CD : ''Le Temps retrouvé'', œuvres pour violon et piano
- Eugène Ysaÿe : Caprice d'après l'Étude en forme de valse op.52 n°6 de Saint- Saëns
- Claude Debussy : Sonate pour violon et piano
- Ernest Chausson : Poème op. 25 (version pour violon et piano)
- Camille Saint-Saëns : Sonate pour violon et piano N° 1, op. 75
- Reynaldo Hahn : Nocturne pour violon et piano
- Li-Kung Kuo (violon), Cédric Lorel (piano)
- 1 CD Cadence brillante : ACB002 (www.cadencebrillante.com)
- Durée du CD : 64 min 58 s
- Note technique : (4/5)
Un nouveau label qui se propose d'investiguer le répertoire de la musique de chambre, de jeunes interprètes issus de l'École normale de Musique et du CNSM de Paris, voilà de quoi susciter l'intérêt et attirer la sympathie ! D'autant que cet album focalise sur une rencontre musico-littéraire, le fil rouge étant la pièce pour violon et piano, un genre intimiste s'il en est, propice aux épanchements de l'âme.
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Les deux artistes ont concocté un programme dans l'intimité d'un salon de musique parisien au tournant du XIXème et du XXème siècle. Où sensibilités musicale et littéraire se conjuguent, en particulier dans le sillage de Marcel Proust. Ainsi de la première sonate de violon de Saint-Saëns, qui fournira à l'auteur de A la recherche du temps perdu matière à la fameuse ''Sonate de Vinteuil''. Mais aussi avec Chausson, Debussy et Reynaldo Hahn, un incontournable lorsqu'il s'agit de musique à la mode. En filigrane apparaît un autre musicien : Eugène Ysaÿe, qui violoniste réputé, créa le Poème pour violon et orchestre de Chausson. Est joué ici un de ses morceaux hautement virtuoses, Caprice d'après l'Étude en forme de valse op. 52 n° 6 de Saint-Saëns.
La Sonate pour violon et piano N°1 op. 75, que Saint-Saëns achève en 1885, est de facture originale puisqu'en deux parties, elles-mêmes duelles. La ''petite phrase'' de la ''Sonate de Vinteuil'', chez Proust, ferait référence au 2ème thème élégiaque de l'Allegro energico, lequel tranche avec le premier, emporté et modulant. L'Adagio est élégant et combien mélodieux, jusqu'à une coda apaisée. La seconde partie de l'œuvre s'ouvre par un Allegretto moderato, sorte de scherzo très dansant, et se poursuit par un Allegro molto en forme de perpetuum mobile, pris ici presto avec un entrain communicatif : une course folle tempérée de quelques répits qui en soutiennent l'intérêt, pour une fin festive que le tempo effréné adopté par les deux interprètes rend proprement irrésistible. Dans le Poème de Chausson op. 25 (1896), joué ici dans la transcription pour violon et piano effectuée dès l'origine par son auteur, plane une souveraine mélancolie, et ce dès les premières mesures où s'incruste la poignante mélodie du violon. La cadence qui suit s'anime pour atteindre les contrées suraiguës. Dans les climax de la partie centrale, le traitement pianistique n'est pas moins efficace que l'appareil orchestral de la version bien connue de la pièce.
Du Nocturne pour violon et piano de Reynaldo Hahn (1905) émane une immédiate séduction : celle d'un musicien qui sait toucher la corde sensible et magistralement écrire pour les deux instruments. Ainsi de la section médiane d'une ineffable beauté. La Sonate pour violon et piano de Debussy (1917) offre la quintessence de l'inspiration tardive du maître français. Dans cette œuvre qui lui causa tant de peine et qu'il crut ne pas pouvoir terminer, le musicien livre une écriture dépouillée. Le tragique y côtoie la fantaisie, une association combien improbable compte tenu des circonstances, l'état de guerre et la maladie. L'Allegro vivo se partage entre douloureux et tendre jusqu'à cette fin presque en rupture, d'une étonnante modernité pour l'époque. L''Intermède'', marqué ''fantasque et léger'', effectivement plein de fantaisie, quoique pris ici de manière modérée, et le ''Finale'', ''Très animé'', sont d'un raffinement extrême.
Le taïwanais Li-Kung Kuo et le français Cédric Lorel donnent de ces pièces si attachantes des interprétations pensées à l'aune d'un intimisme de bon aloi. La technique éprouvée du violoniste et sa fine sensibilité le voient à l'aise aussi bien dans la virtuosité que dans le lyrisme. Le pianisme de son partenaire est pareillement irréprochable : le son feutré sert admirablement cette approche toute de complicité. L'enregistrement, à la Ferme de Villefavard, offre une ambiance un peu mate et une image sonore pas assez fondue du fait d'un placement par trop distinct de l'un et l'autre des instruments.
Texte de Jean-Pierre Robert
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