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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : L'odyssée Beethoven de Cyprien Katsaris

Cyprien Katsaris Beethoven

  • ''Une Odyssée chronologique''
  • Ludwig van Beethoven : Œuvres originales et transcriptions pour piano (1782-1826)
  • OEUVRES ORIGINALES : 9 Variations sur un marche de Dressler. Sonate pour piano en mi bémol majeur. 2 Préludes dans tous les douze tons majeurs op.39. Rondo a Capriccio, op.129. Sonates pour piano N°1, op.2 N°1 ; N°5 , op.10 N°1 ; N°10 op.14 N°2 ; N°14 op.27 N°2 ''Clair de lune'' ; N°17 op.31 N°2 ''La tempête'' ; N°23 op.57, ''Appassionata'' ; N°24 op.78 ''A Thérèse'' ; N°32 op.111. 7 Bagatelles op.33. 32 Variations sur un thème original. Fantaisie pour piano op.77
  • TRANSCRIPTIONS : Musique pour un ballet chevaleresque. Grande Sonate pour le Piano, d'après le Trio à cordes op.3. Rondo de la Sonate pour piano et violoncelle N°2 , op.5 N°2. Sonatina & Adagio pour mandoline et clavecin. Tempo di Menuetto du Septuor op.20. Adagio ma non troppo du Quatuor à cordes N°6 op.18 N°6. Allegro ma non tanto du Quatuor à cordes N°4 op.18 N°4. Sonate pour violon et piano N°5, op24 ''Le printemps''. Entrata de la Sérénade pour flûte, violon et alto op.25. Adagio cantabile de la Sonate pour violon et piano N°7 op.30 N°2. Contredanse N°12, extrait de 12 Contredanses pour orchestre. Sonate pour violon et piano N°9 op.47 ''Kreutzer''. Rondo allegro du Concerto pour violon et orchestre op.61. Marche de Yorck. Adagio molto e cantabile de la IXème Symphonie op.125. Lento assai du Quatuor à cordes N°16 op.135. Introduction d'un Quintette à cordes (esquisses). Une Plaisanterie musicale ''Wir irren allesamt''
  • Cyprien Katsaris, piano
  • 6 CDs Piano 21 : P21 060-N (Distribution : Socadisc)
  • Durée des CDs : 6 h 50 environ
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5)

Le pianiste Cyprien Katsaris s'est lancé un défi étonnant : rapprocher en une sorte d'odyssée discographique de quelques sept heures de musique, une brassée de compositions originales de Beethoven et un bouquet de transcriptions de pièces connues ou plus rares. Le marathon se veut chronologique, qui couvre l'entière période créatrice, de 1782 à 1826. Une passionnante aventure qui, aux côtés de perspicaces interprétations de plusieurs sonates, permet d'entendre des morceaux transcrits jusque-là réservés aux exégètes du maître de Bonn. Une nouvelle pierre à l'édifice du propre label du pianiste franco-chypriote, et décidément une contribution toute personnelle et d'ores et déjà marquante à l'année Beethoven. 

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Les œuvres originales choisies jalonnent ainsi une période de quelques 34 années, depuis des pièces de jeunesse sans prétention jusqu'à la fameuse et intense Sonate op.111. Le parcours s'ouvre ainsi sur les Variations sur une marche de Dressler, écrite en 1782 par un jeune musicien de onze ans. Suit une petite Sonate pour clavier en mi bémol majeur, première d'une série de trois, lesquelles pourtant ne figurent pas au nombre des ''32 sonates'', alors qu'écrites un an avant la Sonate pour piano N°1 en fa mineur, op.2/1 : ses trois mouvements, dont un allegro cantabile décidé et un rondo final énergique, n'ont rien à envier aux quatre mouvements de cette dernière et sa dramaturgie élaborée en particulier au rêveur Adagio et au fier prestissimo final. Intéressantes sont aussi des pièces comme les 7 Bagatelles op.33 (1802), ces fameuses ''petites choses'', comme les appelait leur auteur : une thématique sans prétention mais séduisante, une rythmique curieuse et parée d'humour. Quant aux 32 Variations sur un thème original (1806-1807), elles offrent un très bref thème lui-même tricoté en autant de courtes variations plutôt rapides.

Cyprien Katsaris s'attache à quelques sonates parmi les plus connues. À commencer par la Sonate N°14 op.27/2, dite ''Clair de lune'', dénomination apocryphe, alors que celle de ''Quasi una fantasia'' rend mieux compte du caractère d'improvisation de l'œuvre, singulièrement dans son premier mouvement, voire dans son finale Presto agitato, pris ici à une allure vertigineuse, sonnant presque démoniaque. La Sonate N°17 op.31 N°2, ''La Tempête'' se signale par son extrême pulsation rythmique et le sens du drame dès le Largo-Allegro où le contrepoint est magistralement ouvragé. L'Adagio suave atteint des contrées expressives choisies dans une belle sérénité. Tandis que le finale voit son mode de danse s'enrouler sur lui-même. La Sonate ''Appassionata'' N°23 op.57 reçoit une exécution passionnée s'il en est, en même temps emplie de mystère. Un sentiment d'urgence procède de cette lecture d'une rigueur absolue : accords assénés, dynamique ouverte avec grondements de la basse, conférant au développement un aspect colossal de chevauchée héroïque. La relative simplicité libératrice de l'Andante est rendue par une démarche hiératique et une progression savamment ordonnée. Le Presto séduit par sa volubilité qui ne trouble pas l'intelligibilité d'un discours pourtant chargé. L'interprétation de la formidable Sonate N°32 op.111 est pareillement inspirée. « L'œuvre de la force recouvrée », selon Romain Rolland, ultime aboutissement, oppose un premier mouvement Allegro con brio, tout de puissance, de révolte et de violence contrôlée, et un second, Arietta, empli de sagesse au fil de variations où se succèdent rêve, agitation, course tourmentée, trouble, enfin paix et ferveur. Les ruptures de rythmes, caractéristiques de la dernière période de Beethoven, n'ont pas de secret pour le pianiste.

