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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Daniil Trifonov joue les concertos N°1 & N°3 de Rachmaninov

Daniil Trifonov Rachmaninov

  • Serge Rachmaninov : Concertos pour piano orchestre N°1 op. 1 & N°3 op.30
  • The Silver Sleigh Bells, op.35. Vocalise op. 34 N°14
  • Daniil Trifonov, piano
  • The Philadelphia Orchestra, dir. Yannick Nézet-Séguin
  • 1 CD Deutsche Grammophon : 00289 483 6617 (Distribution : Universal Music)
  • Durée du CD : 81 min
  • Note technique : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleue (5/5) 

Second volet de l'intégrale des concertos de piano de Rachmaninov, ce CD présente le Premier et le Troisième, ultime étape de la saga sur le thème du voyage entrepris par le pianiste Daniil Trifonov qui ne cache pas sa profonde admiration pour son compatriote russe. L'accompagnement prodigué par l'Orchestre de Philadelphie, une phalange qui est de longue date associée à la musique du compositeur, ajoute à l'aura de cet album. 

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Le Concerto pour piano N° 1 op. 1 est « l'œuvre d'un cœur passionné », souligne Daniil Trifonov. Écrit en 1891, il constitue un rare moment de félicité chez un musicien dont on connaît le caractère mélancolique. Et n'est pas éloigné de la forme et de l'esprit du Concerto de Grieg. Il doit aussi beaucoup à Chopin, estime Trifonov, « dans son implacable expression poétique ». Il le joue dans la version révisée de 1917 qui malgré une orchestration dense, a conservé l'esprit bondissant d'origine. Ainsi du Vivace qui s'ouvre en fanfare avec une entrée fracassante du soliste avant l'amorce du thème ample qui signera le reste de la pièce. Ce mouvement se caractérise par son exubérance, ses nombreux grands climax et ses traits de piano hautement virtuoses. L'Andante est expansif dans son introduction orchestrale d'où se détache la mélodie rêveuse du piano que Trifonov déploie sans inutile affectation. L'Allegro vivace final renoue avec l'énergie du début de l'œuvre. La partie soliste se complexifie quoique toujours transparente sous les doigts de Trifonov d'une fluidité cristalline. Le 2ème thème, plus ample, laisse au piano loisir d'une digression savante post-romantique, sans excès ici. Le tourbillon reprend et ses traits en fusées du clavier dans le registre aigu, de plus en plus joyeux. Toute cette exubérance contrôlée est magnifiée par l'exécution rien moins que transcendante de Daniil Trifonov.

Le Concerto pour piano N° 3 op. 30 est à l'opposé tout d'introspection, de nostalgie et même de spiritualité. Composé en 1909, il deviendra vite le plus prisé de la série. Ses proportions gargantuesques le qualifient, selon Trifonov, comme étant « l'entreprise la plus substantielle dans la littérature du piano ». Il offre ce paradoxe de comporter à la fois « une intimité solennelle » et un aspect maximaliste en termes de trame symphonique. Cette interprétation le démontre à l'envi. Passé l'intimisme de l'annonce du premier thème de l'Allegro initial, se révèle un questionnement dans l'échange entre soliste et orchestre. De fulgurantes accélérations réchauffent une dramaturgie basée sur une mélodie sans fin. La cadence centrale déploie une puissance inouïe sans que le jeu lumineux du pianiste russe soit délibérément percussif. L'Intermezzo adagio est une « méditation nostalgique sur le passage du temps » dès sa longue introduction orchestrale d'où s'extrait la belle mélodie du piano, tressée avec une infinie délicatesse par Trifonov. Et l'amplification au médian du mouvement est magistralement jugée par le pianiste et le chef, comme l'est cette manière élégante dans le passage dansé qui traverse le mouvement. Le Finale Alla breve qui s'enchaîne libère un formidable potentiel : passages fantasques du piano sur une orchestration colorée où la manière de Trifonov est une merveille de légèreté mêlée à des traits d'une rare véhémence, comme dans la péroraison littéralement cravachée.

Ici comme dans l'autre concerto, la vision a grande allure entre les mains des présents interprètes. Et la riche sonorité de l'orchestre ajoute au prestige de ces exécutions. Il faut rappeler qu'entre le Philadelphia Orchestra et Serge Rachmaninov, c'est une longue histoire qui remonte aux années 1920, lorsque le compositeur joua son Troisième Concerto avec eux et la complicité de Leopold Stokowski. C'est aussi avec les ''fabulous Philadelphians'' que fut créé en 1927 le Quatrième Concerto.  

Trifonov a eu la belle idée de faire précéder chacun des concertos par une pièce solo, au demeurant transcrite de sa main, qui en annonce l'esprit. Celle précédant le Premier Concerto, The Silver Sleigh Bells (les clochettes d'argent), est placée sous le signe des cloches, symbole mythique s'il en est dans la musique russe, celle de Rachmaninov singulièrement. Conçu pour l'orchestre, le morceau est, selon Trifonov, quasi pianistique et appelle sa transcription pour l'instrument seul. Son effervescence hyper virtuose anticipe le climat du concerto. Vocalise op. 34 N° 14 annonce celui tragique du Troisième Concerto. Dernière du cycle de 14 romances pour voix et piano op. 34 (1912), cette pièce est conçue comme une longue mélodie murmurée sans mots. À propos de sa transcription pour piano, dans le registre grave de l'instrument, le pianiste remarque que « ce n'est pas une romance au sens d'un poème d'amour romantique », mais plutôt « l'expression d'un état spirituel ».    

L'enregistrement des concertos au Kimmel Center de Philadelphie, dont le 3ème en live, est d'un opulent relief. Le piano est saisi dans une large perspective libérant toutes ses harmoniques, enveloppé dans une grandiose texture orchestrale. Les deux pièces solo bénéficient de pareil traitement.

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Texte de Jean-Pierre Robert

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