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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Deux concertos de Beethoven dirigés par Bernard Haitink

Beethoven Haitink

  • Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano et orchestre N° 2, op. 19. Triple concerto pour piano, violon et violoncelle, op. 56
  • Maria João Pires (concerto N° 2), Lars Vogt (triple concerto), piano, Gordan Nikolitch, violon, Tim Hugh, violoncelle
  • London Symphony Orchestra, dir. Bernard Haitink
  • 1 CD LSO Live : LSO0745 (Distribution : PIAS)
  • Durée du CD : 66 min 52 s
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile grise (4/5) 

Après l'intégrale des symphonies de Beethoven à la tête du LSO, Bernard Haitink se tourne vers deux de ses concertos : le Deuxième pour piano, joué par Maria João Pires, sans doute une des dernières prestations au disque de la pianiste portugaise avant qu'elle se retire des salles de concerts, et le Triple concerto qui outre Lars Vogt au piano, est joué par deux des premiers pupitres de l'orchestre londonien. Des exécutions, saisies live, intimistes et foncièrement musicales.

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Le premier écrit, le Concerto pour piano N° 2 op. 19 de Beethoven, l'est pour un orchestre plus réduit que les quatre autres, puisque sans clarinette ni timbales. Et d'une facture classique quasi mozartienne, même si la patte du maître de Bonn s'y affirme déjà pleinement au fil de ses trois mouvements contrastés. Bernard Haitink prend l'Allegro con brio de manière confortable, refusant toute brillance à l'introduction orchestrale, ce qui laisse à l'entrée presque nonchalante de la soliste toute son originalité. Maria João Pires dont on sait les affinités avec cette musique, introduit la partie soliste avec le plus grand naturel, et le raffinement qu'on lui connaît, qui évite toute joliesse cependant. Le développement laisse progresser le dialogue clavier-bois de ses belles modulations à partir des thèmes si heureux qu'y incruste Beethoven. À la cadence, Pires montre sa profonde musicalité, sans effet. L'adagio, pris ample par le chef là encore, laisse au piano loisir de s'exprimer sereinement au fil d'un discours légèrement ornementé. Calme intérieur, chant souverainement maîtrisé caractérisent ce mouvement qui atteint son point culminant dans le passage marqué ''con gran espressione'', sorte de récitatif accablé qui se résout dans une brève cadence du clavier toute chargée d'émotion, sur une pédale ppp de l'orchestre assagi. Le finale rondo molto allegro fait contraste par son allant retrouvé, même si là aussi retenu par le chef. Le thème porté par le piano soutient le rythme et Pires y apporte une touche amusée, espiègle presque. Cela s'anime joliment de ses références discrètes au style de turquerie, en vogue à l'époque de la création de l'œuvre. La conclusion sera toute de simplicité. À l'aune de cette interprétation d'une grande rigueur, un peu sur le versant sérieux, mais profondément pensée.

La partition du Triple concerto pour piano, violon et violoncelle op. 56 a longtemps été à la peine, sous-estimée, pour ne pas dire ignorée par bien des musiciens. Elle n'est certes pas démonstrative, car écrite pour des amateurs éclairés : l'archiduc Rodolphe pour la partie de piano, un élève de Beethoven et bon exécutant, Siedler, pour celle de violon, et Kraft au violoncelle. Ces deux derniers meilleurs professionnels se voyaient offrir une écriture plus élaborée. L'interprétation qu'en offre Haitink est là encore d'un classicisme paisible. Il fait le choix de confier les parties de violon et de violoncelle, non à des stars de leur instrument, mais aux premiers pupitres du LSO. Ce qui a un impact sur l'interprétation, plus portée sur l'optique chambriste que sur l'éclat. L'œuvre s'ouvre par un allegro d'abord mystérieux débouchant sur un crescendo qui, après un accord solennel, donne la parole d'abord au cello, puis au violon et enfin au piano. Lesquels entament une thématique sur le mode triomphal. Une sorte de dialogue confident se déploie entre les trois voix au long du développement. La vision des présents solistes est de ne pas chercher à tirer la couverture chacun pour soi et à faire plus large que l'autorise le morceau. Comme certaine interprétation d'un fameux trio russe sous la houlette de Karajan (EMI/Warner). Tout le contraire dans cette interprétation londonienne, presque modeste en comparaison.

C'est le violoncelle qui se tire la part du lion dans le Largo médian, grâce à son beau solo initial, d'une grande discrétion, pas moins intense, sous les doigts de Tim Hugh, comme tout au long de la séquence. L'accompagnement prodigué par Haitink est pour beaucoup dans cette approche introspective. Le piano comme le violon ne sont pas moins présents, protagonistes d'un discours sensible qui connaît aussi ses moments tragiques. Le rondo final ''alla polacca'', qui s'enchaîne tout en douceur, va prendre son essor après un point d'orgue, dans un style de polonaise tour à tour énergique et lyrique, permettant aux trois solistes de briller. La symbiose entre eux est remarquable, comme le montre encore la sorte de cadence centrale et la péroraison filant comme une étoile. Il ne faut pas chercher ici de la virtuosité d'estrade, tout est du domaine intérieur : le pianiste allemand Lars Vogt comme ses deux partenaires anglais, Gordan Nikolitch et Tim Hugh, offrent la vision épurée d'un trio qu'unit une même sensibilité, sous la conduite à la fois souple et construite de Bernard Haitink.

Les enregistrements captés en concerts, au Barbican de Londres (en 2005/Triple concerto, et 2013/Concerto N°2) sont peu aérés, sur le versant ''boxy'', même si l'atmosphère chambriste est bien ménagée. La ligne de basse est trop soulignée, en particulier pour ce qui est du Triple concerto.

Texte de Jean-Pierre Robert

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