CD : Édition Haydn 2032, vol. 8 - ''La Roxolana''
- Joseph Haydn : Symphonies N°63, Hob.I:63 ''La Roxolana'', N°43, Hob.I:43 ''Mercury'', N°28, Hob.I:28
- Béla Bartók : Danses populaires roumaines
- Anonyme : Sonata Jucunda
- Il Giardino Armonico, dir. Giovanni Antonini
- 1 CD Alpha : Alpha 682 (Distribution : Outhere Music)
- Durée du CD : 76 min 43 s
- Note technique : (5/5)
Le nouveau volume de l'intégrale des symphonies de Haydn du label Alpha est articulé autour du thème de la musique de scène dans l'œuvre du musicien, autrement dit de l'influence théâtrale sur sa production symphonique. Ainsi qu'il est de coutume, dans ce projet, de mettre en regard les symphonies choisies avec d'autres compositions contemporaines ou en correspondance, elles le sont, cette fois, avec Béla Bartók et ses Danses populaires roumaines.
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La Symphonie N°63, ''Roxolana'' doit ce sous-titre à une musique de scène composée par Haydn en 1779/1780 pour la pièce du français Favart ''Soliman II ou les trois sultanes'', présentée au château d'Esterháza en 1777, Roxelane étant l'une d'elles. Son premier mouvement, Allegro, provient de l'ouverture d'un opéra antérieur, Il mondo della luna. Suivent un Allegretto, précisément sous-titré ''Roxolana'', musique de divertissement faisant la part belle aux bois, puis un Menuet légèrement déclamatoire, entrecoupé d'un Trio en forme de duo hautbois et basson. L'œuvre se termine par un Presto extrêmement vif avec force ornementations, autre avatar théâtral. En remontant dans le temps, la Symphonie N°28 offre pareil lien avec le théâtre. L'origine est ici la pièce ''L'Île de la saine raison'', jouée en 1765. La musique y décrit la manière folklorique des indigènes. Ainsi l'œuvre s'ouvre-t-elle par un mouvement fiévreux au débit haché qui progresse en une dynamique de plus en plus forte avec un effet répétitif affirmé. Le Poco adagio déploie un climat plus apaisé favorisant le registre piano. Le Menuet preste éclate comme une fusée, alors que le passage en trio figure une danse au ralenti. Le Presto assai final voit le rythme endiablé s'intensifier, telle une gigue joyeuse, presque bavarde.
La Symphonie N°43 est moins concernée par la thématique théâtrale, encore que sa composition en 1770 répondait sans doute au besoin de divertissement de la cour des princes Esterházy. Son sous-titre ''Mercure'' est apocryphe. Comme ses contemporaines, elle est de vastes proportions. Ainsi du vif Allegro initial dont la thématique se renouvelle constamment malgré les reprises du fait d'un travail particulièrement inventif. L'Adagio est lui aussi développé, proche d'un andante. Il évolue dans le registre piano et même pianissimo des seules cordes jouant en sourdine, et offre de subtils effets de surprise. Un court menuet vigoureux très classique conduit au finale, nourri, qui simule plus qu'ailleurs dans cette œuvre une manière théâtrale, se concrétisant notamment dans une coda d'un bel élan. Ce qui est parfaitement rendu ici par une direction pour le moins volontariste.
La mise en abîme de la musique de Haydn se fait, cette fois, avec Bartók. Rapprochement aussi inattendu qu'original, en tout cas à la gloire de la patrie hongroise dont Haydn était proche. Giovanni Antonini a choisi pour ce faire les Danses populaires roumaines. Sur des airs collectés en Transylvanie dans les années 1910-1912, Bartók les écrit d'abord pour le piano (1915) et les orchestre pour petit orchestre en 1917. On y retrouve les sonorités typiques des orchestres de villages tziganes. Ce que Giovanni Antonini restitue dans une exécution hautement travaillée, aux accents plus tziganes que vrais, appuyés au maximum, non sans une certaine sécheresse, et des tempos furieusement rapides, en particulier dans les trois dernières danses, poussées jusqu'au délire. Autre contraste avec la Sonata Jucunda, d'un auteur anonyme, dans le ton ancien, qui date de la fin du XVIIème siècle : une sorte d'ensemble sonnant comme désordonné, là aussi proche de la pratique musicale paysanne.
Comme dans les précédents volumes de cette passionnante série, Giovanni Antonini et son orchestre Il Giardino Armonico privilégient des interprétations hautement pensées : tempos très articulés, mais aussi art des contrastes dynamiques, science des nuances recherchées, en particulier dans les mouvements lents des symphonies de Haydn, enfin souci de doser leur couleur spécifique.
L'enregistrement, à Toblach en Italie, se distingue par son acoustique ouverte. L'image est d'une extrême cohérence, avec un bel étagement des plans et un spectre sonore consistant dont des basses bien présentes.
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Texte de Jean-Pierre Robert
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