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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : ''Le rêve et la terre'', de Debussy à Ginastera

Le reve et la terre

  • Claude Debussy : Petite Suite (orchestration : Henri Büsser). Prélude à l'après-midi d'un faune. Danses pour harpe et cordes
  • Alberto Ginastera : Suite de ballet ''Estancia''
  • Orchestre de Lutetia, dir. Alejandro Sandler
  • 1 CD Klarthe : K072 (Distribution : PIAS)
  • Durée du CD : 47 min 29 s
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5) 

Pour son premier disque, l'Orchestre de Lutetia offre un programme inédit associant deux figures majeures de la musique française et argentine, Debussy et Ginastra. Une audacieuse alliance entre la palette sonore délicate du premier et la nervosité inassouvie du second. Un intéressant voyage entre deux mondes et de magistrales exécutions.

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Une des pièces phares du jeune Debussy, le Prélude à l'après-midi d'un faune n'est plus à présenter. Il bénéficie ici d'une interprétation objective au galbe mélodique soigné. Le tempo en est mesuré, laissant à la flûte tout son pouvoir évocateur d'une journée ensoleillée et paresseuse. La partie médiane et son crescendo sont justement ménagés sans sollicitation, amenant le solo de violon puis la reprise de la flûte. Et la résolution est apaisée avec sa touche mystérieuse apportée par le discret tintement de la cloche d'argent. Les Danses pour harpe avec accompagnement d'orchestre d'instruments à cordes, créées en 1904, peu après la première de Pelléas et Mélisande, sont le fruit d'une commande de la firme Pleyel qui voulait promouvoir sa nouvelle harpe chromatique et ainsi concurrencer sa rivale Érard et son instrument diatonique. Elles se composent de deux parties jouées enchaînées, utilisant l'une et l'autre le rythme ternaire. ''Danse sacrée'' offre un archaïsme subtil, puisé aux modes grecs, qu'on retrouve par ailleurs chez Debussy, par exemple dans les Chansons de Bilitis. Il s'agit d'une sarabande dans un tempo modéré où la harpe semble improviser sur un accompagnement transparent des cordes. ''Danse profane'' impose une valse tour à tour méditative et enjôleuse. Caroline Lieby excelle par un jeu aérien et habité. Les cordes de l'Orchestre de Lutetia lui font le plus magique des écrins. La Petite Suite, originellement pour piano à quatre mains, de 1899, a été orchestrée en 1907 par l'organiste, chef d'orchestre et compositeur Henri Büsser, ami de Debussy. Cette succession de quatre courtes pièces, en apparence faciles, n'en démontre pas moins une savante écriture, magnifiée par l'orchestration translucide de Büsser. Les deux premières, inspirées des ''Fêtes galantes'' de Verlaine, installent une clarté toute gallique dissimulant une complexité de la forme : ''En Bateau'' offre un rythme joliment balancé et évocateur, surtout lorsque pris assez lent et suggestif comme ici. ''Cortège'' et son babil des bois forment une sorte de scherzo, les cordes en léger appui, jusqu'à une explosion finale éclatante. Le ''Menuet'' s'inscrit dans la belle tradition du menuet à la française. ''Ballet'', aussi entraînant qu'une pièce de Chabrier, conclut sur une valse aux rythmes changeants. 

Alberto Ginastera (1916-1983) est un des grands compositeurs sud américains. Sous l'influence de Bartók, du jeune Stravinsky, mais aussi d’Aaron Copland, sa musique est traversée d'une énergie débordante. Il s'est essayé à plusieurs genres, dont la musique de ballet. Commande d'un célèbre imprésario américain, en 1941, le ballet Estancia ne sera créé qu'en 1952. Entre temps, Ginastera en tirera une suite pour orchestre qui sera donnée en 1943 à Buenos Aires. Comme le ballet intégral, cette suite décrit la vie des gauchos dans la Pampa argentine, au fil de quatre séquences contrastées. ''Los trabajadores agricolos'' (les travailleurs agricoles) est un morceau très dynamique, motorique. ''Danza del trigo'' (danse du blé), d'un rythme plus mesuré, est mélancolique, doté d'un beau solo de flûte. ''Los peones de hacienda'' (les éleveurs) décrit l'épopée des gauchos et une sorte de rodéo, là encore très rythmé aux timbales notamment jusqu'à un formidable cluster final. ''Danza final'', dans un mouvement tournoyant, fébrile, de tout un orchestre en folie, est un malambo, danse typique argentine, que rien ne semble pouvoir arrêter. Là encore, les martèlements des timbales symbolisent les claquements au sol de pieds des hommes de la Pampa.

Ces couleurs et ces rythmes endiablés sont comme familiers aux musiciens de l'Orchestre de Lutetia, tout comme ceux-ci épousent avec bonheur la fine palette debussyste. Fondé en 2011 par le chef d'orchestre argentin Alejandro Sandler, l'ensemble est constitué de jeunes musiciens diplômés des grands conservatoires européens ou issus de formations françaises comme le Philharmonique de Radio France, l'Opéra de Paris ou Les Siècles. La sonorité est riche, transparente et d'une belle cohérence, sous la baguette inspirée de leur chef.            

Effectuée à l'auditorium du conservatoire de Châtillon, la prise de son offre une belle opulence dans une ambiance très aérée. La harpe, dans les Danses de Debussy, est bien mise en valeur.

Texte de Jean-Pierre Robert

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