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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Diana Damrau chante les Quatre derniers Lieder de Strauss et quelques autres

Strauss

  • Richard Strauss : Vier letzte Lieder, op. 150
  • Mädchenblumen op. 22. Malven, op. posth. Letzte Blätter op. 10/ 7, 6, 2 & 3. Drei Lieder der Ophelia, op. 67. Cinq Lieder op. 39/1 & 4. 5 Kleine Lieder op. 69/3. Schlichte Weisen, op. 21/2. Lieder op. 37/4. Quatre Lieder op. 27/1. Cinq Lieder op. 15/3
  • Diana Damrau, soprano
  • Helmut Deutsch, piano
  • Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, dir. Mariss Jansons
  • 1 CD Erato : 0190295303464 (Distribution: Warner Music)
  • Durée du CD : 73 min 21 s
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5)

Ce nouvel album que Diana Damrau consacre aux Lieder de Richard Strauss nous plonge dans un monde d'extrême séduction vocale. Il rapproche un florilège de pièces avec accompagnement de piano des Quatre derniers Lieder qu'adorne une luxuriante parure orchestrale. Ce chant du cygne de l'auteur du Chevalier à la rose compte parmi les plus beaux morceaux du répertoire. Partout dans ce récital s'exprime une vraie affinité avec l'idiome straussien. 

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Richard Strauss a composé de nombreux Lieder tout au long de sa vie créatrice, à côté de ses opéras. Écrire pour la voix est comme un seconde nature, « l'une des constantes de son âme, de ses besoins d'expression les plus intimes », remarque Antoine Goléa. Ces mélodies sont réunies en divers cahiers, constitués chacun de quelques pièces, sur des textes aussi bien d'auteurs en vogue que de poètes reconnus comme Joseph von Eichendorff, Hermann Hesse ou Richard Dehmel. Elles remontent, pour les premières, au temps où Strauss est encore étudiant en musique. Ainsi des Letzte Blätter op.10 /Derniers feuillets (1883), dont ''Die Verschwiegenen'' (Les Discrets) qui distille une ironie proche de la chanson de cabaret berlinois, ou ''Die Nacht'' (La nuit), où la voix se détache passionnée sur un accompagnement pianistique plutôt serein. Le cycle Mädchenblumen » (Fleurs de jeune fille op.22), de 1888, sorte de métaphores florales pour évoquer des jeunes filles nubiles, sur des poèmes d'un certain Felix Dahn, offre des morceaux joliment évocateurs, comme ''Mohnblumen'' (Coquelicots) avec ses trilles joyeux et ses sauts harmoniques, un trait que Strauss cultivera par la suite, ou ''Wasserrose'' (Nénuphar), à l'écriture translucide du piano dans l'aigu berçant la voix. La mélodie ''Ruhe meine Seele'' (Repose mon âme), tirée des 4 Lieder op.27 offerts à son épouse, la cantatrice Pauline de Ahna, en cadeau de mariage (1894), fait partie des chefs-d'œuvre du chant straussien.

Les Six Lieder op.37, situés entre les poèmes symphoniques Don Quichotte et Une vie de héros, sont dédiés à sa femme pour l'anniversaire de la naissance de leur fils Franz. Ils contiennent une perle : ''Mein Auge'' (Mes yeux), sur un poème de Dehmel, un chant d'amour glorieusement écrit pour la voix. Des Cinq Lieder op.39, deux sont présentés ici : ''Leise Lied'' (Chanson douce - Dehmel) qui s'épanouit seulement dans le registre aigu du piano, à la Debussy, épousant les infinies volutes de la voix. Puis ''Befreit'' (Libérée), typique de la belle mélodie straussienne et de ses envoûtantes modulations, presque inextinguibles. Les ''Drei Lieder der Ophelia'' (Trois mélodies d'Ophélie), extraites de l'album de l'op.67, évoquent la démence de la jeune fille immortalisée par Shakespeare, dans une écriture très différenciée traduisant les changements d'humeur par des brusques altérations de tempo et une écriture syncopée. La partie de piano, souvent recherchée et complexe, est tenue avec sagacité par Helmut Deutsch.

Diana Damrau
Diana Damrau et Mariss Jansons en concert à Munich ©DR 

On en arrive aux Vier letzte Lieder, de 1848, par lesquels s'ouvre au demeurant le présent disque. À l'automne d'une carrière bien remplie, Strauss tresse à la voix solo de soprano cet ultime chant d'adieu, qu'il pare d'un magistral écrin orchestral. Ces quatre pièces seront créées posthume par Kirsten Flagstad et Wilhelm Furtwängler en 1950. Elles seront immortalisées au disque par Elisabeth Schwarzkopf et George Szell (Warner). Elles n'étaient pourtant pas destinées à former un cycle, tant les trois dernières, qui sont des méditations sur la mort, se différencient de la première, un hymne à la vie. ''Frühling'' (Printemps), sur un poème de Hermann Hesse, chante en effet l'arrivée de la nouvelle saison, avec une écriture orchestrale luxuriante. Le climat s'assombrit dès la seconde pièce ''September'' (Septembre - Hesse), aux couleurs automnales prononcées avec l'intervention du cor solo, rappelant le dernier opéra Capriccio. ''Beim Schlafengehen'' (Le temps de dormir - Hesse) décrit la lassitude de la vie, comme un monde qui lentement s'éteint : un magistral prélude avec violon solo introduit la voix qui se fait caressante dans une large phrase aiguë, pour s'infléchir jusqu'au grave sur le mot ''Nacht'' (Nuit). Enfin ''Im Abendrot'' (Dans le rouge du couchant - Eichendorff) conclut sur des couleurs mordorées, depuis son premier accord radieux jusqu'à une longue péroraison que traversent des trilles de violon évoquant un dernier vol d'hirondelles. Même si le gabarit vocal n'est pas celui de ses illustres devancières, Diana Damrau livre de ces pièces une vision épurée, de son soprano clair et bien timbré, et grâce à une sensibilité dépourvue de sentimentalisme. Mariss Jansons sculpte un accompagnement à la fois riche et raffiné. Une interprétation dont on perçoit le sens de l'événement, comme il en est du Lied ''Morgen'' (Demain), donné en bis. On ajoutera qu'elle revêt une signification toute particulière puisqu'il s'agit du dernier enregistrement en concert live, avec cette chanteuse, du chef Mariss Jansons.

La prise de son live à la Herkulessaal de la Résidence de Munich capte voix et orchestre dans une perspective naturelle préservant toute l'opulence de la palette sonore. Les Lieder avec piano, enregistrés en studio à Hohenems, bénéficient d'une ambiance également aérée et d'une immédiate présence.

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Texte de Jean-Pierre Robert

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