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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Il giardino dei sospiri

Magdalena Kozena Il giardino dei sospiri

  • Benedetto Marcello : Cantate ''Arianna abandonata''
  • Leonardo Leo : Cantate ''Angelica e Medoro''
  • Goerge Friedrich Haendel : cantate '' Qual ti riveggio oh Dio'', HWV 150. Sinfonia tirée d' ''Agrippina'', HWV 6
  • Leonardo Vinci : Sinfonia extraite de '' Maria dolorata''
  • Francesco Gasparini : Aria extraite d' ''Atalia''
  • Magdalena Kožená, mezzo-soprano
  • Collegium 1704, dir. Václav Luks
  • 1 CD Pentatone : PTC 5186-725 (Distribution : Outhere Music)
  • Durée du CD : 81 min 44 s
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rouge (5/5) 

Ce CD met en exergue le genre de la cantate de chambre baroque par un programme original puisé chez trois compositeurs représentant les écoles de Venise, de Naples et de Rome. Ce sont des scènes profanes illustrant l'amour tragique, portées par des héroïnes mythiques. Quelle meilleure interprète que l'émouvante Magdalena Kožená qui revient ici à son répertoire de prédilection. D'autant que merveilleusement accompagnée par le Collegium 1704 de Václav Luks, une formation tchèque parmi les plus éminentes du moment.

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Le ''jardin des émotions'' est le thème commun aux trois cantates profanes choisies, drames en miniature où l'héroïne aux prises avec la plus profonde douleur, exprime ses affects. Ce sont des figures épiques, à l'image d'Ariane, abandonnée par Thésée. Dans la cantate ''Arianna abandonata'', le vénitien Benedetto Marcello (1686-1739) propose une composition d'envergure constituée d'une ouverture, elle-même tripartite, et de deux arias précédées de récitatifs. La première aria dépeint le désespoir d'Ariane avec une grande profusion mélodique, dans un tempo mesuré laissant à l'accompagnement des cordes le soin d'enchâsser magiquement la voix. La seconde aria, rapide, est dans le style déclamatoire avec force ornementations, sauts d'intervalles et arpèges, montrant une héroïne presque rassérénée. Leonardo Leo (1694-1744), à Naples dans les années 1730, compose la cantate ''Angelica e Medoro''. Elle est écrite sur un texte de l'Orlando Furioso de l'Arioste, et l'empreinte de la nature y est essentielle pour décrire l'idylle que vivent les deux amants. On remarque la simplicité de la ligne vocale qui se mesure à un traitement imaginatif de la partie instrumentale. Dans la première aria, une variété de rythmes traduit les beautés de la nature alors que les deux protagonistes sont réfugiés dans une grotte au tomber du jour. Le récitatif qui suit renchérit sur cet aspect descriptif de l'environnement naturel, comme dans la légère ritournelle des cordes évoquant l'écoulement de l'eau. L'aria II, évocatrice d'un amour qui se veut indéfectible, offre un débit plus vif et des mélismes tout à fait originaux.

C'est sans doute à Rome que prospère le mieux le genre de la cantate de chambre, favorisé par nombre de mécènes, princes et cardinaux. Le jeune Haendel y compose en 1707 sa cantate '' Qual ti riveggio oh Dio'', pour le cardinal Ottoboni, qui en aurait lui-même écrit le texte. Elle conte l'histoire tragique de deux amants, la prêtresse Ero et son soupirant Leandro, dont les rencontres secrètes se tiennent au bord du détroit de l'Hellespont, Ero disposant une lanterne au bord de l'eau pour signifier sa présence afin que Leandro la rejoigne à la nage. Mais un soir, le vent ayant éteint la mèche, Leandro se noie. La cantate dépeint la peine de l'inconsolable Ero devant le cadavre de celui-ci. Ainsi à l'aria I, le violon solo dialogue avec la voix, en particulier dans sa section médiane d'une grande intensité. Plus rapide, l'aria II, dans un rythme de danse, figure une gavotte et ce sont alors le violon, le violoncelle et même le hautbois qui concertent avec la soliste. La dernière aria voit Ero s'enfoncer dans un profond désespoir et renoncer à la vie, dans une douce affliction, sur un tempo de plus en plus lent. La cantate se termine par un récitatif, ce qui est rare, où Ero embrasse les lèvres de l'aimé avant de se suicider.

Quelques pièces isolées complètent le programme. L'une vocale comme l'aria extraite de l'oratorio Atalia de Francesco Gasparini (1661-1727) : une scène où se révèle le caractère tourmenté de la reine sanguinaire dont l'anxiété et la peur de mourir sont traduites par une alternance de tempos contrastés. Les autres instrumentales : la sinfonia de l'opéra Maria dolorata de Leonardo Vinci (1690-1730), qui comporte là aussi une partie de violon solo, et celle de l'opéra Agrippina de Haendel.

Tous ces morceaux sont magnifiés par une interprétation d'excellence. L'empathie de la mezzo-soprano Magdalena Kožená pour ces musiques tient de l'évidence. Ce répertoire qui a toujours été le sien, elle le maîtrise comme peu. On admire la belle ligne vocale et un engagement qui confèrent à ces pages autant de sincérité que de poignante intensité. La réussite de cette réalisation doit aussi beaucoup à la partie instrumentale assurée par l'orchestre tchèque du Collegium 1704, fondé en 2005 par le claveciniste et chef d'orchestre Václav Luks. Constitué ici d'une vingtaine de musiciens, l'ensemble fait montre d'un extrême raffinement, sous la direction experte de son chef qui jamais ne force le trait.

L'enregistrement, dans une des églises de Prague, agréablement réverbéré, est d'un beau relief pour une sonorité aussi raffinée que l'est l'interprétation. La voix est ainsi mise en valeur dans un écrin choisi.

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Texte de Jean-Pierre Robert

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