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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

Concert : une intégrale des concertos de violon de Mozart qui propose une autre vision

LesDissonances
Les Dissonances et David Grimal ©DR

  • Wolfgang Amadé Mozart : Les cinq concertos pour violon et orchestre, K 207, K 211, K 216, K 218, K 219
  • Les Dissonances, violon & direction : David Grimal
  • Cité de la Musique et de la Danse, Soissons, dimanche 29 septembre 2019 à 16 h 

L'exécution intégrale en un seul concert des cinq concertos de violon de Mozart est assez rare. Aussi faut-il saluer celle que donnait David Grimal et son ensemble Les Dissonances à la Cité de la Musique et de la Danse de Soissons, dans le cadre du Festival de Laon. Alors surtout qu'elle révèle une interprétation très pensée de la part d'un musicien et de ses comparses qui ont réellement quelque chose à dire, même si elle se présente comme fort différente des lectures habituelles.

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Mozart a composé ses concertos de violon en un laps de temps restreint, entre avril et décembre 1775, dans le cadre de son ''service'' salzbourgeois pour le compte du Prince archevêque Colloredo. Il n'y reviendra plus ensuite, malgré un ou deux essais non menés à terme. On sait David Grimal rechercher une certaine forme d'authenticité. Et une manière de jouer pas spécifiquement « historiquement informée », encore moins fondée sur une soi-disant fidélité, mais plus profondément basée sur la lisibilité du texte, sur l'émotion qui doit passer de l'interprète à l'auditeur. D'où des prises de liberté en termes de tempos et d'accents, et de respiration. David Grimal et ses musiciens jouent sur des violons modernes mais utilisent des archets classiques, dans un souci de meilleure articulation. Il a recours à une formation restreinte : 9 violons I & II, 3 altos, 2 violoncelles, une basse, et deux cors, deux hautbois et plus sporadiquement deux flûtes. Il joue les cadences écrites par le compositeur Brice Pauset (*1965). Ces paramètres confèrent au discours une tonalité différente de l'écoute habituelle. Ainsi dans ses cadences, Pauset travaille-t-il habilement sur la thématique et ne cède pas aux sirènes d'une modernité qui surajouterait à l'idée d'origine. Il met en valeur le soliste sans le vouloir plus brillant qu'il se doit, en étant proche de l'esprit du mouvement avec lequel la cadence fait corps, sans renoncer à insérer quelques traits plus virtuoses. 

Cette succession de cinq pièces révèle une savante progression de la pensée et de l'art de jouer le violon, qu'on perçoit d'autant mieux lorsqu'elles sont jouées les unes à la suite des autres. Les deux premiers concertos, selon Grimal, se ressentent d'une influence italienne. Le Premier concerto K 207, sans doute un travail alimentaire de Mozart pour le « patron » Colloredo, présente un caractère de sérénade. Grimal adopte d'emblée un discours vivant très articulé, libérant vite un sentiment d'allégresse qui baigne les deux mouvements extrêmes, dont le Presto final. Le style galant, pas spécialement mis en exergue par le violoniste, se fait déjà moins présent dans le Concerto N° 2 K 211, car la forme française l'emporte, toute de limpidité, même si l'orchestre a un rôle ténu. Grimal fait un sort quasi gourmand à cette pièce dans le dialogue violon-tutti. Les cadences ornementées ne rechignent pas devant une pointe d'humour. Avec le Troisième concerto K 216, on aborde un autre braquet. Et Grimal démontre pleinement sa manière décapante : l'Allegro ne s'appesantit pas et le soliste en ressort avec un vrai naturel. Le discours se cale peu à peu dans un tempo vif qui ne cherche pas à s'attarder sur quelque joliesse. À l'Adagio, les cordes en sourdine préparent un écrin de choix au soliste. Sa cantilène, inspirée d'une pavane française, se développe avec allant, singulièrement à travers un subtil dialogue avec la flûte, qui fait son apparition ici pour ne plus reparaître ensuite. Le final ''Rondeau'' affiche de la bonne humeur à revendre avec son lot de surprises au fil d'une sorte de pot-pourri de rythmes et de modes divers, pizzicatos des cordes, jusqu'à cet accord ultime en points de suspension.

David Grimal
David Grimal ©DR 

Le Quatrième concerto, K 218, dans le droit fil des pièces violonistiques de Boccherini, confère au soliste une plus grande importance encore. Grimal joue l'Allegro très alerte et rapide, quasi presto, et se montre un soliste volubile. On est bien loin d'un discours convenu. Il prend l'Andante cantabile de manière soutenue, mais cela chante tout autant sans verser dans une quelconque galanterie. Le Rondo final est facétieux, presque subversif. Le Cinquième Concerto K 219 couronne cette belle entreprise. L'Allegro « aperto » va de l'avant dans sa joyeuse ritournelle d'entrée. Le soliste y intercale sa phrase lente si inattendue, marque de l'immense inventivité de Mozart, souligne Grimal, avant de se lancer dans une démarche au tempo plus que soutenu. L'Adagio laisse entendre sa « petite musique » joliment nostalgique frôlant le tragique. Le Rondo final, Tempo di Menuetto, et ses diverses séquences sont fort subtilement ménagés : premier thème urbain, deuxième plus marqué de sa « turquerie » endiablée, comme martelée avec soulignement des cors, coda marquant le triomphe de l'inspiration inépuisable de Mozart. 

D'une manière générale, ces exécutions qui favorisent des tempos souvent rapides, confèrent une vivacité extrême au discours, une joie de vivre qui n'en fait que mieux ressortir l'alternance des moments élégiaques et pathétiques dont ces partitions sont traversées. On y admire la beauté solaire et la rondeur du son d'un violoniste d'exception, encore mises en valeur dans le prélude de Bach qu'il offre en bis à un auditoire conquis. Et la formidable cohésion d'un groupe qui joue sans chef, sous la houlette de sa première violon, et de son soliste, ici primus inter pares plus que star de l'archet. Comme la qualité instrumentale de tout un chacun, une volonté de clarté de la texture, des accents volontairement soulignés avec goût, et souvent là où on ne les attend pas, une intéressante dramatisation des diverses séquences où rien ne frôle la sécheresse. Encore moins une quelconque once de routine. En un mot, la fraîcheur de jouer ! Qu'on peut retrouver dans la magistrale version CD de ces concertos, parue en 2015 sous le propre label de l'ensemble Les Dissonances (LD 006).

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À noter que le festival de Laon se poursuit jusqu'au 9 novembre prochain. Avec des concerts de musique symphonique : le 3 novembre, à Soissons, l'Orchestre de Picardie dirigé par Arie van Beek, avec le celliste Edgard Moreau, puis l'Orchestre national de Lille, le 8 novembre, sous la direction de Jean-Claude Casadesus, et Tedi Papavrami dans le concerto de violon de Mendelssohn. Mais aussi des concerts de chambre : Jean-François Heisser et Marie-Josèphe Jude, le 4 octobre à la Maison des Arts et loisirs de Laon, qui accueillera encore, le 3 novembre, le trio formé par Philippe Cassard, Anne Gastinel et David Grimal pour des trios de Beethoven. Anne Queffélec sera en récital le 18 octobre au Conservatoire de Laon (www.festival-laon.fr).

Texte de Jean-Pierre Robert



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