de versions de la Symphonie fantastique... En voici une pourtant qui chamboule la discographie. François-Xavier Roth n'en est pas à son coup d'essai puisque c'est la seconde qu'il dirige au disque avec son ensemble Les Siècles. Ici, le miracle se produit : une interprétation, sur instruments d'époque, au plus près des intentions du maître, qui coule de source tant son élan est irrésistible. Et enregistrée avec tout le confort moderne. Avec en bonus, l'Ouverture des Francs-juges. Indispensable ! 

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La Symphonie fantastique bouleverse les canons établis du genre : « une composition instrumentale immense d'un genre nouveau », indique Berlioz. Et ce à de multiples égards : dans son découpage en cinq parties énonçant quelque programme, dans son écriture utilisant toutes sortes d'instruments inhabituels et maniant la pratique du thème récurrent, la fameuse ''idée fixe''. Une sorte d'opéra sans paroles, qui assemble diverses séquences, les ''Épisodes de la vie d'un artiste'', celle de Berlioz assurément, peut-être aussi inspirées de faits réels, et puisant à diverses références littéraires, de Goethe, Shakespeare, Hugo et ETA Hoffmann. Revenant au manuscrit d'origine, méticuleusement consulté, François-Xavier Roth joue l'œuvre sur instruments d'époque. Ce qui retrouve à n'en pas douter ses sonorités si spécifiques. Sa dramaturgie foncière est si intimement scrutée qu'on peut en suivre le détail à partir des indications même fournies par l'auteur.

Le premier mouvement ''Rêveries – Passions'', « un court adagio », offre un climat nimbé de mystère, que suit « un allegro développé... passion délirante avec tous ses accès de tendresse, jalousie, fureur, craintes, etc. », qui voit la musique s'emballer, presque haletante dans sa pulsation par des accélérations fulgurantes. Jusqu'à l'extrême contraste de la coda et le retour du thème assagi pppp. ''Un Bal'', « musique brillante et entraînante », entamé par les envolées de harpe, voit sa valse ne plus vous lâcher de son tempo tourbillonnant, tout sauf étudié, avec un je ne sais quoi de fièvre contenue, basculant dans une joie exaltante lors de la reprise. ''Scène aux champs'', « adagio, pensées d'amour et espérances troublées par de noirs pressentiments » : depuis les premiers traits du cor anglais et leurs effets en écho dans le lointain, on est happé par une atmosphère envoûtante. Les instruments d'époque font ici la différence, singulièrement la couleur des altos. Le mouvement de marche est marqué légèrement traînant et le développement revêt une forme presque opératique. La péroraison, qui débute pppp et très retenue, est empreinte de la touffeur d'une fin de journée d'été où l'air devient comme raréfié, jusqu'aux ultimes notes du cor anglais et d'effrayants roulements de timbales.

Ces trois premiers mouvements fantasques basculent pour les deux derniers dans le cauchemardesque. La ''Marche au supplice'', « musique farouche, pompeuse... cortège immense, de bourreaux, de soldats, de peuple » commence assénée comme un coup de poing, de ses cuivres glorieux sans être inutilement brillants. La disposition des violons I & II, de part et d'autre, renforce l'effet d'effroi. La péroraison s'avère cataclysmique, vision d'horreur avec ses ruptures combien tranchées. À l'ultime mouvement ''Songe d'une nuit de sabbat'', où le héros « se voit environné d'une foule dégoûtante de sorciers, de diables », le traitement rythmique est singulièrement boulé. L'intervention des cloches - captées live à la Côte Saint André - apporte une note d'authenticité supplémentaire à la séquence du Dies Irae. Le développement est d'une clarté exemplaire dans son extrême complexité, rendant justice à un foisonnement instrumental proche du délire sonore. Le grand crescendo, pris depuis un impalpable pianissimo, s'enfle démesurément. Fantasque à souhait sera le passage des cordes sul ponticello, d'une vraie immédiateté surtout en regard de l'explosion fortissimo sur laquelle il débouche. L'impact des accords finaux est tout simplement étourdissant.

Francois Xavier Roth
François-Xavier Roth ©DR 

Roth complète cette exécution par l'Ouverture des Francs-juges. Couplage logique dans la mesure où il existe un lien entre cette pièce et la Marche au supplice de la Fantastique. Cet opus 3 est un des avatars d'un projet d'opéra conçu mais abandonné par Berlioz en 1826. Si on y observe des influences de l'opéra français de l'époque révolutionnaire, il en émane, sous un apparent raffinement, un vrai sens du mouvement, singulièrement dans le développement, vraie-fausse marche ponctuée de terribles roulements de timbales. Et déjà une écriture faite de ruptures et d'improbables enchaînements.

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De ces formidables exécutions, et au-delà du fini instrumental peu commun d'un orchestre nombreux mais d'une extrême transparence quel que soit le département concerné, se dégage un sentiment d'authenticité qui relègue plus d'une interprétation au rang de simple étude au pied de la lettre. Car Roth et ses fabuleux musiciens s'identifient comme peu à la pensée berliozienne, singulièrement dans la soudaineté de transitions souvent abruptes et dans la panoplie saisissante des contrastes dynamiques extrêmes dans les registres de la force ou de la douceur. Ce que le jeu sur instruments d'époque rend encore plus palpable.

Il faut dire qu'elles sont magnifiées par une prise de son d'un exceptionnel raffinement, à la Maison de l'Orchestre national d'Ile-de-France : aérée et offrant une quasi idéale spatialisation des plans sonores. Conférant à cette musique un étonnant relief, une proximité tangible et une vraie fidélité des timbres. Rarement technique d'enregistrement aura-t-elle autant fait corps avec les qualités intrinsèques d'une interprétation essentielle.

Texte de Jean-Pierre Robert

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