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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Le quintette de Chostakovitch par Elisabeth Leonskaja et les Artemis

Chostakovitch Leonskaja Artemis

  • Dimitri Chostakovitch : Quintette pour piano et cordes op. 57
  • Quatuors à cordes N° 5, op. 92 & N° 7, op. 108
  • Elisabeth Leonskaja, piano, Artemis Quartet
  • 1 CD Erato : 0190295540760 (Distribution : Warner Classics)
  • Durée du CD : 76 min 29 s
  • Note technique : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleue (5/5)

Ce CD marque un double événement : la première collaboration au disque du Quatuor Artemis, pour son premier CD Chostakovitch, avec Elisabeth Leonskaja. Une relation artistique entamée de longue date, qui se concrétise magistralement dans une œuvre chère à la pianiste russe, le Quintette pour piano. Deux quatuors encadrent ce chef-d'œuvre.

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Dimitri Chostakovitch a écrit son Quintette pour piano et cordes op. 57 en 1940 et le créera lui-même aux côtés du Quatuor Beethoven, initiateur du projet d'écrire pour cette formation. Œuvre d'une grande perfection formelle et musicale, elle est faite de cinq mouvements dont les deux premiers, Prélude et Fugue, sont enchaînés, comme les deux derniers. Le centre est occupé par un scherzo énergique. Elisabeth Leonskaja qui n'en est pas à sa première interprétation au disque (une version avec les Borodin, gravée en 1996), livre une vision totalement habitée. La majestueuse phrase du piano qui ouvre le premier mouvement "Fugue", marqué lento, est prise avec noblesse, le quatuor la rejoignant dans un geste calme et lyrique. Évocation de la musique baroque, le mouvement se déploie, intense, le piano tressant la mélodie que soutiennent les cordes. La Fugue, adagio, construite en arche, fait intervenir successivement les violons I et II, puis l'alto et le violoncelle, en sourdine, et enfin le piano jouant dans le grave. Les Artemis la prennent dans un expressif pianissimo, comme l'est le jeu de Leonskaja. Traitée dans une progression dynamique rigoureuse, mais sans austérité, cette fugue déploie sa saveur toute polyphonique. Serge Prokofiev, pourtant critique à l'égard de l'œuvre, admettra que "sa fugue contient un nombre incroyable de choses nouvelles". Une paix intérieure infuse dans cette interprétation suprêmement maîtrisée. Tout en rupture, le Scherzo, allegretto, se montre enjoué dans son rythme sautillant, sans être ici trop parodique ni grotesque. Le trio s'avère bondissant, légèrement humoristique, dans l'extrême aigu du clavier, dégageant esprit, l'air de ne pas y toucher. L'Intermezzo, lento, retrouve l'intensité du début de l'œuvre par une longue phrase du violon I pianissimo, doublé à l'alto sur des pizzicatos du cello. Le piano de Leonskaja dispense une sorte de bonheur serein. Cette sérénité impalpable se prolonge au finale Allegretto qui s'enchaîne, quoique ouvrant de nouveaux éclairages plus avenants. Le discours s'affirme de plus en plus lumineux même dans le registre du murmure. Voilà une interprétation d'une profonde musicalité, d'un grand raffinement de jeu tant au piano qu'aux cordes, qui ne cherche pas à forcer les oppositions. 

Cet art de jeu marque aussi l'exécution des deux quatuors qui encadrent le quintette. Le Quatuor N° 5 op. 92, de 1953, contemporain de la Dixième symphonie, compte parmi les partitions les plus complexes de cette période de l'auteur. L'Allegro non troppo qui possède une dimension presque symphonique, est dense et véhément, bâti sur le motif signature DSCH de quatre notes, mais aussi traversé de "moments particulièrement touchants", de "passages doux et réconfortants", notent les Artemis. On remarque leur agilité instrumentale dont celle du Ier violon de Vineta Sareika. Introduit par une phrase plaintive de l'alto, l'Andante est nostalgique, expression d'une douleur intérieure. Un réchauffement s'opère puis tout retourne vers le suraigu du violon I. Le Moderato s'enchaîne plus apaisé dans un pseudo rythme de valse, parfaitement alerte sous les doigts des Artemis. Le discours se fait plus insistant, passant du piano au forte pour atteindre la véhémence connue au Ier mouvement. L'œuvre s'achève dans le calme et ppp. Le Quatuor N° 7 op. 108 (1959), un des plus concis des 15 composés par Chostakovitch, offre au long de ses trois mouvements enchaînés, des climats énigmatiques d'une fausse simplicité. Ainsi de l'Allegretto débutant en apparence joyeusement mais s'infléchissant, par des pizzicatos du violon I, dans une atmosphère étrange qui déroute l'auditeur. La mélodie plaintive du Ier violon sur l'accompagnement du violon II, colore le Lento de quelque chose d'étouffé et de poignant. C'est là en effet un ''tombeau'' écrit par le musicien à sa première épouse disparue, Nina Vassilievna. Le finale tranche comme un couperet, ce que les Artemis prennent dans une allure haletante, jusqu'à la bribe de valse ultime qui s'éteint.

Outre une technique asservie aux exigences souvent extrêmes du langage du compositeur russe, on aura remarqué combien ils privilégient une approche quintessenciée, loin des accents tranchés favorisés par nombre de leurs collègues. L'usage du registre piano en particulier est remarquable, apportant une humanité certaine à la musique d''un Chostakovitch très poétique et très tendre". 

Les enregistrements, à Berlin et à Brême, offrent une image très large permettant de parfaitement cerner les quatre voix, mais le ton reste intimiste et fusionnel. Comme est satisfaisant l'équilibre piano-cordes dans le quintette.

Texte de Jean-Pierre Robert

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