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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Sonates pour violoncelle de l'école russe

Rachmaninov Shostakovich Denisov

  • Serge Rachmaninov : Sonate pour violoncelle et piano op. 19
  • Dimitri Chostakovitch : Sonate pour violoncelle et piano op. 40
  • Edison Denisov : Variations sur un thème de Schubert
  • Victor Julien-Laferrière, violoncelle, Jonas Vitaud, piano
  • 1 CD Alpha : Alpha 547 (Distribution : Outhere Music)
  • Durée du CD : 77 min 32 s
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5) 

Ce CD célèbre la vitalité de la sonate pour violoncelle chez les compositeurs russes, un instrument qui reflète le mieux « la voix intérieure russe », selon Boris Pasternak. Elle est illustrée par trois générations, avec les sonates de Rachmaninov et de Chostakovitch, mais aussi une pièce du moins connu Edison Denisov. Un duo de jeunes musiciens talentueux en sont les interprètes choisis.  

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Serge Rachmaninov écrit sa Sonate pour violoncelle et piano op. 19 en 1901, après le long silence qui suivit l'échec de sa Première symphonie. Un instrument que le compositeur privilégiera plus que le violon. Cette vaste pièce est un chef-d'œuvre de romantisme tardif. Ses quatre parties s'ouvrent par un imposant mouvement, lui-même introduit par un Lento sur un motif interrogateur, auquel fait suite un Allegro moderato installant un lyrisme fervent au piano, coutumier chez le musicien, vite rejoint par le violoncelle. La thématique est séduisante et la partie de corde traitée de manière très différentiée. Une sorte de cadence du piano relance le discours dans un climat plus fiévreux et la coda conclut brillamment. L'Allegro scherzando galope sans relâche, traversé d'éclairs de lyrisme. Il est basé sur le Lied du ''Roi des aulnes'' de Schubert. Le trio médian est lumineux, singulièrement pour ce qui est de la partie de violoncelle. L'Andante progresse comme un chant intime, d'abord au piano puis au violoncelle, dans un dialogue d'une belle expressivité. Le finale Allegro mosso dispense de généreuses cascades enflammées au piano et des phrases élégiaques du violoncelle, avec le sûr métier qu'on connaît au musicien russe.

La Sonate pour violoncelle en ré mineur op. 40 est la première œuvre de musique de chambre de Chostakovitch. Elle voit le jour fin 1934, après le retentissant succès de son opéra Lady Macbeth de Mzensk. Elle conquiert d'emblée les instrumentistes aussi bien russes qu'occidentaux, comme Pierre Fournier en France. Son style tranche avec la modernité de l'opéra et la manière radicale des œuvres contemporaines, dont celles pour piano. On peut dire qu'elle est conservatrice car profondément mélodique et d'un lyrisme presque à fleur de peau. Elle est également en quatre mouvements. L'Allegro non troppo s'articule en deux phases : d'abord une sorte de mélodie longue et sinueuse du violoncelle d'un généreux lyrisme. Puis le piano entonne un rythme de marche que reprend le cello, un peu inquiétant jusqu'au silence final. L'Allegro qui suit est un scherzo vif et percussif au piano débouchant sur un dialogue avec le violoncelle, celui-ci se voyant offrir des ornementations originales. L'allure est décidée, légèrement ironique. Un beau Largo vient alors, déployant la plainte du violoncelle, où l'on croise fugitivement une mélodie attristée empruntée au dernier acte de Lady Macbeth de Mzensk. Le ressenti est grave jusqu'à la péroraison pianissimo en apparence sereine. L'Allegro final et son rythme léger, primesautier presque, ne doivent pas tromper. Il y là de l'humour caustique que la faconde du piano ne fait que renforcer.

Beaucoup moins connu, Edison Denisov (1929-1996) doit sa carrière de compositeur à Chostakovitch. Il est resté rebelle, comme son maître, envers le pouvoir en place à Moscou. Il ne sera reconnu qu'après l'effondrement de l'Union soviétique. Il s'installera à Paris et travaillera au studio de musique électronique de l'IRCAM auprès de Boulez qu'il admirait. Son langage musical est très original, entre tradition et modernité, souvent déterminé par son admiration pour les grands maîtres du passé. Ainsi de ses Variations sur un thème de Schubert écrites en 1986. Elles sont dérivées du thème du Quatrième Impromptu D 935 en la bémol majeur. De façon très audacieuse, la partie de piano est enlacée dans celle de violoncelle, cultivant des différences de dynamique singulières. Chacun des deux protagonistes brode abondamment. Le ton est malgré tout paisible et l'on revient aisément au thème d'origine.

Ces trois œuvres très différentes sont jouées avec brio par deux jeunes talents : Victor Julien-Laferrière et Jonas Vitaud. Le premier, Premier prix du concours Reine Elisabeth à Bruxelles en 2017, puis nommé aux Victoires de la musique en 2018, a étudié, entre autres, auprès de Roland Pidoux au CNSMDP et de Clemens Hagen à Salzbourg. Il mène depuis lors une jolie carrière de concertiste. Le second, formé par Brigitte Engerer, lauréat de concours prestigieux comme l'ARD de Munich, a aussi à son actif de belles références. Leur association allie une sûre rigueur à une profonde musicalité. À la sonorité chaude et habitée du violoncelliste répond le raffinement de la palette du pianiste dont le toucher de velours fait merveille.

L'enregistrement, au Teldex Studio Berlin, offre une belle immédiateté, restituant le relief des deux instruments, le piano enlaçant magnifiquement le violoncelle.

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Texte de Jean-Pierre Robert  

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