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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Isis, tragédie en musique de Lully

Isis Lully

  • Jean-Baptiste Lully : Isis, tragédie en musique en un prologue et cinq actes. Livret de Philippe Quinault, d'après ''Les Métamorphoses'' d'Ovide
  • Ève-Maud Hubeaux, Io/Isis, Thalie,
  • Cyril Auvity, Apollon, Ier triton, Pirante, La Furie, La Famine, L'Inondation, 2ème Parque, 1er berger,
  • Aimery Lefèvre, Hiérax, 2ème conducteur de Chalybes
  • Ambroisine Bré, Calliope, Iris, Syrinx, Hébé, 1ère Parque
  • Bénédicte Tauran, La Renommée, Melpomène, Mycène, Junon
  • Edwin Crossley-Mercer, Jupiter, Pan
  • Fabien Hyon, 2ème triton, Mercure, 2ème berger, 1er Conducteur de Chalybes, Les Maladies languissantes
  • Philippe Estèphe, Neptune, Argus, 3ème Parque, La Guerre, L'Incendie, Les Maladies languissantes
  • Julie Calbète & Julie Vercauteren, Deux nymphes
  • Chœur de chambre de Namur, Leonardo García Alarcón & Thibaut Lenaerts, chefs de chœur
  • Les Talens Lyriques, dir. Christophe Rousset
  • 2 CDs Aparté : AP 216 (Distribution : PIAS)
  • Durée des CD : 77 min + 79 min
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rouge (5/5) 

Poursuivant son exploration des œuvres lyriques de Lully, Christophe Rousset aborde Isis. Avec le talent qu'on lui connaît et une équipe de musiciens, choristes et chanteurs aguerris à ce langage si particulier du Grand siècle, devenu comme une seconde nature pour la jeune génération. Enregistrée en parallèle au concert donné au Festival de Beaune 2019, cette version impose ses immenses mérites.

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Isis est la cinquième et dernière collaboration entre Lully et Philippe Quinault, son librettiste jusqu'alors attitré. Qui s'inspire du Livre I des Métamorphoses d'Ovide. Cette nouvelle tragédie en musique vient juste après Atys. La création, en 1677 à Saint-Germain-en-Laye, sera un demi-succès. Car le sujet mythologique, nanti d'une dramaturgie relativement mince, se prête peu à la forme de la tragédie lyrique : une énième frasque amoureuse du dieu Jupiter qui s'éprend, cette fois, de la nymphe Io, laquelle sera persécutée par la jalouse Junon, mais reçue au rang des divinités célestes sous le nom d'Isis. L'œuvre donnera lieu pourtant à des parodies, en particulier du prolixe Louis Fuzelier, qui s'attachera à décrypter ce qui dans l'opéra, ressortit de sous-entendus plus que clairs d'un fait divers réel, savoir la jalousie de la favorite Mme de Montespan, vexée par le commerce amoureux de Louis XIV avec une certaine Mme de Ludres. L'opéra en cinq actes et un prologue, selon les canons en vigueur, fait une large place aux divertissements instrumentaux. La musique en est savante, au point qu'on a pu qualifier l'œuvre d' ''opéra des musiciens'' : une déclamation chantée très ornementée sous forme de récitatifs accompagnés du continuo auxquels s'enchaînent des airs plutôt courts sur la ritournelle symphonique. Elle se distingue par des tournures remarquables, notamment de la flûte. Une originale scène de théâtre sur le théâtre intervient à l'acte III pour illustrer un dialogue amoureux parodique entre Syrinx et Pan, singeant celui de Jupiter et d'Isis, sur ces mots « Aimons sans cesse/ N'aimons jamais », à l'issue duquel Syrinx est transformée en roseau. Un autre passage mémorable est le début de l'acte IV dont le prélude puis le ''chœur des peuples des climats glacés'' annoncent la fameuse scène de froid de la tragédie Les Boréades de Rameau : une diction répétée en tremblements imitant le grelottement de froid. Auquel fait contraste la scène 3 du même acte, qui figure le martèlement des forges des Chalybes sur un tempo haletant. La magnifique scène des Parques qui suit préfigure celle d' Hippolyte et Aricie de Rameau.

Isis Christophe Rousset 
Christophe Rousset ©DR 

Christophe Rousset apporte à cette pièce son immense expertise de la musique de Lully : solennité des introductions, avec les fanfares de trompettes, vitalité des divertissements, partagés entre l'élégiaque ou les accès d'agitation, comme à l'acte IV. À cela s'ajoutent les couleurs de son ensemble des Talens Lyriques, combien séduisantes tant aux cordes qu'aux bois, dont la flûte de François Lazarevitch, qui joue aussi de la musette. Rousset favorise de la part des solistes vocaux et des choristes une déclamation naturelle, sans emphase autre que celle requise par les ornementations inhérentes au style lullyste. Sa distribution est d'une exemplaire homogénéité, offrant notamment un panel diversifié de timbres dans chaque tessiture. Et sachant que chaque chanteur est amené à interpréter plusieurs rôles. Ève-Maud Hubeaux offre un timbre de mezzo éclatant dont elle use avec tonicité, ce qui confère au personnage d'Io/Isis un relief saisissant, loin d'une pâle égérie, pour atteindre les plus fiers accents tragiques, notamment dans le monologue du dernier acte, d'une ampleur dramatique insoupçonnée. Les sopranos, Ambroisine Bré (Syrinx, Hébé, Calliope) et Bénédicte Tauran, vindicative Junon mais aussi Melpomène ou Mycène, rivalisent de lustre vocal comme d'impact dramatique. Pour ce qui est des ténors, on admire le timbre solaire de Cyril Auvity (Apollon, Priante, entre autres), comme celui de Fabien Hayon, plus clair encore, lequel campe avec aplomb des personnages aussi divers que le sardonique Mercure, triton, berger et autre Chalybe. Chez les barytons, Aimery Lefèvre (Hiérax, Chalybe) se situe dans un registre plus clair, tandis que Edwin Crossley-Mercer (Jupiter, Pan) frôle la basse, quoique se montrant à l'occasion moins sûr dans les intonations que naguère. En un mot, une pléiade d'interprètes rompus à ce style spécifique, alliant justesse d'accents et rectitude dans la diction. Il en va de même du Chœur de chambre de Namur, préparé par Leonardo García Alarcón et Thibaut Lenaerts, qui s'avère d'une exceptionnelle efficacité, jusque dans des pianissimos envoûtants. 

L'enregistrement, à la Salle Gaveau en juillet 2019, en parallèle au concert donné au Festival de Beaune, se signale par son naturel : une ambiance ''à taille humaine'', sans excès dans la prise de son. L'image sonore, large et d'un beau relief, met en valeur orchestre et voix, ces dernières placées dans une discrète mais efficace mise en espace. Le chœur est lui aussi saisi dans une belle transparence. 

À noter que l'opéra sera donné par les mêmes interprètes, en version de concert, au Théâtre des Champs-Elysées le 6 décembre prochain.

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Texte de Jean-Pierre Robert

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