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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : La Damnation de Faust de Sir Simon Rattle

Faust LSO

  • Hector Berlioz : La Damnation de Faust, légende dramatique en quatre parties. Livret du compositeur et d'Almire Gondonnière, d'après le "Faust I" de Goethe
  • Bryan Hymel (Faust), Karen Cargill (Marguerite), Christopher Purves (Méphistophélès), Gábor Bretz (Brander)
  • LSO Chorus, Ghuidhall School Singers, dir. Simon Hasley
  • Tiffin Boys' Choir, Tiffin Girls' Choir, Tiffin Children Chorus, dir. James Day
  • London Symphony Orchestra, dir. Sir Simon Rattle
  • 2 CDs LSOlive : LSO0809 (Distribution : PIAS)
  • Durée des CDs : 56 min 59 s + 69 min 19 s
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile grise (4/5)

Premier acte de son mandat de Music Director du LSO, cette exécution live de La Damnation de Faust captée en septembre 2017 montre une évidente empathie du chef avec l'idiome de Berlioz. Cette grande fresque, il la sent comme peu et son orchestre répond avec enthousiasme. Dommage que la distribution réunie alors ne soit pas toujours à la hauteur de l'évènement.

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Créée à l'Opéra Comique en 1846, après une longue gestation, sous forme concertante, l'œuvre devait rapidement justifier son titre de "légende-dramatique". Car c'est un théâtre du rêve, voire de l'hallucination, de la fantaisie au sens le plus noble du terme, où le compositeur, lui-même librettiste, puise directement au Faust I de Goethe, grâce à la traduction qu'en fit Gérard de Nerval en 1828. Il en condense l'action en une suite de tableaux sonores, autant d'épisodes d'un théâtre du monde à portée cosmique. Combinant musique, texte et impact théâtral de manière révolutionnaire à l'époque. L'œuvre trouve sa première ébauche dans les Huit scènes de Faust, composées en 1829. Berlioz se concentre sur le personnage éponyme pour en montrer l'isolement, ce thème de la solitude de l'esthète si cher aux romantiques, d'un héros confronté à l'errance, à l'amour impossible, à l'idéalisme déçu, qui malgré le panthéisme de la nature, ne trouvera pas le salut. Dans une succession de quatre parties découpées en plusieurs scènes, schéma a priori disparate qu'unit pourtant une logique implacable.

La lecture de Sir Simon Rattle vérifie à chaque instant la constante originalité de cette musique, sa brillance au-delà du pittoresque, sa modernité aussi. Le timbre autant que la mélodie et l'harmonie caractérisent chaque situation. Fidèle à sa manière, le chef creuse les écarts dynamiques et privilégie des transitions abruptes. Ainsi de la "Marche hongroise" frénétiquement articulée, martelée, s'achevant comme un ouragan, ou au contraire, de la ''Danse des Sylphes'', sur une pédale de violoncelles et de basses presque imperceptible, ponctuée des harpes, s'effilochant dans un pppp immatériel. Le sens du détail est aussi travaillé : la berceuse de Méphisto "Voici des roses" affirme une douceur perverse amenée par les cuivres. Les hautbois déchirants traversent la "Course à l'abîme" dans un tourbillon de plus en plus sec et rapide, presque sauvage. La scansion du "Menuet des follets" est nettement différentiée au fil de ses deux parties, d'abord retenue pour basculer dans une allure endiablée, tandis que le grand "Pandémonium", asséné dans un fortissimo assourdissant, prend l'allure d'une vision de cauchemar. Partout, le LSO prodigue un kaléidoscope de couleurs bien françaises et plus d'un trait mémorable : cordes grinçantes dans l'air de la Puce de Méphisto, cor anglais solo voilé accompagnant Marguerite pour ''D'amour l'ardente flamme".

La distribution apporte des satisfactions mitigées. Bryan Hymel, Faust, a indéniablement le coffre et possède les nuances d'un rôle ingrat. Le timbre éclatant le trouve à l'aise dans l'invocation à la nature, aidé par le tempo retenu adapté alors par le chef, les mots moins détachés qu'il faudrait, mais d'un impact certain. Ailleurs, l'expression semble congestionnée, ce qu'une faible familiarité avec la langue n'arrange pas, produisant des intonations pas toujours heureuses, au début en particulier. La voix ''se libère'' à mesure que le concert avance et l'émotion affleure enfin, même si les quintes en voix de tête de "Ange adoré" le taxent quelque peu. Le duo est déséquilibré du fait de la chanteuse qui place le curseur sur le 'forte'. C'est que Karen Cargill, un remplacement peut-être de dernière heure, possède un timbre au vibrato prononcé. La ballade du ''Roi de Thulé" est délivrée en un mezzo piano incertain, et la romance "D'amour l'ardente flamme" est gâtée par un instrument pas assez discipliné aussi bien dans l'aigu que dans le grave. Christopher Purves, plus baryton que basse, campe un Méphistophélès peu satanique. Bien des intonations sont elles aussi sujettes à caution, les accents pas assez mordants dans les premières interventions, et la morgue manquant ou trop discrète lors de la Sérénade. Plus sardoniques seront la "course à l'abîme" et les dernières paroles de triomphe du ''diable''. Le Brander de Gábor Bretz, hélas capté à l'arrière plan lors de sa chanson, offre une voix de Méphisto, mais là aussi souffre d'une faible familiarité avec la langue de Nerval. Les Chœurs du LSO ont à cet égard moins de souci et dispensent d'intéressantes nuances, particulièrement dans le registre pianissimo. Ils sont incisifs lorsqu'il le faut. À noter que Rattle opte pour une panoplie chorale renforcée à l'apothéose finale des esprits célestes, nantie d'un vaste brelan de chœurs d'enfants.

La captation live au Barbican, acoustique réputée problématique, offre à l'occasion un léger effet de congestion sonore. Les voix, bien placées à l'exception près signalée, sont saisies dans une balance satisfaisante avec la masse orchestrale, laquelle est plutôt mise en avant. L'image sonore met aussi les chœurs en bonne place par rapport à l'orchestre. On note, au montage, quelques différences d'intensité sonore selon les séquences. 

Texte de Jean-Pierre Robert  

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