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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

Opéra : les charmes discrets de La Dame blanche

La Dame blanchee 2
Philippe Talbot/Georges Brown, Elsa Benoit/Anna-La Dame blanche ©Christophe Raynaud de Lage 

  • François-Adrien Boieldieu : La Dame blanche. Opéra-comique en trois actes. Livret d'Eugène Scribe d'après Walter Scott
  • Philippe Talbot (Georges Brown), Elsa Benoit (Anna), Sophie Marin-Degor (Jenny), Jérôme Boutillier (Gaveston), Aude Extrémo (Marguerite), Yann Beuron (Dickson), Yoann Dubruque (Mac-Irlon)
  • Comédiens : Lionel Codino, Alban Guyon
  • Chœurs Les éléments, chef de chœurs : Joël Suhubiette
  • Orchestre National d'Île de France, dir. Julien Leroy
  • Mise en scène : Pauline Bureau
  • Dramaturgie : Benoîte Bureau
  • Décors : Emmanuelle Roy
  • Costumes : Alice Touvet
  • Vidéo : Nathalie Cabrol
  • Lumières : Jean-Luc Chanonat
  • Magicien : Benoît Dattez
  • Théâtre de l'Opéra Comique, Paris, jeudi 20 février 2020 à 20 h
  • Et les 22, 24, 26, 28 février à 20 h & le 1er mars à 15 h
    www.opera-comique.com

L'Opéra Comique remet à l'affiche un de ses titres favoris, le quatrième le plus représenté de son répertoire : La Dame blanche. Une œuvre empreinte de poétique du merveilleux et qui se nourrit de veine romantique. La nouvelle production qui en est proposée se distingue par son volet musical plus que par son approche théâtrale.  

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Considéré comme le chef-d'œuvre de François-Adrien Boieldieu (1775-1834), La Dame blanche appartient à ce qu'on a appelé le ''genre éminemment national'', comme était dénommé l'opéra-comique français du XIXème siècle. Créée en 1825 à la Salle Feydeau, alors siège de l'Opéra Comique, elle connaît un triomphe retentissant. Elle ira jusqu'à enthousiasmer Richard Wagner qui voyait là une vraie œuvre de théâtre musical où s'exprime « la plus belle qualité des Français... une certaine légèreté mélancolique, qui sait la tristesse de toute chose et qui pourtant sourit ». Un succès qui ne se démentira plus, fruit de l'engouement pour un auteur anglais, Walter Scott, prisé à la fois pour sa couleur locale et son appréhension d'une certaine forme de roman historique. Le livret du prolifique Eugène Scribe, emprunté à trois des œuvres de Scott, ''La Dame du lac'', ''Guy Mannering'' et ''Le Monastère'', propose un mélodrame qui avait de quoi séduire par le mélange de faits historiques, le retour au pays du rejeton d'une famille écossaise persécutée par les Stuart, et de légende, celle d'une mystérieuse dame blanche, pour une confrontation entre êtres bien réels et fantômes. Sur la lande écossaise, le château familial des comtes d'Avenel tombe en ruines suite à la disparition de son dernier descendant, Julien. Il est hanté par le fantôme d'une mystérieuse Dame blanche. L'intendant Gaveston veut l'acquérir, faute d'héritier. Survient un jeune officier, un certain Georges Brown, en qui Anna, une jeune fille autrefois recueillie par la dernière comtesse d'Avenel, reconnaît le soldat qu'elle a soigné autrefois et dont elle est éprise. Revêtant les voiles du fantôme, elle pousse le jeune homme à se porter acquéreur et lui permet d'en régler le prix grâce à la fortune des Avenel dont elle seule connaît la cachette. Bien sûr, Georges Brown n'est autre que Julien qu'Anna peut épouser.

Boieldieu a composé une musique bien tournée, qui passée une Ouverture pot-pourri et passe-partout, due à un de ses collègues et collaborateurs, Adolphe Adam, offre une intéressante combinaison de styles, où l'on trouve une manière à la Gretry, des chansons montagnardes, et surtout des tournures bel cantistes proches de Rossini. Un compositeur régnant alors en maître à Paris, et dont Boieldieu était un fervent admirateur. Certains ensembles, comme le brillant concertato qui termine l'acte I, évoquent indéniablement la patte de l'auteur de Il Barbiere di Siviglia, ses tics et son chant façon automate. Sans parler de l'écriture du rôle de primo ténor dont la majeure partie emprunte au vocabulaire stylistique de l'italien. L'autre originalité de l'œuvre est l'équilibre savamment dosé entre dialogues et chant car si les morceaux musicaux y sont très développés, les scènes parlées ne le sont pas moins. On tient là paradoxalement du vrai théâtre.

