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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : "Titan", François-Xavier Roth dirige la Première symphonie de Mahler

Titan Mahler LesSiecles

  • Gustav Mahler : "Titan". Poème symphonique en forme de symphonie en deux parties et cinq mouvements pour grand orchestre (version de 1893/1894 de la Première Symphonie )
  • Les Siècles, dir. François-Xavier Roth
  • 1 CD Harmonia Mundi : HMM 905299 (Distribution : PIAS)
  • Durée du CD : 57 min 01 s
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rouge (5/5)

Ce CD présente la Première symphonie de Mahler avec le fameux mouvement "Blumine". Autrement dit la version de l'œuvre telle que jouée à Hambourg en 1893, sous forme de poème symphonique en deux parties et 5 mouvements. La singularité de l'interprétation qu'en donnent Les Siècles sous la direction de leur chef François-Xavier Roth ne s'arrête pas à ce fait puisqu'ils en proposent une exécution sur instruments d'époque dont la sonorité diffère sensiblement de ce qu'on entend d'un orchestre conventionnel, singulièrement français.

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La Première symphonie de Mahler a de longue date suscité des interrogations, en particulier eu égard à la présence d'un mouvement que le compositeur a par la suite retiré, celui intitulé "Blumine", destiné à venir en deuxième position. Mahler le mettra de côté pensant que c'était une erreur de jeunesse. La version telle que présentée par Les Siècles et François-Xavier Roth est la reconstitution de celle donnée en 1893, lors d'un concert à Hambourg, et doit donc être considérée en soi. Autrement dit dans la perspective envisagée initialement d'un vaste poème symphonique, baptisé "Titan", en deux parties et cinq mouvements dont les titres sont les suivants : "Souvenirs de jeunesse, pièces de fleurs, de fruits et d'épines", regroupant les trois premiers mouvements, et "Comédie humaine", constituée des deux derniers. L'appellation de "Titan", empruntée au poète Jean-Paul, référant à "un individu héroïque, sa vie et ses souffrances, ses luttes et sa défaite aux mains du destin", selon la musicologue Natalie Bauer-Lechner. Elle sera également biffée plus tard par l'auteur. La principale différence par rapport à la partition bien connue et la plus souvent jouée de la Première symphonie, réside donc dans ce mouvement "Blumine", qu'on peut traduire en français par "fleurettes". C'est un Andante allegretto, sorte de sérénade, composé dès 1884, donc contemporain des Lieder eines fahrenden Gesellen. Sa facture proche d'une musique d'accompagnement d'un Lied et sa brièveté lui font jouer le rôle d'intermède. Une technique que Mahler reprendra dans sa Septième symphonie et son Andante amoroso, bien mieux intégré à l'œuvre, il est vrai. "Blumine" requiert un effectif instrumental plus réduit que pour le reste de l'œuvre et met en scène une trompette solo. Il est intéressant de l'entendre, même si la rupture de style est évidente par rapport aux autres mouvements.

Reste le parti interprétatif adopté pour la présente exécution. Et d'abord la question du recours à des instruments d'époque, comme ceux pratiqués lors de la création. Roth explique faire usage d'instruments de facture autrichienne et allemande. Il est de fait que cela fonctionne plutôt bien car la sonorité de ces instruments apporte un indéniable plus en termes de couleurs, des bois en particulier dont le hautbois viennois et sa sonorité nasillarde si caractéristique, mais aussi les clarinettes et les bassons allemands. Des "vents qui ont une singularité qui correspond tout à fait à la rhétorique de la musique germanique de cette époque, avec une couleur plus sombre que celle alors utilisée en France... et peut-être plus puissants", remarque Roth. Il dispose par ailleurs ses violons I et II à droite et à gauche, permettant de savourer les habiles effets imaginés par Mahler.

L'interprétation elle-même pose plus de questions. Roth décortique le texte à un rare point d'analyse et souligne à l'envi les particularités de l'instrumentation de Mahler. Il use d'écarts dynamiques extrêmes, au point qu'il est au début de l'écoute, délicat d'ajuster le potentiomètre de la chaîne Hifi car le pianissimo ténu qui baigne les premières phrases laisse peu préjuger de l'amplitude dynamique qui va suivre. Il favorise aussi des ralentissements de tempo particulièrement accentués, en particulier dans ce même mouvement. Ce qui, conjugué au paramètre de l'amplitude dynamique, donne une bonne idée de ce qu'on désigne par la notion d'extinction du son, ce diminuendo dans le volume sonore qui fait que le son meurt. Le scherzo est, en revanche, pris à vive allure et un peu saccadé, la première reprise encore plus vite. Mais après tout, n'est-il pas indiqué "vigoureusement animé". Le trio introduit une atmosphère idyllique, presque nonchalante qui se dissipe à son tour et la récapitulation est encore plus rapide. Au 4ème mouvement, l'esprit de marche funèbre "à la manière de Callot", au son du fameux "Frère Jacques", ressort plus insolite que jamais. L'épisode de musique tzigane est pris très ralenti, presque alangui, et la mélopée qui suit, d'une mélancolie presque endeuillée, ne parvient pas à l'éclaircie. Le dérisoire mêlé d'ironique est là presque obsédant. Le finale, sous-titré "Depuis l'Enfer", retrouve des chemins plus balisés : héroïque dans l'attaque et les premières mesures, magistralement jugé lors des crescendos, même si là encore ceux-ci sont affectés de ralentissements marqués, bénéficiant encore d'une efficace spatialisation au médian du mouvement, mettant en valeur les pupitres des bois. Les Siècles montrent ici leurs éminentes qualités comme il en est aussi des cordes, singulièrement des altos. En un mot, une vision à part, qui ne manque pas de panache, en marge des interprétations habituelles et qui vaut surtout pour sa portée historique.

La prise de son, à diverses sources, la Philharmonie de Paris, la Cité de la Musique et de la Danse de Soissons, est très étudiée. Comme si on voulait traduire différentes acoustiques selon les divers moments de l'œuvre : très ouverte dans les grands tutti, avec une légère dose de réverbération, plus proche s'agissant des passages chambristes, comme le 2ème mouvement "Blumine". L'étagement des plans est particulièrement travaillé autorisant des effets de distanciations étonnants, singulièrement durant l'introduction du premier mouvement.

Texte de Jean-Pierre Robert

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