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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Brahms par le Quatuor Hagen

Brahms Quatuor Hagen

  • Johannes Brahms : Quatuor à cordes N° 3 op. 67 en si bémol majeur. Quintette pour piano et cordes op. 34 en fa mineur
  • Kirill Gerstein, piano
  • Hagen Quartett
  • 1 CD Myrios classics : MYR021 (Distribution : PIAS)
  • Durée du CD : 80 min 17 s
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5) 

Les Hagen se font rares au disque. Aussi cette nouvelle parution consacrée à Brahms est-elle d'importance. Elle rapproche le troisième quatuor à cordes et le quintette pour piano. Et suscite l'admiration et quelques surprises dans les choix interprétatifs. 

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Johannes Brahms achève son Quatuor N° 3 op. 67 en 1875. L'atmosphère y est plus ''légère'' que dans les deux opus précédents, viennoise comme d'aucuns l'ont prétendu. Raffinée en tout cas dans la présente interprétation du Quatuor Hagen qui se refuse à un romantisme facile. Le Vivace donne le ton dès son premier thème en fanfare, réminiscence du quatuor ''La chasse'' de Mozart. L'entier mouvement sera très contrasté dans cette lecture qui alterne passages de pur bonheur et moments d'ombre et de doute, comme lors de ces traits sotto voce joués très doux et pianissimo. Car le développement illustre un traitement extrêmement libre. L'Andante, pris confortable, quasi adagio au début, bénéficie de la sonorité souveraine, aérienne, de Lukas Hagen dans la longue cantilène du violon I. Il y a là comme une romance recueillie et tout finit dans la plus grande sérénité. À l'Agitato, qui voit l'alto souvent traité comme un soliste accompagné des trois autres voix en sourdine, brille le bel instrument de Veronika Hagen. On a affaire ici plutôt à un intermezzo qu'à un scherzo, d'abord agité puis élégiaque dans une manière rhapsodique et une inspiration populaire. La section Trio fait là encore la part belle à l'alto. Le finale Poco Allegretto con variazioni voit le thème pris retenu par les Hagen, ce qui fait ressortir son caractère simple de Volkslied. Les huit variations sont enchaînées avec un rare sens de la continuité et le souci du contrepoint. Voilà une interprétation extrêmement pensée et d'un grand raffinement, que la qualité superlative des instrumentistes pare d'une aura de transparence.

Il en va de même du Quintette pour piano et cordes op. 34 en fa mineur. Ce qui passe pour une des œuvres les plus populaires de Brahms connut une genèse complexe. À l'origine, le musicien conçoit, en 1862, un quintette à cordes, qui sera très critiqué par le violoniste ami Joseph Joachim. L'œuvre connaît alors un arrangement en une sonate pour deux pianos, elle aussi critiquée, notamment par Clara Schumann. Une nouvelle adaptation pour quintette avec piano voit le jour en 1865, à la satisfaction générale. C'est que la pièce révèle dans cette configuration une nouvelle intensité de par son foisonnement thématique et un savant équilibre entre le clavier et les cordes. Ce qui n'est pas sans constituer un sérieux chalenge pour ses interprètes. Le Quatuor Hagen et le pianiste Kirill Gerstein le disputent haut la main par une vision d'un étonnant relief, mûrement réfléchie, souverainement travaillée, qui fait son miel du subtil alliage entre mélodie et rythme, au cœur de cette composition. Ainsi, de l'Andante qui domine l'œuvre par ses imposantes proportions et sa richesse thématique dont un premier thème d'une belle vigueur et un second très mélodieux. Le développement très modulant se pare d'une grande souplesse et la longue coda connaît une sûre accélération pour retrouver le tempo énergique du début du mouvement. L'Andante, un poco Adagio, est lyrique, mené par le piano expressif de Kirill Gerstein, un brin mélancolique. Le Scherzo à la scansion véhémente, presque haletante, est mené tout autant par le piano sans que les arêtes ne soient trop vives, comme souvent. Son caractère nordique, fantastique, presque épique, n'en ressort que plus évident. La section en Trio, brève, contraste par son chant de caractère populaire, et la reprise est tout aussi volontariste. Le Finale offre une richesse plus grande encore et une complexité compositionnelle audacieuse. Il s'ouvre par un Poco sostenuto, partie introductive, de l'ombre vers la lumière. Suit un épisode Allegro que les présents interprètes articulent et dont ils poussent le contraste au maximum jusqu'à une section Presto qui, débutée piano, s'emballe gagnant une vraie fièvre jusqu'à une péroraison éclatante.

Là encore le souci de raffinement prime sur une approche germanique, singulièrement dans les transitions. Les Hagen explorent la richesse du dessin sans pour autant renoncer à la puissance expressive, laissant à la musique sa naturelle grandeur. Une synthèse sans doute entre Schubert pour la profusion thématique, et Beethoven quant à la structuration de l'œuvre. Comme toujours chez eux, chaque séquence est hautement pensée et le résultat quintessencié. Le piano connaît pareille distinction et le jeu de Kirill Gerstein s'intègre parfaitement dans cette vision, ne cherchant pas à tirer la couverture à soi. Ce qui confère à cette exécution une place de choix dans la discographie du quintette.  

Les enregistrements, qui remontent curieusement à 2014, effectués d'une part à Cologne (quintette), en coopération avec la Deutschlanfunk, d'autre part à Brème (quatuor), se caractérisent par leur immédiateté et une extrême fidélité dans la restitution des quatre voix. S'agissant du quintette, la balance piano-cordes est finement jugée, dans une acoustique plus ouverte.

À noter que les Hagen et Kirill Gerstein joueront le Quintette de Brahms le 19 janvier 2020 à 16h 30, à la Cité de la musique, dans le cadre de la Biennale du quatuor à cordes de la Philharmonie de Paris. Au programme également : le Quatuor à cordes N° 3 de Bartók et le Quatuor N° 16 op. 135 de Beethoven.

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Texte de Jean-Pierre Robert

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