La Dame blanchee
Finale de l'acte II : (de g. à dr.) Aude Extrémo/Marguerite, Yann Beuron/Dickson, Yohann Dubruque/Mac-Irton, Jérôme Boutillier/Galveston, Sophie Marin-Degor/Jenny ©Christophe Raynaud de Lage 

La régie l'a bien compris, qui s'attache à ce que les dialogues soient délivrés dans une déclamation naturelle. À cet égard, la distribution fait honneur au texte aussi bien parlé que chanté, ce qui est un point essentiel dans ce type d'œuvre. Reste que la mise en scène paraît quelque peu prosaïque. Certes, Pauline Bureau a voulu rester fidèle à l'esprit de romantisme gothique de l'œuvre et à ses didascalies, et a pris le parti de l'inscrire dans une décoration naturaliste agrémentée de quelques effets vidéo pour en prolonger les aspects fantastiques : une lande balayée par les vents, où apparaît le fantôme de la Dame blanche, durant l'Ouverture, puis une demeure troglodyte au Ier acte, une salle de château bardée de tableaux de famille au IIème, avec une façon d'aurore boréale perçue à travers ses vitres déglinguées pendant le finale de cet acte, enfin une autre salle envahie, cette fois, de végétation et de statuaire empesée au IIIème. Mais la direction d'acteurs est sommaire au soutien d'une dramaturgie qui vise à décrire l'épopée d'un héritier disparu qui tente d'entrer en possession de sa propre histoire. Le traitement des ensembles est aussi peu imaginatif, tel le tableau de la vente aux enchères, une première opératique avant celle imaginée par Stravinsky pour son Rake's Progress, qui paraît bien sage en regard des interventions fiévreuses des enchérisseurs et de la foule de leurs supporters. Le recours à une gestuelle convenue lors des duos ou à de clichés maintes fois vus est peu convaincant. Ainsi de l'apparition ultime de la Dame blanche émergeant d'une trappe, dans laquelle s'enfoncera le méchant Gaveston, vaincu et bardé d'un éclairage rouge sang.

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Acte III, Elsa Benoit ©Christophe Raynaud de Lage 

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La distribution s'attache pourtant à donner le change et compte de belles individualités. À commencer par Philippe Talbot qui campe un Georges Brown d'une désarmante naïveté et d'une sympathique jovialité, doté à la fois d'une vraie fausse amnésie quant à son passé et d'un irrésistible désir d'aller de l'avant pour affronter le fameux fantôme. Le timbre possède les atours du ténor di grazia, ce registre typiquement rossinien auquel Boieldieu fait allégeance : un chant en voix de tête plus qu'en force, une quinte aiguë aisée défiant les contre ut. Comme dans la cavatine ''Maintenant, observons, écoutons'', bercée par l'accompagnement du cor, et dont le second couplet est délivré dans un doux pianissimo. Elsa Benoit, Anna, qui fait ses débuts in loco, nouvelle étape d'une carrière déjà très prometteuse, offre une caractérisation sincère et un soprano bien fruité excellemment projeté. Il en va de même de Jérôme Boutillier, Gaveston, baryton basse qui fait mouche grâce à une diction acérée. Aude Extrémo, la vieille servante Marguerite, possède un timbre de contralto bien sonnant, dans la veine de celui de Sylvie Brunet-Grupposo. N'était à leur endroit une régie trop discrète, les deux personnages de caractère que sont les paysans Dickson et Jenny sont adroitement chantés par Yann Beuron, dont le ténor fait un intéressant contraste avec celui de son collègue Talbot, et Sophie Marin-Degor, soprano vaillant. L'ensemble vocal Les éléments apporte aux parties de chœurs une fine expertise. Le jeune chef Julien Leroy insuffle vie à une partition attachante, à ses diverses composantes, à son écriture riche parsemée de solos instrumentaux de harpe et de cor, que les musiciens de l'Orchestre National d'Île de France ménagent avec doigté. Et maîtrise la justesse de ton, l'art de la mélodie simple et coulante, comme des climats et couleurs qui, s'ils font penser souvent à Rossini, participent de cet art typiquement français de l'opéra-comique du XIXème.

Texte de Jean-Pierre Robert 



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