CD : trois Grands Motets de Lully
- Jean-Baptiste Lully : Dies Irae, LVW. 64/1. De Profundis, LVW. 62. Te Deum, LVW. 55
- Sophie Junker, Judith van Wanroij (dessus), Mathias Vidal, Cyril Auvity (hautes-contre), Thibaut Lenaerts (taille), Alain Buet (basse taille)
- Chœur de chambre de Namur
- Millenium Orchestra, Capella Mediterranea dir. Leonardo García Alarcón
- 1 CD Alpha : Alpha 444 (Distribution : Outhere Music)
- Coproduction avec le Centre de Musique baroque de Versailles
- Durée du CD : 82 min 50 s
- Note technique : (5/5)
Comme Charpentier, de Lalande ou encore Du Mont, Lully s'est fait le chantre du Grand Motet au siècle de Louis XIV. Il en développa le genre vers le motet d'apparat adapté aux grandes cérémonies de la cour, fresque impressionnante à la louange aussi bien du créateur que du roi. Ce CD au minutage généreux propose trois partitions majeures. Dans des interprétations enthousiasmantes sous la baguette de Leonardo García Alarcón.
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Le Motet De Profundis a été écrit en 1683 à la faveur des épreuves de recrutement des postes de sous-maître de la chapelle royale. Louis XIV fut si enthousiaste du résultat qu'il sera décidé de le jouer peu après à Saint-Denis pour les grandioses funérailles de la reine Marie-Thérèse. On y admire la belle harmonie entre les deux chœurs. Par exemple pour ce qui est des mots ''speravit Israel in Domino'' (Israël espère au Seigneur) du second verset, répétés avec insistance à plusieurs reprises. Le motet s'achève avec le verset ''Requiem aeternam'' sur une note profondément attristée qui pourtant semble se résoudre dans une péroraison presque allègre. L'interaction entre chœur et solistes y est tout aussi remarquable. Le motet Dies Irae fut composé pour la même cérémonie des funérailles de la reine de France et complétait le De Profundis. Le ''Lacrymosa Dies illa'' en est la section la plus développée, introduite par un partie instrumentale plaintive offrant aux solistes un écrin de choix. Il se conclut par un ''Pie Jesu Domine'' serein qu'introduit le ténor, et que suit une grandiose conclusion chorale.
Le Te Deum est sûrement le plus célèbre des grands motets écrits par Lully. Il connaît sa première exécution à Fontainebleau le 9 septembre 1677, à l'occasion du baptême du fils aîné du musicien, dont parrain et marraine n'étaient autres que le couple royal. Ce qu'on appelle l'hymne de Saint Ambroise restera le motet préféré de Louis XIV. De par sa rutilance comme ses vastes proportions, il n'a rien à envier au Te Deum de Charpentier, dont la postérité assurera un plus fort retentissement, publicité oblige. Le verset ''Te Deum laudamus'' est introduit par une fanfare animée qui vient en contrepoint du continuo. Le ''Pleni sunt caeli et terra'' est joyeux et va de l'avant. Au ''Tu Rex gloriae, Christe'' (Ô Jésus, vous êtes le Roi de gloire), s'installe une sorte de dialogue en répons entre ténor et basse, le premier pianissimo et lent, le second plus résolu. L'introduction instrumentale du verset ''Te ergo quaesumus, tuis famulis subveni'' (Nous vous prions donc de secourir vos serviteurs) est d'une indicible beauté, laissant place au doux chant du ténor que rejoignent les autres solistes dans des mélismes d'une haute expressivité jusqu'à une fin glorieuse. Une telle vivacité se retrouve dans le verset ''Salvum fac populum tuum, Domine'' (Seigneur, sauvez votre peuple) que relaie la fanfare.
L'interprétation de ces trois pièces est rien moins qu'enthousiasmante. Car Leonardo García Alarcón montre une totale empathie pour cet idiome de musique française du Grand siècle, qui se confirme au fil de ses prestations, et encore récemment dans la production des Indes Galantes de Rameau à l'Opéra Bastille. Le résultat est chatoyant, du fait de la souplesse de la battue et du respect méticuleux des accents qui animent ces musiques a priori austères, mais qui en fait ne le sont pas. Le sens de l'architecture est là, singulièrement dans le Te Deum. Et on peut même parler de joie communicative, de sens de l'évènement, dans ce flux souvent inextinguible. Sans parler des belles couleurs instrumentales du continuo. Le Chœur de chambre de Namur est tout simplement génial, eu égard à une prodigieuse précision. García Alarcón favorise de la part de ses solistes une diction légèrement affectée. Ainsi des hautes-contre Mathias Vidal, au timbre rayonnant, et Cyril Auvity, d'une clarté solaire lui aussi. Ou du baryton-basse d'Alain Buet et des deux sopranos Sophie Junker et Judith van Wanroij, tous habitués de cet idiome qui pour être emphatique, n'a rien de précieux quel que soit le registre, de la puissance ou de la douceur.
L'enregistrement, à la Chapelle royale du Château de Versailles, est une fière réussite. Car il n'est pas si aisé d'achever une prise de son satisfaisante dans une acoustique aussi réverbérante. Celle-ci est pourtant maîtrisée en une ambiance aérée qui sied à ces musiques écrites pour l'église, et ménage une vraie spatialité dans l'étagement des divers plans. Chœurs, orchestre et solistes ont un étonnant relief.
Texte de Jean-Pierre Robert
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