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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : All'Ungarese, pièces de violoncelle du répertoire hongrois

AllUngarese

  • Zoltán Kodály : Adagio pour violoncelle et piano. Sonate pour violoncelle seul op. 8
  • Ernő Dohnányi : Ruralia Hungarica op. 32 (extraits, adaptés pour violoncelle et piano)
  • David Popper : Fantaisie sur une chanson de la Petite-Russie op. 43
  • Aurélien Pascal, violoncelle, Paloma Kouider, piano
  • 1 CD La Musica : LMU017 (Distribution : PIAS)
  • Durée du CD : 62 min 50 s
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5)

Voici un disque de violoncelle à la gloire du répertoire hongrois, illustré à partir d'un de ses illustres virtuoses, David Popper, par deux de ses musiciens phares : Kodály et Dohnányi. Ces pièces de musique où le violoncelle virtuose rencontre le chant du terroir sont interprétées par un talentueux instrumentiste, accompagné par une pianiste non moins prestigieuse : Aurélien Pascal et Paloma Kouider. Des découvertes pour un CD incontournable.

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David Popper (1843-1913), musicien austro-hongrois, est au violoncelle ce que Paganini est au violon : un maître à la virtuosité légendaire, qui après un poste de premier solo à l'Opéra de Vienne, puis de professeur à l'Académie Royale de Musique de Budapest, se tournera vers une carrière de virtuose à travers l'Europe au tournant du XIXème et du XXème siècle. Comme compositeur, il s'illustrera, entre autres, dans le genre de la grande fantaisie de concert. Sa Fantaisie sur une chanson de la Petite-Russie op. 43 est un modèle du genre. Après une entrée en matière haute en agilité nantie d'une cadence spectaculaire jusqu'au suraigu du cello, elle aligne six variations d'une technicité à couper le souffle, où tour à tour vont se succéder gammes et arpèges diaboliques, pages doucement chantantes ou d'une incroyable vitalité, pour se terminer en un allegro des plus véloces.

Le hongrois Ernő Dohnányi (1877-1960) est également honoré. Par une adaptation pour violoncelle et piano de Ruralia Hungarica op. 32, œuvre conçue originellement pour le piano. Des trois pièces données ici, une a été adaptée pour violoncelle et piano par l'auteur ("Andante rubato''), marquée "alla zingaresca", deux autres l'étant pour violon ("Presto, ma non tanto" & "Molto vivace"). Aurélien Pascal a transcrit ces dernières pour son instrument, retrouvant l'habileté d'origine du "Presto", un rondo sonnant comme une czárdás, et la belle verve hongroise du "Vivace", au long de ses brèves variations brillantissimes, où l'on approche la virtuosité violonistique par l'usage du registre le plus haut du cello, jusqu'à un feu d'artifice final où les deux partenaires s'en donnent à cœur joie.   

Zoltán Kodály (1882-1967), qui comme son illustre collègue Béla Bartók, s'est fait une spécialité de la collecte des thèmes populaires dans la campagne hongroise, a aussi donné au violoncelle plusieurs morceaux. L'Adagio pour violoncelle et piano, écrit en 1910, à l'origine pour le violon, se situe dans l'orbite de Brahms. Quoique son écriture modale et rhapsodique fasse penser à Debussy. Il s'agit d'une longue mélopée expressive du violoncelle sur un accompagnement arpégé du piano. Autrement plus importante, et clou du présent programme, la Sonate pour violoncelle seul op. 8 (1915) est un vrai monument. On n'avait rien écrit de tel depuis les Suites pour violoncelle seul de JS. Bach. Un traitement nouveau de l'instrument, en rupture avec tout ce qui a précédé, et qui "révèle le violoncelle moderne'', souligne Aurélien Pascal : "Il devient électrique, minéral, percussif et polyphonique... éclatant dans tous ses registres et sonorités". Au fil de ses trois mouvements, se côtoient thèmes populaires et concepts savants en une magistrale synthèse et une écriture d'une rare inventivité. L'allegro maestoso ma appassionato est bâti sur deux thèmes contrastants et offre un étourdissant travail quant aux possibilités expressives de l'instrument sur toute l'étendue de ses registres. À l'adagio, ''con grand' espressione", se déploie un chant habité qui puise son inspiration dans le folklore hongrois. Là encore, le traitement du matériau est innovant dans un souffle d'allure rhapsodique. L'œuvre se conclut par un allegro molto vivace où sont repoussées les limites du violoncelle, qui sonne à la fois comme une guitare, une cornemuse ou un cymbalum. L'apport folklorique irrigue ces pages comme jamais et le jeu l'apprivoise à travers toutes sortes de techniques formidablement mêlées. Bartók saluera "une technique stylistique originale et inhabituelle qui produit des effets lyriques inattendus, sans que ceux-ci n'effacent pour autant la valeur musicale de l'œuvre".

Aurélien Pascal, Premier grand prix au concours Feuermann de Berlin, formé auprès de János Starker, puis de Philippe Muller au CNSM de Paris, et de Gautier Capuçon à la Fondation Vuitton, joue ces pièces avec autant de maîtrise que d'enthousiasme. On admire combien il fait vibrer son instrument, un violoncelle français de 1850, que ce soit dans le tréfonds de ses graves somptueux ou dans la brillance d'aigus aérés presque impalpables. Et comme il transcende leur redoutable technicité, singulièrement de la Sonate de Kodály qu'il dit fréquenter depuis des années. Car la jouer, c'est aller "vers un ailleurs de l'instrument'', relève-t-il. Il trouve en Paloma Kouider, pour les pièces en duo, partenaire on ne peut plus inspirée. Car cette pianiste, membre fondatrice du Trio Karénine, est une chambriste émérite recherchée dont le jeu illumine tout ce qu'elle touche. 

La prise de son, à l'Église Protestante de Bon-Secours à Paris, offre un parfait équilibre cello-piano. S'agissant de la sonate de Kodály, l'instrument est magnifiquement saisi dans toute sa vaste dynamique. 

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Texte de Jean-Pierre Robert

Disponible sur Amazon en CD et MP3



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