Beethoven Sonata 32 p15
Fac-similé de l'autographe de la première page de l'Arietta de la Sonate op.111.

Si les pièces originales présentent un intérêt certain eu égard à la qualité de leur exécution, les transcriptions que Cyprien Katsaris a réunies marquent indéniablement la singularité de ce coffret. Car on y entend des morceaux quasi inconnus aux oreilles des profanes. C'est aussi mettre l'accent sur une donnée majeure : le nombre des œuvres de Beethoven ayant suscité une transcription et la qualité des arrangements dus à des musiciens connaissant parfaitement sa musique. Beethoven lui-même s'est livré à cet exercice. Comme il en est de la Musique pour un Ballet chevaleresque (1791), transcription d'une partition orchestrale en huit parties laissant apparaître, entre autres, marche, Jaglied, chanson guerrière, chanson à boire ou encore danse allemande, toutes unies par un refrain entraînant. La Grande sonate pour le Piano d'après le Trio à cordes en mi bémol majeur op.3 de 1796, a été transcrit par Beethoven - ou par Diabelli - en 1815 : parmi ses cinq mouvements, se détachent deux Menuetto nantis de jolies appogiatures et d'un esprit de danse, et un finale démonstratif avec quelques pointes d'humour. Le même Diabelli assura, en 1826, la transcription pour clavier du mouvement introductif Andante maestoso d'un Quintette à cordes en ut majeur qu'il avait commandé à Beethoven, et dont ces pages semblent être l'avatar de ce qui passe pour la dernière composition instrumentale du maître, l'autographe ayant disparu. 

Le pianiste Louis Winkler (1820-1886) était un arrangeur patenté et a transcrit de nombreuses œuvres de Beethoven, dont le rondo final de la Sonate pour violoncelle et piano op.5 N°2 (1796) ou l'Entrata de la Sérénade pour flûte, violon et alto op.25, un chef-d'œuvre de gaité dans ses amusantes répétitions. Il a surtout transcrit la Sonate pour violon et piano N°5, op.24 ''Le printemps'' avec un brio qui ne laisse aucun doute sur sa connaissance intime de l'œuvre originale et ne la trahit en rien : à la main droite est dévolue la partie mélodique de violon, mais l'affaire est si bien faite qu'on ''entend'' les deux instruments. La Sonate pour violon N°9 op.47 ''Kreutzer'' connaît aussi sa version pianistique, due à Czerny s'agissant du 2nd mouvement Andante con variazioni qui sollicite la main droite avec esprit, singulièrement à la troisième variation et ses notes répétées prestissimo ou à la véloce 5ème. Les deux autres mouvements sont de mains anonymes.

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Cyprien Katsaris 
Cyprien Katsaris ©DR

D'autres musiciens experts ont enrichi le domaine de la transcription pour piano, tant au XIXème siècle, comme Gustav Rösler (Allegro du Quatuor N°4 op.18/4) ou Franz Kullak (Rondo final du Concerto pour violon op.61), qu'au XXème, avec Vladimir Blok (Sonatina & Adagio pour mandoline et clavecin). Franz Liszt a transcrit le Tempo di Menuetto du Septuor op.20 et Camille Saint-Saëns l'Adagio du Quatuor à cordes op.18 N°6. Richard Wagner, qui idolâtrait le maître, effectue en 1831 une réduction pour piano de la IXème Symphonie. Dans l'Adagio, joué ici, la mélodie, confiée d'abord dans sa grande simplicité à la main droite, s'amplifie en un magistral travail restituant l'ambiance de l'entier orchestre. Plus étonnante est la transcription par Moussorgsky du Lento assai du Quatuor N°16 op.135.

Cyprien Katsaris offre de toutes ces pièces des interprétations caractérisées par un jeu différencié, viril, architecturé, sans affectation, maniant l'ampleur et en même temps une infinie poésie. Il en émane un sentiment de simplicité dans une pulsation alliant tension et détente, et un spectre dynamique raisonnable qui use de la nuance fortissimo avec économie. La palette de couleurs est toute aussi soignée avec un usage modéré de la pédale et un souci de ne pas sombrer dans le percussif outrancier. Autrement dit une belle maîtrise des paroxysmes beethovéniens. Un chalenge au vu du panel de morceaux si divers abordés dans cette anthologie. Toutes ces prestations doivent beaucoup à l'instrument joué : un Bechtein Concert Grand qui sonne clair mais non brillant, aux aigus nets et aux graves non redondants. Sa belle mécanique laisse savourer la beauté d'un spectre sonore moiré, à certains égards pas si éloigné du pianoforte. Ce qui explique que bien des interprètes en fassent le choix, soucieux d'authenticité.

Les enregistrements, effectués à l'église Évangélique Saint-Marcel à Paris au cours de l'été 2019 (à l'exception de la sonate ''Clair de lune'', captée en 2016), témoignent d'une étonnante continuité sonore. A été privilégiée une acoustique très aérée, de concert. Le Bechtein, bien centré, est saisi dans toutes ses belles harmoniques.

Texte de Jean-Pierre Robert

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